Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
ic/ jc
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/ 01707.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes-Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 06 Juin 2013, enregistrée sous le no F 12/ 1015
ARRÊT DU 08 Septembre 2015
APPELANTE :
Syndicat des copropriétaires DE LA RESIDENCE LE PUY GARNIER, représenté par son syndic la Société FONCIA MAINE
67 rue Plantagenêt
49000 ANGERS
représenté par Maître Elisabeth POUPEAU de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocats au barreau d’ANGERS
en présence de Monsieur X…, directeur de gestion-FONCIA-MAINE
INTIMEE :
Madame Maléka Y…
…
49000 ANGERS
comparante-assistée de Maître Bertrand CREN de la SELARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Juin 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT :
prononcé le 08 Septembre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
Mme Y…a été recrutée le 2 août 2004 par le syndicat des co-propriétaires de la résidence Le Puy Garnier dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’employée d’immeuble à la résidence Le Puy Garnier à Angers.
Le contrat a été conclu sur la base de 35 heures de travail par semaine.
Le syndicat des co-propriétaires applique la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble du 11 décembre 1979.
Il employait à l’époque des faits un effectif de deux employés d’immeuble, Mme Z…, Mme Y…et un gardien M. MM….
A partir du mois de janvier 2007, le syndic de la co-propriété, la société Foncia Maine, a manifesté son mécontentement sur la mauvaise qualité du travail réalisé par la salariée avec un rappel à l’ordre le 25 janvier 2007, un avertissement le 3 octobre 2008 au regard des » nombreuses réclamations sur les prestations d’entretien des parties communes » et une convocation à un entretien le 13 février 2009 à la suite d’un contrôle du syndic (paliers et marches non dépoussiérés, luminaires poussiéreux, sol en état pitoyable, cabine d’ascenseur non nettoyée).
A partir du mois de juillet 2008, les parties ont fixé une répartition des tâches de travail entre les deux employées chargées de l’entretien des parties communes de la résidence, Mme Y…se voyant confier 11 immeubles moyens et petits (secteur 1) tandis que sa collègue Mme Z…s’occupait des 11 autres immeubles moyens et grands (secteur 2).
Par avenant du 26 février 2009, les parties ont fixé de nouvelles modalités du travail, avec l’octroi d’une pause de 15 minutes chaque jour de 10 heures à 10 heures 15 :
– lundi et jeudi : cages du 1 aux 13, résidence du Puy Garnier,
– mardi et vendredi : cages du 28-30 rue Cussonneau et 15-17 résidence du Puy Garnier
-mercredi : vitrerie, luminaires, caves, garages vélos, descente.
Le 17 mars 2009, Mme Y…a contesté de nouveaux reproches de son employeur estimant » faire correctement son travail et recevoir les remarques positives de nombreux locataires sur la qualité de ses prestations »
Le syndicat des co-propriétaires lui a répondu le 8 avril 2009 en lui rappelant ses engagements d’amélioration depuis la dernière assemblée générale le 10 janvier 2009, » la co-propriété n’étant pas satisfaite de ses prestations « .
Le 29 août 2011, Mme Y…a déposé plainte pour avoir reçu le même jour une gifle de la part d’une résidente du 11 rue Cussonneau, à la suite d’une altercation au sujet du ménage de l’immeuble.
Elle a bénéficié d’un arrêt de travail » maladie professionnelle » par son médecin traitant à partir du 30 août jusqu’au 4 septembre 2011 pour » agression par une locataire au cours de son travail, céphalées, anxiété réactionnelle « .
L’arrêt de travail a été prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 19 septembre 2011 pour » persistance de l’anxiété réactionnelle « .
Lors de l’examen de reprise le 20 septembre 2011, le médecin du travail a déclaré la salariée » apte à la reprise pour un mois. A revoir dans un mois. Contre-indication au travail dans la cage d’escalier no11. Etude de poste à prévoir d’ici un mois »
Le 20 octobre 2001, le médecin du travail a rendu un second avis d’aptitude avec des restrictions pour 6 mois et contre-indication de travail dans la cage d’escalier no11.
Il a signalé une situation dangereuse à l’occasion du ménage des vitres au 4ème étage des immeubles no28 et 30 boulevard Cussonneau et du ménage de la case vitrée du hall d’entrée de l’immeuble no28.
A la suite de la contestation de l’employeur, l’inspecteur du travail a modifié l’avis du médecin du travail, par décision du 21 décembre 2011, comme suit : » Apte à son poste de travail d’agent d’entretien. Dispense de la prise en charge de la cage d’escalier no11 pendant une période de 3 mois. Réévaluation de la situation à l’issue de la période de 3 mois par le médecin du travail. »
Le 5 mars 2012, le médecin du travail a rendu un nouvel avis d’aptitude avec restriction pour trois mois, avec une contre-indication au travail dans la cage d’escalier no11 et une alerte sur une situation dangereuse, à savoir le ménage de la cage vitrée du hall du 28-30 boulevard Cussonneau (R 4323-58 à R 4323-63 du code du travail).
Parallèlement, le syndicat des co-propriétaires mécontent des prestations de nettoyage de la salariée a mandaté un huissier de justice, Me Verger, qui a établi un constat des lieux, le 30 août 2011.
Il a adressé à la salariée plusieurs courriers les 5 janvier, 6 janvier et 6 février 2012 en lui reprochant des insuffisances dans l’exécution du nettoyage des vitres.
Le 10 février 2012, Mme Y…a été placée en arrêt de travail durant 14 jours pour » anxiété réactionnelle, notion de harcèlement moral au travail « .
Par courrier en date du 5 mars 2012, Mme Y…a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 16 mars 2011.
Le 21 mars 2012, la salariée a reçu notification de son licenciement pour faute suivant courrier libellé comme suit :
» Le syndicat des co-propriétaires de la résidence Le Puy Garnier a été informé à plusieurs reprises par les résidants de l’immeuble où vous travaillez d’un certain nombre de manquements dans les tâches à effectuer : sol encrassé dans les locaux poubelles, poussières au niveau des parties communes, vitres de portes d’entrées mal nettoyées.
…. Dès l’année 2009, vous recevez de la part du syndicat une lettre de rappel à l’ordre concernant l’exécution de vos tâches. Vous aviez eu un entretien à ce sujet le 13 février 2009.
A la suite de cet avertissement, vous tentez d’améliorer vos prestations. Cependant lors de l’assemblée générale de janvier 2010, il est déjà évoqué des mesures à votre encontre. La commission ménage est alors chargée de poursuivre la surveillance du travail des employés de la copropriété.
Au début de l’été 2011, vous adressez un certificat médical de votre médecin traitant sur le port de charges lourdes. Ce certificat nous a amené à nous poser des questions sur votre capacité réelle à exécuter les tâches demandées.
Survient l’incident de la gifle reçue par une résidante de la cage 11. Nous vous avons transporté ce jour-là à l’hôtel de police pour le dépôt de pliante.
Nous avons bien compris à partir de ce jour qu’un sentiment de crispation s’était instauré pour le nettoyage de cette cage.
Nous avons suivi la recommandation de la médecine du travail et nous avons opéré votre remplacement par une société de nettoyage. Cette société donne aujourd’hui entière satisfaction aux résidants de la cage 11.
Depuis cet incident, votre comportement a changé et vous n’apparaissez plus aussi rigoureuse et motivée dans votre travail. Pourtant, le fait de ne plus entretenir la cage 11 vous laisse plus de temps pour affiner votre travail dans les autres cages. Alors que votre collègue a toujours l’entretien de 11 cages d’escalier. Ces manquements deviennent donc inadmissibles.
Suite à la suppression de la commission ménage au début de l’année 2011, nous avons passé du temps sur l’immeuble pour rapprocher les points de vue et trouver des solutions pour améliorer vos conditions de travail.
Vous entretenez aussi des rapports tendus avec les autres employés d’immeuble. C’est la raison pour laquelle votre collègue a refusé un éventuel échange d’entretien des cages d’escalier. Nous avons dû vous faire entendre que nous étions votre seul interlocuteur et que vous n’aviez pas à déranger à chaque problème un des membres du conseil syndical. Cette remarque a été confirmée par l’inspection du travail.
.. Nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute. »
Elle a effectué la période de préavis de deux mois qui a été rémunérée.
Par requête du 24 juillet 2012, Mme Y…a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers pour contester son licenciement et obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’un rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires accomplies et des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité.
Par jugement en date du 6 juin 2013, le conseil de prud’hommes d’Angers a :
– dit que le licenciement de Mme Y…était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné le syndicat des co-propriétaires de la résidence Le Puy Garnier à payer à la salariée les sommes de :
-15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,
-2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les autres demandes,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné le syndicat aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement les 12 et 13 juin 2013.
Le syndicat des co-propriétaires de la résidence Le Puy Garnier en a régulièrement relevé appel général le 1er juillet 2013 par déclaration de son avocat auprès du greffe.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 5 mai 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles le syndicat des co-propriétaires de la résidence Le Puy Garnier demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour violation de l’obligation de sécurité,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaires,
– dire que le licenciement de Mme Y…est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter la salariée de toutes ses demandes,
– la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Il fait valoir en substance que :
– sur le rappel de salaires :
– Mme Y…soutenant qu’elle avait une charge de travail identique à celle de sa collègue Mme Z…rémunérée sur une base de travail supérieure (39 heures hebdomadaires) revendique le paiement d’un rappel de salaires de 4 heures supplémentaires par semaine mais ne rapporte pas la preuve des heures de travail qu’elle n’a effectivement pas réalisées,
– le secteur 1 de la salariée est moins important en superficie et en nombre de paliers que celui de sa collègue (secteur 2) dans le cadre de l’organisation mise en place à partir de l’été 2008,
– lors des remplacements de sa collègue, elle assurait des missions de nettoyage limitées.
– sur le licenciement :
– les griefs à l’encontre de Mme Y…sont suffisamment établis et sérieux pour justifier un licenciement au regard des nombreux rappel à l’ordre et avertissements relatifs à la mauvaise qualité du nettoyage adressés de 2006 à 2012, du constat d’huissier et des témoignages,
– le constat d’huissier, établi le 30 août 2011, au lendemain de l’agression de la salariée, révèle de manière évidente la qualité médiocre du travail réalisé par Mme Y…antérieur à cet incident,
– la pétition et les attestations favorables à la salariée doivent être rejetées faute de contrôle possible sur l’identité des auteurs,
– le licenciement n’est pas motivé par la recherche d’économies, le coût de l’intervention d’une société de nettoyage s’avérant plus élevé que celui d’une salariée,
– Mme Y…ne justifie pas le montant des dommages-intérêts sollicités alors que sa perte de revenus a été limités à 300 euros par mois après son licenciement,
– sur le respect de l’obligation de sécurité :
– le médecin du travail a rendu son avis le 30 octobre 2011 à propos du nettoyage jugé dangereux des vitres des immeubles des 28 et 30 boulevard Cussonneau sur la base des seules déclarations de la salariée,
– il n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et d’évaluation des risques alors que les fenêtres en question sont parfaitement accessibles sans qu’il soit nécessaire d’escalader les rampes, ce que la précédente employée d’immeuble a confirmé,
– contrairement aux allégations de la salariée, il n’a pas enjoint à Mme Y…d’assurer l’entretien de la cage d’escalier no11 après l’agression du 29 août 2011 avec une résidente mais a fait appel à une société de nettoyage à partir de cette date,
– la plainte de Mme Y…n’a donné lieu à aucune suite,
– la salariée ne produit au surplus aucun élément sur le préjudice subi en lien avec le manquement à l’obligation de sécurité.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 4 juin 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience selon lesquelles Mme Y…demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ses dispositions relatives au licenciement, au montant des dommages-intérêts de 15 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à celui de 6 000 euros pour violation de l’obligation de sécurité et à l’indemnité de procédure de 2 000 euros.
– infirmer le jugement sur la demande de rappel de salaires,
– condamner le syndicat des co-propriétaires de la résidence Le Puy Garnier à lui verser la somme de 11 164. 80 euros brut au titre du rappel de salaires outre 1116. 48 euros de congés payés y afférents, et subsidiairement, la somme de 1 488. 64 euros brut outre 148. 86 euros pour les congés payés y afférents, correspondant aux périodes de remplacement de sa collègue Mme Z…,
– débouter le syndicat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que :
– sur le manquement à l’obligation de sécurité de résultat :
– le syndicat s’est affranchi du respect des règles fixées par les articles L 4121-1, 4121-3 du code du travail relatives aux obligations de sécurité mises à la charge de l’employeur et n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail en violation de l’article L 4624-1 du code du travail :
– après l’agression du 29 août 2011, l’employeur lui a demandé de poursuivre son travail dans la cage d’escalier no11 malgré la contre-indication du médecin du travail de sorte qu’elle a dû exercer son droit de retrait,
– le syndicat ne fournit aucune explication sur ses actions en matière d’évaluation des risques professionnels à l’issue de la décision de l’inspecteur du travail du 1 décembre 2011,
– elle a été contrainte de travailler dans des conditions dangereuses (escalade de la rambarde de l’escalier pour accéder aux fenêtres de la cage) comme a pu le constater le médecin du travail lors de l’étude de son poste,
– ni l’employeur ni l’ancienne employée ne précisent le type de matériel utilisé pour effectuer les travaux de nettoyage sans danger.
– sur le rappel de salaires :
– elle accomplissait une charge de travail identique, voire supérieure, à celle de sa collègue Mme Z…, chacune ayant en charge 11 cages d’escaliers tandis que sa collègue était rémunérée sur une base de 39 heures par semaine,
– le nettoyage des grands immeubles avec ascenseurs attribué à sa collègue ne prend pas plus de temps que celui des petits immeubles dont elle devait s’occuper,
– sa collègue, ayant plus d’ancienneté, a imposé le choix du secteur II, préférant la majorité des grands bâtiments pour utiliser l’ascenseur et un nombre limité de caves et de descentes de caves à entretenir,
– selon le principe jurisprudentiel » à travail égal, salaire égal « , elle est fondée à réclamer un rappel de salaires sur la base de 4 heures supplémentaires par semaine, soit une somme totale de 11 164. 80 euros brut outre les congés payés, au regard de la situation identique de sa collègue,
– à titre subsidiaire, elle est fondée à obtenir un rappel de salaires de 1 488. 66 euros brut outre les congés payés correspondant à 4 heures supplémentaires hebdomadaires durant les périodes de remplacement de sa collègue entre le 2 janvier 2007 et le 28 août 2011.
– sur le licenciement :
– les motifs retenus dans la lettre de licenciement relèvent de l’insuffisance professionnelle et non pas de faits fautifs, s’agissant d’une prétendue exécution défectueuse de son travail,
– les pièces produites par l’employeur remontant à l’été 2011 sont inopérantes en matière de faute disciplinaire dont le délai de prescription est de deux mois,
– le constat d’huissier du 30 août 2011 est empreint de la plus grande déloyauté de la part de l’employeur alors qu’elle venait d’être agressée la veille et que le ménage des parties communes avait nécessairement souffert après la période de ses congés estivaux et de ceux de sa collègue,
– l’employeur ne rapporte pas la preuve des nouvelles imperfections signalées en mars 2012 alors qu’elle sortait d’un arrêt de travail en février 2012 (du 10 au 24).
– elle a obtenu le soutien de nombreux résidents qui ont signé une pétition en sa faveur en mars 2012, comme ils l’avaient déjà fait en 2009, tandis que le syndicat se contente de quelques attestations, souvent confuses, de membres du conseil syndical,
– les griefs ne sont pas établis au regard des conditions difficiles et dangereuses dans lesquelles elle devait travailler et qui ont été constatées par le médecin du travail,
– le vrai motif du licenciement est économique, le syndicat recherchant à faire des économies en recourant à une entreprise de nettoyage.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur les heures supplémentaires,
Si aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient toutefois au salarié, en cas de litige, d’étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.
Mme Y…ne produit aucun décompte des heures supplémentaires accomplies mais considère que sa charge de travail est identique à celle de sa collègue Mme Z…rémunérée sur la base de 39 heures hebdomadaires de sorte qu’elle s’estime fondée à réclamer, sur le principe » à travail égal, salaire égal « , le paiement de 4 heures supplémentaires par semaine au regard de son horaire contractuel hebdomadaire de 35 heures.
A l’appui de sa prétention, elle verse aux débats un récapitulatif des tâches de travail assurées par chacune des deux employées d’immeuble (Mme Y…/ Mme Z…) distinguant le nombre de bâtiments avec ou sans ascenseur, le nombre de rampes d’escaliers d’entrée avec le commentaire suivant » Est-ce normal que Mme Z…fasse plus d’heures que moi alors qu’elle a moins de travail ! ! ! » (pièce 38 intimée).
Pour contester le bien fondé de cette demande, le syndicat des co-propriétaires produit :
– l’avenant du 26 février 2009 au contrat de travail de Mme Y…fixant ses horaires de travail (lundi et jeudi 7h30- 12h et 12h45- 16h ; mardi et vendredi 7h30-12 et 12h45-15 h ; mercredi 7h30- 12h30).
– un tableau récapitulatif des tâches de ménage suivant le nombre de hall d’entrée, de paliers, et de descente de caves faisant apparaître un nombre total de 66 pour Mme Y…contre 88 pour Mme Z…(pièce 27 appelant)
– une simulation du temps de travail hebdomadaire pour chaque secteur (horaires indicatifs pièce 28 appelant) :
– secteur 1 (Mme Y…) 35 heures hebdomadaires :
– bâtiment E (no9-11-13) : 3 petits immeubles de 3 étages) : 6 heures
-bâtiment F (no 1-3-5-7) : 4 petits immeubles de 3 étages) : 8 heures
-bâtiment G (no28-30) : 2 immeubles moyens de 4 et 5 étages) : 7 h30
– temps nettoyage pour locaux poubelles, couloirs caves, vitres vasistas : 6 h 30
– secteur 2 (Mme Z…) 39 heures hebdomadaires
-bâtiment A (no144-146-148-150) : 4 grands immeubles de 9 étages) : 15h30
– bâtiment B (no29-31) : 2 grands immeubles de 7 étages) : 7 heures
-bâtiment C (no 19-21-23-25-27) : 5 petits immeubles de 3 étages) : 10 heures
-bâtiment D (no15-17) : 2 grands immeubles de 7 étages) 7 heures
-temps nettoyage pour locaux poubelles, couloirs caves, vitres vasistas : 6 h 30.
Ainsi, la demande de Mme Y…n’est pas suffisamment étayée s’agissant d’un simple décompte forfaitaire basé sur les horaires de travail de sa collègue et elle ne fournit pas d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, alors que par ailleurs il est établi que les tâches confiées à chacune des employées ne sont pas comparables et apparaissent objectivement plus lourdes pour Mme Z….
Mme Y…ne démontre pas par ailleurs qu’elle effectuait des travaux en dehors des horaires contractuellement fixés au cours des périodes en cause.
Il y a lieu en conséquence de rejeter sa demande de rappel de salaires par voie de confirmation du jugement.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement,
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Si aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, l’employeur peut toutefois invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif du salarié est constaté si les deux fautes procèdent d’un comportement identique. L’employeur peut aussi prendre en compte un fait fautif antérieur à deux mois dans la mesure où la mesure où le comportement du salarié a persisté dans l’intervalle.
Dans ces conditions, le syndicat des co-propriétaires de la résidence peut valablement se prévaloir du comportement dégradé ancien de Mme Y…s’il est établi que ce comportement a persisté.
L’employeur verse aux débats :
– le constat des lieux du 30 août 2011 de Me Verger :
« – immeuble 28 rue Cussonneau :
– Hall d’entrée : dessus boîte aux lettres poussiéreux, vitrages sales du haut de la baie vitrée, vitrages propres du bas de la baie.
– Ascenseur : traces diverses sur linoleum récent,
– Rampe escalier : toiles araignée avec poussière dessus,
– immeuble 3 résidence Puy Garnier :
– rez-de-chaussée : dessus boîte aux lettres sale, tâches au sol, nombreuses toiles d’araignée avec poussières anciennes et accumulées sous la boîte aux lettres
-mi-étage RDC et 1er étage : châssis vitré ouvrant sale et poussiéreux, poussière sur les rampes d’escalier,
– Local poubelles : sol fortement tâché et sale. »
– les attestations de résidents dont les appartements sont situés en secteur 1, se plaignant du travail effectué par Mme Y…:
– Mme B…le 22 janvier 2013 (attestation no24) : » travail insatisfaisant, le ménage bâclé et succinct, les vitres ne sont plus nettoyées, seuls les escaliers sont lavés »
– M. Paul C…, membre du conseil syndical le 1er août 2011 (attestation no14) : » sols nettoyés très grossièrement, vitres jamais faites aux étages, dans le hall d’entrée partie haute, garde-corps des étages non dépoussiérés »
– Mme D… » ménagé non effectué régulièrement et avec soin dans les angles en particulier « ,
– M. E…membre du conseil syndical, le 28 janvier 2012 (attestation no18) : » vitres non faites depuis un an, marches de l’ascenseur vers caves non nettoyées « ,
– le courrier du 5 janvier 2012 du syndic (pièce 25) évoquant » le caractère non satisfaisant du nettoyage des vitres de la cage 28 « ,
– le courriel du 5 septembre 2011 de M. F…, président du conseil syndical, adressé au syndic » l’état de propreté-du secteur 1- de la résidence laisse fort à désirer : toiles d’araignée, poussières sur les plinthes, escaliers pas nettoyés ainsi que les locaux poubelles, paroles très désobligeantes envers certains résidents ce qui occasionne beaucoup de mécontentement dans la résidence » et demandant à l’encontre de Mme Mamodbay » des sanctions pour rétablir une situation qui devient alarmante » ;
– le courrier du 6 janvier 2012 du syndic (pièce 26) selon lequel » à l’occasion de visites récentes des cages d’escalier, nous avons eu le désagrément de constater que la propreté des lieux laissait à désirer et notamment le nettoyage des vitres qui n’avait pas été effectué depuis longtemps »
– le courrier du 6 février 2012 du syndic (pièce no27) relevant » dans le local poubelles de la cage 1, un sol encrassé » et dans les cages 9 et 13 » des coulures sur les portes vitrées alors que l’intervention sur les vitres devait se faire la veille « .
Toutefois, les reproches ainsi formulés et établis ne contiennent pas l’expression d’une attitude fautive imputable à la salariée mais tout au plus celle d’une insuffisance professionnelle.
En outre l’employeur ne fournit pas la moindre précision pour situer dans le temps les contrôles effectués dans le secteur 1 affecté à Mme Y….
Seul le constat d’huissier comporte une date certaine, celle du 30 août 2011 alors que Mme Y…, victime la veille d’une agression physique de la part d’une résidente, se trouvait en arrêt de travail et que l’entretien des parties communes des immeubles de la résidence était en » souffrance » durant les périodes de congés estivales des deux employées d’immeuble (Mme Z…du 8 au 28 août 2011).
Dans ces conditions, il est impossible de retenir un tel constat d’huissier comme probant à l’encontre de la salariée.
Par ailleurs, s’agissant de l’absence de nettoyage des vitres du hall du 28 rue Cussonneau-en partie haute-, il est démontré que cette tâche a été qualifiée de dangereuse par le médecin du travail et par l’inspecteur du travail.
Elle ne relève donc pas, en l’absence d’un dispositif de sécurité assuré par l’employeur, d’une inexécution fautive de la salariée.
Enfin lLes témoignages non circonstanciés de Mme B…, M. C…, Mme D…et M. E…sont totalement contredits par de multiples attestations de co-propriétaires et de locataires du secteur 1 exprimant leur satisfaction sur le travail accompli par Mme Y…et leur incompréhension face à la mesure de licenciement (Mme G…, Mme H…, M. II…, Mme I…, Mme J…, Mme K…, Mme L…, Mme M…, Mme N…, Mme O…, M. Stéphane C…, Mme P…, M. Perrier, Mme Q…, M. R…, M. JJ…, Mme S…, Mme T…, Mme U…, Mme V…, Mlle W…, Mme XX…, Mme YY…, Mme ZZ…, Mme AA…, M. BB…, M. KK…, M. LL…, Mme CC…).
Certains résidents ont ajouté que la » salariée faisait au mieux avec le peu de moyens dont elle disposait, sans aspirateur, peu de produits et peu de temps par cage d’escalier, que des occupants ne respectaient pas son travail en salissant les cages d’escalier » (Mme S…), que la salariée est décrite par l’ensemble des témoins comme » aimable, souriante et chaleureuse « .
La plupart d’entre eux avait déjà signé au cours du mois de mars 2012, avant la mesure de licenciement, mais également en février 2009 une pétition en faveur de la salariée (pièce no37).
Les griefs formulés par les résidents des immeubles du secteur 2 (M. DD…, Mme EE…, Mme FF…, M. GG…), dans lequel Mme Y…ne travaille plus à l’exception des périodes de remplacement de sa collègue, seront écartées en ce qu’elles se référent à une période antérieure au mois de juillet 2008 (avant la réorganisation des secteurs 1 et 2) et ne reflètent pas la qualité de l’activité normale de la salariée.
Au vu de ces éléments, le syndicat des co-propriétaires ne rapporte pas la preuve de l’inexécution fautive des tâches d’entretien des immeubles confiées à la salariée.
Le fait que Mme Y…entretiendrait des » rapports tendus avec ses deux collègues » n’est pas articulé par l’employeur et ne constitue en aucune façon un grief de nature justifier un licenciement.
Enfin, le fait pour la salariée de » déranger à chaque problème un membre du conseil syndical » au lieu et place du syndic, à le supposer établi ce qui n’est ni démontré ni allégué par les témoins, ne constitue pas un manquement fautif imputable à la salariée.
En conséquence, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le licenciement de la salariée doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
Aux termes de l’article L 1235-5 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié à la charge de l’employeur une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
A la date du licenciement, Mme Y…percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1 494. 60 euros, avait 49 ans et justifiait d’une ancienneté de 7 ans et 9 mois au sein de l’entreprise. Il n’est pas contesté qu’elle est restée 9 mois au chômage indemnisé et a qu’elle retrouvé un travail à temps partiel avec un salaire de 230 euros par mois.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de l’âge, de l’ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard, il convient d’évaluer les dommages-intérêts à la somme de 15 000 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,
L’article L4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent notamment la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés à charge pour l’employeur de veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Selon l’article L 4624-1 du code du travail, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles justifiées par des considérations relatives à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs.
L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et en cas de refus de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail.
Il résulte des documents produits et des débats que :
– le médecin du travail a rendu un premier avis d’aptitude de la salariée le 20 septembre 2011 avec » une contre-indication au travail dans la cage d’escalier no1 »
– le syndic a demandé à la salariée par courrier du 6 octobre 2011 de » poursuivre son travail tant que nous n’avons pas trouvé de solution pour le ménage à effectuer cage 11 » et de procéder de » manière assidue au nettoyage des baies vitrées notamment dans les cages 28 et 30 « .
– Mme Y…a rappelé dans un courrier du 13 octobre que le syndic devait prendre les dispositions nécessaires pour la remplacer dans la cage 11 au regard de l’avis du médecin du travail