Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
ic/ jc
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/ 01238.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes-Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 17 Avril 2013, enregistrée sous le no F12/ 00354
ARRÊT DU 07 Juillet 2015
APPELANT :
Monsieur Emmanuel X…
…
49320 GREZILLE
comparant-assisté de Maître Pascal LAURENT de la SELARL AVOCONSEIL, avocats au barreau d’ANGERS
INTIMEES :
LA SAS GROUPE KOLMI HOPEN
7 rue de la Chanterie
49124 SAINT BARTHELEMY D’ANJOU
La Société MEDICOM,. R MEDICOM INC
1200 55TH avenue-LACHINE
QUEBEC H8T 3J8
représentées par Maître Alexandre BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT :
prononcé le 07 Juillet 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE :
La société Groupe Kolmi Hopen (GKH) est spécialisée dans la fabrication de vêtements, équipements et accessoires à protection à usage unique destinés au milieu médical, et à l’industrie alimentaire, et son siège social est situé à Saint-Bathélémy d’Anjou (49).
Au cours de l’année 2010, M. Emmanuel X…, son épouse et leurs trois enfants ont fait l’acquisition de 52 % des parts sociales de la société GKH.
M. X… a été désigné président de la société GKH.
Le 24 juin 2011, des actionnaires de la société GKH, dont M. X… et sa famille, ont signé un accord relatif à la cession de 78 % du capital au profit de la société de droit canadien Ar Medicom INC (MEDICOM).
Le même jour, M. X… a conclu avec la société GKH un contrat de travail à durée déterminée, expirant le 23 décembre 2012, comme directeur délégué en charge de la réorganisation immobilière stratégique, statut cadre, pour faire face à l’accroissement temporaire d’activité liée à la construction des futurs bâtiments d’exploitation des activités du Groupe Kolmi Hopen.
Ses missions principales étaient définies comme suit :
– le suivi complet de la construction et mise en oeuvre de la nouvelle grande usine à saint Bathélémy d’Anjou : 13 480 m ² à construire sur 28 000 m ² d’emprise foncière : autorisation administratives, financements, des gestions des assurances, suivi du chantier,
– l’interface permanente entre les responsables de Groupe, le contractant général (CCR), l’architecte design extérieur et les multiples administrations concernées,
– le travail de suivi des coûts dans le cadre du crédit-bail, de l’ouvrage et des délais de livraison,
– le suivi des dossiers d’aides publiques,
– la gestion de la communication locale autour du projet et en lien permanent avec le comité d’expansion du maine et Loire,
– en fin de période, l’établissement concerté des déclarations d’achèvement, de réception de travaux.
La rémunération de M. X… a été fixée à 6 375 euros par mois brut.
Le contrat de travail ne fait référence à aucune convention collective.
Au cours d’octobre 2011, la société Medicom, après avoir constaté lors de l’arrêté des comptes de la société GKH un niveau de performance très inférieur à celui annoncé lors des négociations et ayant servi de base à la détermination du prix d’acquisition de la société GKH, a entamé des discussions avec les anciens actionnaires de la société GKH pour résoudre amiablement ce litige commercial.
M. X… ayant refusé toute discussion amiable le 18 octobre 2011, contrairement aux autres actionnaires cédants, M. Y… et M. Z…, la société Medicom a engagé une action en révision du prix de cession notamment devant le tribunal de commerce d’Angers.
Parallèlement au litige commercial, M. X… a saisi le 26 mars 2012 le conseil de Prud’hommes d’Angers afin de voir qualifier la société Medicom de co-employeur avec la société GKH, dire qu’il est victime de harcèlement moral de la part de ses co-employeurs, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral et obtenir diverses indemnités de rupture et des dommages et intérêts.
M. X… a été placé en arrêt maladie entre le 16 et le 23 mars 2012.
La nouvelle usine de la société GKH a été inaugurée au cours du mois d’avril 2012.
Le 12 juillet 2012, M. X… a reçu un avertissement pour » avoir le 2 juillet précédent, violemment pris à partie M. A…, directeur financier de la société GKH, en présence d’autres collaborateurs. »
Par courriel du 17 juillet 2012, le salarié a réfuté les griefs contenus dans l’avertissement et a reproché à la société Medicom, dont M. B… est un cadre dirigeant, d’avoir eu recours à un détective privé pour le surveiller à son domicile personnel.
M. X… a poursuivi l’exécution de son contrat de travail jusqu’à son terme normal du 23 décembre 2012 :
Par jugement du 17 avril 2013, le conseil de prud’hommes d’Angers a :
– dit que la Société AR Medicom Inc s’est comporté comme un co-employeur avec la Société GKH à l’égard de M. X… en usant d’un pouvoir de direction et le plaçant dans un lien de subordination ;
– dit que le salarié n’a pas été victime d’un harcèlement moral ;
– débouté M. X… de toutes ses demandes ;
– débouté les Sociétés GKH et Médicom de leur demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. X… aux dépens.
Le jugement a été notifié aux parties les 20, 22 et 26 avril 2013.
M. X… a relevé appel de ce jugement le 6 mai 2013 en excluant de son recours les dispositions du jugement ayant qualifié la société AR Medicom Inc de co-employeur avec la Société GKH.
La société Medicom et la société GKH ont demandé la réformation du jugement sur la qualification retenue de co-employeur de M. X….
Dans le cadre du litige commercial opposant la société Medicom à M. X…, le tribunal de commerce d’Angers a, par jugement du 15 octobre 2014, dit que la société Medicom avait été victime d’un dol lors de la cession du 24 juin 2011 et a condamné les époux X… à lui payer la somme principale de 1 660 464 euros à titre de dommages-intérêts.
Les époux X… ont formé appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 24 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience aux termes desquelles M. X… demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a qualifié la Société AR Médicom de co-employeur avec la Société GKH ;
– infirmer le jugement pour le surplus et dire et juger qu’il a été victime d’un harcèlement moral de ses employeurs, ce qui constitue un manquement grave de ces derniers à leurs obligations ;
– prononcer en conséquence la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs des Sociétés GKH et AR Medicom
-condamner solidairement les deux sociétés à lui verser les sommes suivantes :
¿ 190 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de harcèlement moral ;
¿ 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail ;
¿ 50 000 euros de dommages et intérêts fondés sur les dispositions de l’article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi du fait des agissements fautifs de nature vexatoire et humiliante commis par les Sociétés AR Medicom Inc et GKH
¿ 7 000 euros d’indemnité de procédure ;
– condamner les sociétés aux entiers dépens.
Le salarié fait valoir en substance que :
– sur la solidarité des sociétés GKH et MEDICOM :
– la notion de co-employeur est admise lorsque la » société-mère » s’immisce dans la gestion de carrière des salariés de la » société fille » et exerce sur eux les attributs de l’employeur, notamment le pouvoir de direction et de sanction ;
– la Société Médicom doit être considérée co-employeur à son égard en ce qu’elle exerce un contrôle juridique complet sur la société GKH, que le président de la » société fille » est également chef de l’exploitation de la société Medicom, qu’enfin la » société mère » s’est substituée à la société GKH lors de plusieurs échanges avec le salarié.
– sur le harcèlement moral : le fait de vouloir imposer une rupture avant terme et sans motif d’un contrat à durée déterminée, de le placer dans un bureau inadapté à l’exercice de ses fonctions en recherchant son isolement, de modifier unilatéralement le contrat de travail en le plaçant sous la tutelle d’un consultant extérieur auquel il doit rendre des comptes, de le placer sous la surveillance illicite de détectives privés constituent des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu de fortes conséquences sur sa santé physique et morale et celle de sa famille ainsi que des incidences sur son avenir professionnel.
– sur la déloyauté dans l’exécution du contrat de travail :
– les agissements reprochés dans le cadre du harcèlement moral, et notamment son placement sous surveillance illicite, constituent aussi un agissement déloyal de la part des co-employeurs dans l’exécution du contrat de travail.
– sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
– le harcèlement moral et l’exécution déloyale du contrat de travail imputables aux employeurs justifient de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du terme du contrat du 23 décembre 2012,
– cette résiliation aux torts des employeurs produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il peut prétendre à l’indemnisation de ses préjudices, à la fois moral et professionnel à concurrence de la somme de 190 000 euros.
– sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
– l’exécution déloyale du contrat de travail, liée à la surveillance quotidienne jusque dans son intimité familiale, par des détectives privés ainsi que par » l’espionnage permanent » dont il a été l’objet de la part du directeur financier, est constitutive d’un préjudice distinct qui sera indemnités par la somme de 75 000 euros.
– sur les dommages-intérêts pour comportement vexatoire, humiliant sur le fondement de l’article 1382 du code civil :
– la mise sous surveillance illicite de son domicile personnel par ses employeurs a eu des conséquences indirectes sur son épouse, en proie à une » angoisse permanente et grandissante » et victime d’une chute accidentelle lors des congés d’été 2012.
– les souffrances familiales ainsi subies constituent un préjudice distinct relevant de la responsabilité solidaire des sociétés co-employeurs, à hauteur de la somme de 50 000 euros.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 mars 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience aux termes desquelles la SAS Groupe Kolmi Hopen demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que M. X… n’a pas été victime de harcèlement moral, que les sociétés GKH et Medicom n’ont pas violé l’article L. 1152-1 du code du travail et en ce qu’il a débouté le salarié de toutes ses demandes ;
– débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la Société GKH ;
– condamner M. X… au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance :
– sur le co-emploi :
– s’associer aux arguments développés par la société MEDICOM pour contester la notion de co-emploi invoquée par M. X…,
– que l’action initiée par M. X… initiée devant le conseil de prud’hommes n’est qu’une vaine stratégie de défense face aux mesures d’instruction et à la procédure engagée devant la juridiction consulaire par la société Medicom en révision du prix de cession des parts sociales,
– sur le harcèlement moral :
– que l’essentiel de la relation de travail entre M. B… président de la société GKH, présent sur le site seulement 2 jours et demi par mois, et M. X… s’est opéré par échange de mails en raison de l’éloignement géographique (Canada) et du décalage horaire, que le comportement de M. X… a oscillé rapidement depuis la naissance du contentieux commercial avec la société MEDICOM entre menaces et tentatives de déstabilisation des membres de la direction de la société GKH et qu’il ne peut lui être imputé un quelconque agissement de nature à créer une situation de harcèlement moral sur M. X…, renouvelant dans des réponses neutres, circonstanciées et courtoises, son souhait de ne pas polémiquer,
– que le fait pour le président de la société GKH de proposer à M. X… de mettre un terme anticipé, d’un commun accord, à son contrat de travail à durée déterminée n’est pas illicite, en l’absence de toute pression ou manoeuvre de sa part,
– que le changement de bureau du salarié avait pour but de lui fournir un endroit plus tranquille et approprié à ses missions,
– que la création du poste de M. C… à un échelon hiérarchique intermédiaire, ne représente pas une modification du contrat de travail et que le fait pour M. X… de devoir informer M. C… pour les questions financières et le président de la société en cas de communication extérieure, ne sont que des obligations inhérentes à sa qualité de salarié-cadre ;
– que M. X… ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité entre une dégradation de son état de santé et son activité professionnelle
-que la surveillance du domicile de M. X… par un détective privé les 12 et 13 juin 2012 n’est pas liée à la relation de travail l’unissant à la société GKH mais a été initiée par la société Medicom, qui n’est pas son employeur, dans le cadre d’un conflit commercial l’opposant à M. X… en sa qualité d’ancien actionnaire à la société Medicom et que cette surveillance, limitée dans le temps, ne constitue au demeurant qu’un fait isolé insusceptible de caractériser un harcèlement moral ;
– qu’elle a proposé une médiation pour répondre aux accusations infondées de harcèlement moral, ce qui a été refusé par le salarié.
– sur l’état de santé du salarié :
– que M. X… a été déclaré apte par le médecin du travail le 8 septembre 2011, ce qui a été confirmé par un second avis du novembre 2011,
– que le courrier du médecin du travail daté du 17 novembre 2011 selon lequel » une atteinte objective à sa santé est constatée » ne permet pas de relier l’état de santé de M. X… à l’exécution de la relation de travail,
– que l »origine professionnelle de l’arrêt maladie du salarié entre le 16 mars et le 23 mars 2012 n’est pas établie,
– sur le comportement fautif du salarié :
– que M. X… a adopté une attitude fautive à l’égard de sa direction et du directeur financier du groupe, n’hésitant pas à proférer des menaces, insultes, attaques personnelles diatribes et à se livrer à des tentatives de destabilisation, ce qui aurait pu justifier une rupture anticipée du contrat pour faute grave,
– sur la demande de résiliation judiciaire :
– que le salarié n’est pas fondé à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail alors qu’à la date de l’audience devant le conseil de prud’hommes, le contrat de travail du salarié était déjà terminé, rendant la demande sans objet,
– sur les demandes indemnitaires :
– que la rupture étant intervenue au terme normal du contrat, M. X… n’établit pas la matérialité des faits de harcèlement moral ni le comportement vexatoire et humiliant de l’employeur de sorte que ses demandes indemnitaires sont infondées,
– que rien ne permet d’affirmer que l’avenir professionnel du salarié a été compromis par l’action de la Société GKH ou de la Société Medicom ;
– que l’accident de Mme X… durant la période de congés en août 2012 ne peut pas être imputé à son employeur.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 mars 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles la Société AR MEDICOM Inc demande à la cour de :
– dire qu’elle n’a pas la qualité de co-employeur de M. X…, et réformer le jugement entrepris ;
– débouter M. X… de l’ensemble de ses demandes à l’égard de le société Medicom,
– à titre reconventionnel, de condamner le salarié au paiement de la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Medicom fait valoir en substance :
– sur sa qualité de co-employeur :
– que la jurisprudence récente reconnaît la situation de co-emploi par deux sociétés distinctes en exigeant la preuve, de manière cumulative, d’une confusion d’intérêts d’activités et de direction, ainsi qu’une dépendance excessive entre la société mère (MEDICOM) et la société fille (GKH),
– que le fait que la société GKH appartienne au même groupe et partage des dirigeants communs ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi avec la société mère MEDICOM,
– que le fait que M. B… ait répondu à M. X… dans deux courriers avec en-tête de la société MEDICOM ne suffit pas de démontrer une telle confusion d’intérêts, M. B… se positionnant clairement en qualité de président de la société GKH,
– que la société GKH est indépendante vis-à-vis de la société Medicom, quant à ses choix stratégiques, sa politique commerciale, ses prix, n’a pas les mêmes clients et fournisseurs, ne gère pas la trésorerie en commun, procède au recrutement et à la gestion de carrière et détermine la politique de fixation des salaires.
– que M. X… entend nourrir le conflit commercial par ce litige prud’homal.
A titre subsidiaire, si la société Medicom est reconnue co-employeur, elle reprend les mêmes arguments que ceux développés par la société GKH.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la qualité de co-employeur de la société AR MEDICOM Inc,
La qualité de co-employeur est déduite d’un ensemble d’éléments de fait de nature à caractériser une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale.
M. X…, soutenant que la société Medicom a la qualité de co-employeur avec la société Groupe Kolmi Hopen, verse aux débats :
– l’acte de cession des parts sociales en date du 24 juin 2011 selon lequel la société Medicom est associé majoritaire, à hauteur de 78 % du capital social, de la société GKH,
– le courriel qui lui a été adressé par M. B… le 10 novembre 2011, (pièce 10) suivi d’un second courrier du 16 novembre 2011 (pièce 12) avec en-tête de la société Medicom.
Il se prévaut du fait que la société Medicom exerce un contrôle juridique complet de la société Groupe Kolmi Hopen, que les dirigeants et cadres supérieurs de la société Groupe Kolmi Hopen ont des fonctions au sein de la société Medicom tel que M. B… président de la société GKH mais aussi chef d’exploitation de la société Medicom, correspondant au poste de no2 de la société de droit canadien.
L’appartenance incontestable des sociétés Medicom et GKH au même groupe de sociétés n’est pas suffisante en elle même pour établir que la société fille n’a pas de véritable automonie de gestion et que son activité est entièrement contrôlée par la société mère.
Si M B… a, dans ses courriers les 10 novembre et 16 novembre 2011 comportant l’en-tête de la société Medicom, contesté fermement les accusations de harcèlement moral portées par M. X… dans son courrier du 3 novembre 2011 et a proposé une médiation dans le cadre légal prévu par l’article L 1152-6 du code du travail dans le second courrier, il a ainsi réagi, de manière non équivoque, en sa qualité de président de la société GKH à propos des relations de travail l’unissant à M. X….
Les documents produits ne permettent en aucun cas de déduire que la société Medicom s’est substituée à la société GKH et que celle-ci a perdu toute autonomie industielle, commerciale et administrative à l’égard de la société mère alors que la société Medicom soutient, sans être contredite, que l’indépendance des deux sociétés est totale tant en ce qui concerne la définition des choix stratégiques, de la politique commerciale, la tenue de la comptabilité que du recrutement et la gestion des carrières.
M. X… ne rapporte donc pas la preuve, qui lui incombe, des éléments factuels caractérisant une situation de co-emploi constituée par une confusion d’intérêts, de direction et d’activité se manifestant par l’immixtion de la part de la société mère dans la gestion du personnel de sa filiale au-delà du cadre usuel des relations au sein d’un groupe.
Le jugement doit être infirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral,
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié invoque les faits suivants à l’appui du harcèlement moral dont il estime avoir été victime de la part de la société GKH :
1- la demande de rupture anticipée de son contrat de travail,
2- le changement de bureau et l’absence de bureau dans les nouveaux locaux,
3- sa » mise sous tutelle » par un consultant extérieur, M. Georges C…
4- le placement sous surveillance de M. X… et de sa famille par des détectives privés.
Il se prévaut de la dégradation de son état de santé au regard :
– d’un courrier du médecin du travail du 17 novembre 2011 ayant » constaté lors de l’examen du 3 novembre 2011 de M. X… une atteinte objective à sa santé »
– de l’arrêt de travail par le médecin traitant du 16 au 23 mars 2012 pour » insomnie, douleurs de tension et cervicalgies » (pièce 31)
– du courriel du 11 juillet 2012 de M. Poche inspecteur du travail (pièce 64) exigeant de la part de M. B… qu’il fasse cesser la surveillance de M. X… par un détective privé.
Fait no1 : la demande de rupture anticipée du contrat de travail :
M. X… soutient que M. B…, président de la société Groupe Kolmi Hopen, lui a demandé le 7 octobre 2011, sur un ton insistant voire menaçant, de réduire la durée de son contrat de travail avant la date d’échéance normale, le 23 décembre 2012, ce qu’il assimile à un acte de harcèlement moral..
Il verse à l’appui son courriel du même jour (pièce 2. 19 intimée) signifiant son refus de rompre son contrat de travail » sous la pression soudaine » de l’employeur.
L’article L 1243-1 du code du travail dispose que l’employeur et le salarié peuvent mettre fin à tout moment à un contrat à durée déterminée d’un commun accord.
Le fait pour la société GKH d’interroger M. X… sur une possibilité de réduire la durée de son contrat à durée déterminée, dont le terme initial était fixé au 23 décembre 2012, ne constitue pas en lui même un acte permettant de caractériser des pressions de la part de l’employeur.
Les termes employés par le salarié lui-même dans son courriel du 13 octobre 2011 (pièce 2. 21 intime) selon lesquels » inquiété par cette demande inattendue dite de réduction de la durée de son contrat de travail exprimée au téléphone quelques minutes plus tôt « , il entendait refuser » d’écourter d’un commun accord son contrat de travail « , ne permettent pas de déduire l’existence de telles pressions de la part de l’employeur.
Si l’employeur a reconnu avoir interrogé M. X… sur » une possibilité d’envisager d’un commun accord une réduction de la durée du contrat de travail » (courriels de M. B… du 13 octobre 2011) dans un souci d’économies en raison des difficultés financières de la société, aucun élément ne permet de remettre en cause le fait qu’il s’agissait d’une simple » proposition formulée le 7 octobre 2011 et que M. B… a bien tenu compte du refus du salarié. Dans son courrier du 10 novembre 2011, M. B… précisait qu’il » n’avait pas renouvelé cette proposition depuis (le 7 octobre) de sorte qu’il s’étonnait que le salarié en fasse à nouveau référence plus d’un mois après « .
La société GKH ajoute avoir également interrogé les anciens actionnaires devenus salariés de la société GKH, tels M. Y… et M. Z…, sur une renégociation des conditions de leur contrat de travail et avoir trouvé une issue amiable avec une baisse de leur rémunération.
La matérialité des pressions ou des manoeuvres de la part de l’employeur pour contraindre M. X… à une rupture anticipée de son contrat de travail n’est donc pas établie.
Fait no2 : changement de bureau :
M. X… se plaint du changement de bureau qui lui a été imposé le 20 octobre 2011 s’agissant d’un local » peu spacieux, isolé et borgne, qualifié de » placard » éloigné de la salle de réunion, avec une table circulaire inadaptée pour la consultation des plans de la nouvelle usine alors qu’il occupait depuis quelques mois (fin juin 2011) un large bureau dans un espace ouvert (open space) avec d’autres salariés.
Il produit des photographies de son bureau fermé ainsi que les courriels échangés à ce sujet avec M. B…, président de la société GKH. Il considère que l’employeur sous » des motifs faussement bienveillants » a cherché à l’isoler des autres salariés.
Il résulte des pièces produites que M. X… a occupé :
– un bureau au sein de » l’open space » dédié au personnel commercial au cours de la période d’août 2011 à octobre 2011, s’agissant d’une initiative personnelle du salarié après son départ du bureau de président
-un bureau fermé proposé à titre provisioire avant le déménagement dans la nouvelle usine en avril 2012,
– un bureau au rez de chaussée des nouveaux locaux à partir du mois d’avril 2012.
La société GKH, qui a versé aux débats les photographies correspondantes (pièces 2. 4 intimée) précise, sans être contredite, que le bureau occupé par M. X… était de taille comparable à ceux du président et du directeur et disposait d’une table de surface similaire que celle de l’open space. (courrier du 10 novembre 2011 pièce 10).
Il résulte des pièces produites que le bureau attribué provisoirement à M. X… dans l’attente du déménagement de l’usine était décent et adapté à ses fonctions de Directeur délégué ; que ce bureau fermé était occupé précédemment par un autre cadre ; que le maintien du bureau de M. X… au sein d’un open space dépendant du service commercial ne répondait pas aux exigences minimum de confidentialité et de calme liées à l’activité d’un directeur délégué.
Contrairement à ses allégations, M. X… a été informé à la fin du mois de février 2012 de l’emplacement de son futur bureau au sein de la nouvelle usine ouverte en avril 2012. La proposition qui lui a été faite par M. B…, dans un courriel du 24 février 2012 (pièce 25 appelant), d’occuper l’un des trois bureaux fermés disponibles au sein de l’usine neuve était parfaitement cohérente avec la nature et la position hiérarchique de M. X….
Il s’ensuit que la matérialité des éléments de fait susceptibles de caractériser une situation de harcèlement n’est pas établie.
Fait no3 : » Mise sous tutelle » du salarié par M. C…
M. X… fait valoir qu’il a reçu pour ordre dès le 21 octobre 2011 de rendre compte de tous ses actes à M. C…, consultant financier extérieur au Groupe Kolmi Hopen, qu’il s’est vu imposer une véritable » tutelle hiérarchique « , ce qui a entraîné une modification unilatérale de son contrat de travail dans la mesure où il disposait selon son contrat d’une large autonomie dans l’exécution de sa mission et ne devait rendre compte qu’auprès du président de la société.
Il verse aux débats son courrier du 3 novembre 2011 adressé à M. B…, en contestant sa mise sous tutelle » illicite » (pièce 7 appelant) :
– » vous m’avez fait part au début du mois d’octobre de votre décision d’accueillir un consultant en organisation de sociétés, finances » M. C…… »
– un courriel du 21 octobre 2011 de M. A…, nouveau directeur financier, demandant aux responsables comptables et ressources huamines de » mettre systématiquement en copie M. Georges C… de tous les courriels destinés à MEDICOM, M. Y…, M. Z…, M. X…. » (pièce 2. 8 intimé)
– un courriel du 21 octobre 2011 de M. B… demandant à M. X… de » faire un point formel hebdomadaire avec M. C….. communiquer sans délai tout événement susceptible d’entraîner un surcoût… communiquer toutes les semaines l’état des décaissements à M. C…, faire approuver par M. C… les appels de fonds liés aux facturations intermédiaires ; de mettre systématiquement en copie à M. C… de tous les comptes rendus de réunions auxquelles vous participez ou que vous recevez « . (pièce 2. 9 intimé)
La société GKH, qui admet la réalité des prestations de M. C… en qualité de consultant financier, a contesté l’existence d’une » mise sous tutelle » de M. X… par M. C… dont la mission est de nature exclusivement financière.
Force est de constater que les directives adressées à M. X…, même si ce dernier dispose d’une part d’autonomie liée à ses fonctions de cadre, relèvent clairement du pouvoir d’organisation du travail par l’employeur et de détermination des circuits d’information entre les salariés et les collaborateurs.
M. X…, en sa qualité de salarié, est tenu de respecter les directives de M. B…, représentant légal de son employeur la société GKH et ne peut pas faire le choix de ceux auxquels il doit référer de ses activités.
Contrairement à ses allégations, le salarié ne justifie d’aucune modification de son contrat de travail lequel ne désigne aucun référent hiérarchique déterminé.
Si la mission financière de M. C… lors de la construction de la nouvelle usine a été mal ressentie par M. X… en sa qualité directeur délégué chargé du suivi des opérations, la preuve n’est pas rapportée que le consultant a empiété de quelque manière que ce soit sur les fonctions confiées à M. X…. Aucun élément du dossier ne permet d’accréditer la version du salarié en faveur d’une » mise sous tutelle » excédant les contraintes financières habituelles en matière de construction.
La matérialité du fait allégué n’est ainsi pas rapportée.
Fait no4 : Surveillance illicite du salarié par des détectives privés et pressions psychologiques :
M. X… fait valoir le caractère illicite des méthodes de surveillance adoptées en juin 2012 par les sociétés Medicom et GKH devant son domicile privé, constitutives d’actes répétés de harcèlement moral et d’une violation grave de l’exécution de bonne foi de son contrat de travail.
Il produit :
– le procès-verbal de synthèse de gendarmerie à la suite de sa plainte déposée pour atteinte à la vie privée (pièce 61),
– une consultation en date du 20 juillet 2014 d’un professeur de droit M. D… à propos de l’illicéité de sa mise sous surveillance par les co-employeurs,
– l’arrêt du 21 octobre 2014 de la cour d’appel d’Angers (pièce 68) rétractant l’ordonnance du 8 octobre 2013 qui a autorisé un huissier de justice, assisté d’un expert en informatique, à se rendre au domicile personnel de M. X… et à rechercher des éléments de preuve détenus par ce dernier, dans le cadre du litige commercial.
Il ne fait pas débat que, dans le cadre du litige commercial l’opposant à M. X…, la société Medicom a obtenu, par ordonnance du 16 mai 2012, l’autorisation de faire appréhender au domicile des époux X… une copie des fichiers informatiques et des courriers relatifs à l’opération de cession des parts sociales conclue le 24 juin 2011 entre les parties ; que le 6 juin 2012, à 7 heures, l’huissier de justice, assisté de l’expert informatique, s’est présenté au domicile de M. X… mais que personne ne lui a ouvert la porte ; que la société Medicom reconnaît avoir pris contact avec la société Sécurité Audit Solution afin de s’assu