Cour d’appel d’Angers, du 15 janvier 2001, 1999/02310

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Cour d’appel d’Angers, du 15 janvier 2001, 1999/02310

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE FL/CG ARRET N 6 AFFAIRE N :

99/02310 AFFAIRE : ALBERTINI C/ G… Jugement du T.G.I. LE MANS du 13 Octobre 1999

ARRÊT RENDU LE 15 Janvier 2001

APPELANTE : E… Marie Christine X… épouse G… née le 09 Juillet 1957 à LE MANS (72000) Le Prieuré 72220 ECOMMOY (Admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle en date du 24 janvier 2000) représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me C… substituant Me A…, avocat au barreau du MANS INTIME :

Monsieur Alain G… en sa qualité de gérant et en celle d’associé de la SCI LE PRIEURE à ECOMMOY né le 28 Février 1945 à PARIS (11) … représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me F… substituant Me H…, avocat au barreau du MANS COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame D… et Monsieur MOCAER, conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame B…, agent adminis-tratif assermenté faisant fonction de greffier DEBATS : A l’audience publique du 11 Décembre 2000 Prononcé par l’un des magistrats ayant participé au délibéré, à l’audience publique du 15 Janvier 2001, date indiquée par le Président à l’issue des débats. ARRET : contradictoire – 2 –

Par acte du 26 novembre 1998, Mme G… née X… a assigné M. G… pris tant en sa qualité de gérant de la Société Civile Immobilière « Le Prieuré » dont le siège est à ECOMMOY « Le Prieuré » qu’en sa qualité d’associé de ladite SCI « Le Prieuré » aux fins essentiellement de voir :

– dire et juger qu’il existe de justes motifs justifiant l’autorisation, qui lui sera donnée de se retirer de la SCI « Le Prieuré », dont le siège est à ECOMMOY dans la Sarthe au lieudit « Le

Prieuré »,

– désigner tel expert qu’il plaira au Tribunal, avec mission, conformément aux dispositions de l’article 14 des statuts de la SCI, de déterminer la veleur des droits respectifs des associés,

– donner acte à Mme X… épouse G… de ce qu elle entend demander le remboursement de la valeur de ses droits,

– surseoir à statuer sur cette demande jusqu à la détermination par l expert désigné de leur montant ,

– condamner M. G… à payer à Mme G… née X… une somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour elle –

– de la gestion douteuse de M. G… –

– et de l obligation de faire valoir son droit au retrait.

Elle exposait principalement :

– qu il résulte des statuts établis par acte sous-seing privé à ECOMMOY, le 05 Octobre 1992, que:* M. Alain G… d une part, – et Mme Marie-Christine X… épouse G… d autre part,

mariés sous le régime de la séparation de biens en date du 09 juillet 1988, suivant contrat de mariage reçu le 23 juin 1988, par Me Z…, notaire au MANS (72),

ont constitué une société civile immobilière, sous la dénomination sociale « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LE PRIEURE », son siège social étant fixé à ECOMMOY (72) au lieudit « Le Prieuré », ladite société étant régie par les dispositions des articles 1832 à 1870-1 du Code Civil;

– qu aux termes des statuts, le capital social était fixé à la somme de 1 000 F correspondant au total du montant des apports des associés, ledit capital étant divisé en 10 parts égales de 100 F chacune, souscrites par les associés, et qui leur étaient attribuées en proportion de leurs apports respectifs de la manière suivante: –

– à M. Alain G…, en rémunération de son apport en numéraire

* 5 parts sociales, numéro 1 à 5, soit 5 parts,

– à Mme Alain G… née X…, en rémunération de son apport en numéraire

* 5 parts sociales, numéro 6 à 10, soit 5 parts

– qu il résulte d un acte sous seing privé en date du 15 avril 1995, que M. Alain G… a cédé à Mme X… Marie-Christine épouse G…

* – 4 parts de 100 F chacune, entièrement libérées, portant les numéros 2 à 5, de la SCI « Le Prieuré »; – 3 –

– que M. G… était, donc, titulaire, à partir de cette date, d une seule part dans la SCI ;

– qu il conservait, cependant, la qualité de gérant de la SCI .

– que les époux G… – ALBERTINI sont, actuellement, en instance de divorce;

– qu aux termes des statuts constitutifs, et plus précisément de l article quatorze des statuts de la SCI LE PRIEURE, intitulé « Retrait d un associé »: « un associè sans préjudice des droits des tiers peut se retirer totalement ou partiellement de la société, avec l accord de ses coassociés… »

-que la situation actuelle de divorce rend difficile un accord des deux associés ;

– qu aux termes de l article quatorze, la demande de retrait peut également être autorisée « pour justes motifs par décision du Tribunal de Grande Instance » ;

– qu’elle a de justes motifs pour demander au Tribunal d’autoriser son retrait de la SCI Le Prieuré.

Par jugement du 13 octobre 1999, le tribunal de grande instance du MANS a déclaré irrecevable Mme G… en son action et l’en a déboutée, débouté M. G… de sa demande de dommages et intérêts et a condamné Mme G… à payer à M. G… la somme de 2.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.

Mme G… née X… a interjeté appel de cette décision. *

Par conclusions déposées le 8 novembre 2000, elle demande à la Cour :

– d’infirmer le jugement déféré,

– de la décharger des condamnations contre elle prononcées et des dispositions lui faisant grief,

– de dire qu’il existe de justes motifs justifiant l’autorisation que lui sera donnée de se retirer de la SCI Le Prieuré, dont le siège est à ECOMMOY dans la Sarthe au lieu-dit « Le Prieuré »,

– de désigner tel expert qu’il plaira à la Cour, avec mission, conformément aux dispositions de l’article 14 des statuts de la SCI, de déterminer la valeur des droits respectifs des associés,

– de lui donner acte de ce qu’elle entend demander le remboursement de la valeur de ses droits,

– de surseoir à statuer sur cette demande jusqu’à la détermination par l’expert désigné de leur montant

– de condamner M. G… à lui payer une somme de 50.000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour elle :

* de la gestion douteuse de M. G…,

* et de l’obligation de faire valoir son droit au retrait, – 4 –

– de condamner M. G… à lui payer une somme de 8.000 F en

première instance et celle de 5.000 F en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile , et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Aux termes d’écritures déposées le 23 octobre 2000, M. G… conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à dire au besoin l’action mal fondée, et à la condamnation de Mme G… à lui verser les sommes de 20.000 F titre de dommages et intérêts pour appel abusif et de 12.000 F par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile , et à supporter les entiers dépens d’appel.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 13 novembre 2000. SUR CE :

L’article 1869 du code civil énonce :

« Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la Société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.

A moins qu’il ne soit fait application de l’article 1844-9 (3è alinéa), l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4. »

L’article 14 des statuts de la SCI « Le Prieuré », intitulé « Retrait d’un associé » prévoit :

« Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la Société avec l’accord de ses coassociés, pris dans la forme d’une décision collective extraordinaire et dans le cadre d’une assemblée. La demande de retrait doit être notifiée par acte recommandé avec demande d’avis de réception à la Société et à chacun des associés trois mois avant la

date d’effet. Le retrait peut également être autorisé pour justes motifs par décision du tribunal de grande instance.

L’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits, fixée à l’amiable ou à défaut par un expert désigné, conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil, … » Ni l’article 1869 du code civil ni l’article 14 des statuts n’interdit à l’associé désireux de se retirer de solliciter directement cette autorisation au juge. Les textes précités ne lui imposent aucun préalable avant d’introduire l’instance. L’action est le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond. En l’occurrence Mme G… née X… est actionnaire majoritaire de la SCI « Le Prieuré », – 5 – gérée par l’associé minoritaire avec lequel elle est personnellement en instance de divorce et qui s’oppose à son retrait. Elle justifie bien d’un intérêt légitime au succès de sa prétention. C’est donc à tort que son action a été déclarée irrecevable.

Le retrait d’un associé peut être autorisé pour « justes motifs ». L’article 1869 du code civil n’interdit pas au juge de retenir, comme justes motifs permettant d’autoriser le retrait d’un associé, des éléments touchant à la situation personnelle de celui-ci. Le juge peut aussi retenir comme justes motifs des éléments objectifs. Ainsi qu’il a été dit, Mme G… née X… est en instance de divorce avec M. G… qui, titulaire d’une part sociale de la SCI « Le Prieuré », en est le gérant.

Elle prouve que le prêt de 360.000 F octroyé à la SCI « Le Prieuré » par la BNP pour financer le remboursement partiel du prêt consenti par la B.P. VAL DE FRANCE à l’occasion de l’acquisition de la maison d’habitation sise commune d’ECOMMOY Sarthe lieudit « Le Prieuré » n’a pas totalement servi à cette fin. Selon les conclusions déposées le 2

avril 1999 par M. G… auxquelles il renvoit dans ses écritures en cause d’appel (cf. page 6 de ses conclusions), 250.000 F ont été versés sur le compte courant de la Société CORES. Comme le soutient Mme G… née X…, il appartient au gérant d’une SCI de procéder aux encaissements et aux décaissements susceptibles d’entrer dans les activités sociales mais en aucun cas de virer les fonds sociaux à une autre société qui n’a rien à y voir.

Mme G… née X…, associée majoritaire de la SCI, exposée comme telle à répondre à l’égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de sa part dans le capital social justifie bien de motifs sérieux au soutien de sa demande de retrait. Le législateur n’a pas voulu qu’un associé puisse demeurer prisonnier de la Société. La responsabilité éventuelle du gérant ne fait donc pas obstacle à son retrait. L’autorisation de se retirer de la SCI « Le Prieuré » doit donc être donnée à Mme G… née X… dès lors qu’elle justifie de justes motifs.

L’associé bénéficiaire du droit de retrait a droit, en vertu de l’article 1869 ali-néa 3 du code civil, au remboursement des droits sociaux.

L’article 14 des statuts de la SCI « Le Prieuré » l’indique aussi.

Sur la valeur des droits sociaux de Mme G… née X…, il n’y a pas d’accord. A défaut d’accord amiable, cette valeur est déterminée par un expert. Les termes de l’article 1843-4 du code civil ne font pas obstacle à ce que la Cour ordonne, avant dire droit une expertise, qui est nécessaire pour déterminer cette valeur qui doit tenir compte autant de l’actif social que du passif. Cette expertise sera donc ordonnée comme dit au dispositif du présent arrêt. – 6 –

A l’appui de sa demande de dommages-intérêts pour « la gestion douteuse de M. G… » et « l’obligation de faire valoir son droit

au retrait ».Mme G… née ALBERTINI ne justifie pas de l’existence d’un préjudice. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande.

De même, M. G… ès nom et ès-qualités sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, l’appel n’étant pas abusif.

Il sera statué sur le surplus des demandes et les dépens en fin de cause. PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Dit recevable l’action introduite par Mme G… née X… tendant à être autorisée à se retirer de la Société Civile Immobilière « Le Prieuré » ayant son siège social … ;

Autorise pour justes motifs Mme G… née X… à se retirer de la Société Civile Immobilière « Le Prieuré »,

Ordonne, avant dire droit sur sa demande en remboursement de la valeur de ses droits sociaux, une expertise,

Commet pour y procéder M. Y… Pierre, …, qui pourra s’adjoindre le concours d’un technicien relevant d’une spécialité distincte de la sienne, avec pour mission :

– de se faire remettre tous documents comptables, sociaux et autres qu’il estimera utiles,

– de fournir tous les éléments de nature à permettre de déterminer la valeur des droits sociaux de Mme G… née X…, dans la SCI « Le Prieuré »,

– de donner son avis dûment étayé sur la valeur des droits sociaux de Mme G… née X… dans la SCI « Le Prieuré » en tenant compte tant de l’actif social que du passif,

Dit que l’expert devra déposer son rapport d’expertise au

secrétariat-greffe de la Cour dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, – 7 –

Déboute Mme G… née X… de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute M. G… de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Réserve le surplus des demandes et les dépens en fin de cause. LE GREFFIER

LE PRESIDENT C. B…

Y. LE GUILLANTON


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