Cour d’appel d’Angers, 30 juin 2015, 14/03238

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Cour d’appel d’Angers, 30 juin 2015, 14/03238

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

aj/ jc

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/ 03238.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes-Formation paritaire de BREST, décision attaquée en date du 10 Octobre 2003, enregistrée sous le no

ARRÊT DU 30 Juin 2015

APPELANTE :

LA SOCIETE B & B HOTELS venant aux droits de la SOCIETE GALAXIE

5 Rue Colbert

29200 BREST

représentée par Maître COHEN, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Jean-Claude X…

07240 CHALENCON

comparant-assisté de Maître Laurent JEFFROY, avocat au barreau de LORIENT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller

Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :

prononcé le 30 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE,

La société B & B Hôtels SAS, venant aux droits de la société Galaxie exploite une chaîne d’hôtels économiques.

Entre 1995 et 2000, aux fins d’exploitation d’hôtels à l’enseigne B & B, cette dernière a conclu divers contrats de gérance-mandat avec plusieurs sociétés gérantes-mandataires, gérées par des personnes physiques, à savoir :

– la société Moanda, constituée entre M. Sébastien Y… et Mme Valérie Z…,

– la société Solautel, constituée entre M. Laurent A… et Mme Sophie B… épouse A… (contrat de gérance-mandat non signé par Mme Sophie A…),

– la société Ellypse, constituée entre M. Jean-Pierre C… et son épouse, Mme Elisabeth C… (contrat de gérance-mandat non signé par Mme Elisabeth C…),

– la société  » D… Gestion Hôtels  » (société L. G. H), constituée entre M. Geoffroy D… et Mme Claire E… épouse D…,

– l’EURL PKB Services, constituée par le seul M. Patrick F…

– la société E. P. L. C, constituée entre M. Emmanuel G… et Mme Caroline H…,

– la société Valaure, constituée entre M. Jean-Claude X… et Mme Marie-José J… épouse X…,

– la société R. G. V, créée par M. Lucien K…, la société  » L… Les Deux Rivières  » créée par M. Yves-Marie L…,

– la société Vacsol créée par Mme Pascale M….

Par contrat en date du 6 décembre 1995, elle a notamment confié à la société Valaure constituée par M. Jean Claude X… son gérant et par son épouse Mme Marie José J… l’exploitation de l’hôtel à l’enseigne B & B de Bourg les Valence ; ce contrat, signé par le seul M. X…, était conclu à compter du 1er janvier 1996 pour une durée indéterminée et il prévoyait la possibilité d’une résiliation par chacune des parties avec un préavis de trois mois sans indemnités.

Aux termes de ces contrats de gérance-mandat, la gestion sous mandat confiée aux sociétés gérantes-mandataires était rémunérée par le versement d’une commission sur le chiffre d’affaires HT mensuel encaissé par l’établissement, destinée à régler, non seulement les différentes charges d’exploitation des sociétés mandataires, mais aussi la rémunération des  » gérants personnes physiques  » dirigeant ces sociétés.

Il était également convenu que la société Galaxie mettait à la disposition du mandataire-gérant un logement dit de fonction, situé dans l’établissement géré et ce, gratuitement pour la durée du contrat, les gérants personnes physiques s’engageant à occuper ce logement de façon permanente.

Par courrier du 19 septembre 2007 la société B & B a résilié ce contrat.

Entre avril 2001 et janvier 2002- le 3 août 2001 s’agissant de M et Mme X…, les personnes physiques ci-dessus désignées ont saisi le conseil de prud’hommes de Brest afin de voir requalifier les contrats de gérance-mandat en contrats de travail et de se voir reconnaître la qualité de salariés de la société B & B Hôtels. Cette dernière a fait appeler en cause les sociétés titulaires des contrats de gérance-mandat et elle a soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes au profit du tribunal de commerce de Brest.

Par jugement du 10 octobre 2003, le conseil de prud’hommes de Brest s’est déclaré compétent et a requalifié en contrats de travail les contrats de gérance-mandat conclus entre la société Galaxie et les sociétés gérantes-mandataires.

Statuant sur contredit formé le 24 octobre 2003 par la société Galaxie, par arrêt du 27 avril 2004, la cour d’appel de Rennes a infirmé ce jugement et renvoyé l’affaire à la connaissance du tribunal de commerce de Brest.

Cette décision a été cassée par arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2006 qui a remis, devant la présente cour, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt cassé.

Par arrêt du 15 mai 2007 la présente cour a :

– confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Brest en ce qu’il a, au profit des personnes physiques signataires des contrats de gérance-mandat, requalifié en contrats de travail les contrats de gérance-mandat conclus avec la société Galaxie ;

– évoqué l’affaire ;

– condamné la société B & B Hôtels, sous astreinte, à communiquer divers documents aux intimés ;

– ordonné à ces derniers de  » chiffrer leurs prétentions salariales, un par un, année par année, dans la limite de la prescription résultant de l’article 2277 du code civil (après déduction des sommes qu’ils ont déjà perçues de la société Galaxie en qualité de prétendus gérants-mandataires, ce qui veut dire en clair qu’ils devront justifier, toujours un par un, année par année, dossier par dossier et dans la même limite, de leurs bilans, comptes d’exploitation… au titre des mêmes années, notamment charges salariales incluses), avant le 31 octobre 2007  » ;

– ordonné à la société B & B Hôtels de répondre aux éventuelles prétentions des intimés avant le 31 décembre suivant ;

– mis hors de cause les diverses sociétés appelées par la société B & B Hôtels, leur présence étant sans utilité dans le litige ;

– renvoyé la cause et les parties à l’audience du 29 janvier 2008 ;

– condamné la société B & B Hôtels aux dépens du contredit et à ceux de l’arrêt cassé.

Par arrêt du 4 novembre 2008 la présente cour a :

« – rejeté la fin de non-recevoir soulevée en particulier par la société B & B en pages 19 à 23 de ses conclusions reconventionnelles générales récapitulatives ;

– dit que, de manière générale, toutes les demandes salariales formées par les intimés à l’encontre de la société B & B pour des créances salariales antérieures, respectivement, aux 20 avril 1996, 4 août 1996, 8 août 1996 et 3 janvier 1997 sont prescrites ;

– déclaré également dès à présent prescrites les diverses demandes formées par ces intimés à l’égard de la société B & B, telles que détaillées en pages 7 à 9 des motifs du présent arrêt, et, plus généralement, toutes les demandes des intimés tendant à obtenir paiement de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris, pour congés payés non pris, d’indemnités de préavis…. (sauf pour deux d’entre eux) ;

– rejeté la totalité des demandes formées par les intimés en application de I’article L 8223-1 du code du travail ;

– dit que l’ensemble des dirigeants de droit des sociétés Moanda, Solautel, ElIypse, L. G. H., PKB Services, EPLC, RGV, L… les Deux Rivières, Vacsol et Valaure, autrement dit des mandataires-gérants en titre de ces sociétés avec lesquels la société Galaxie (et/ ou la société B & B) a conclu de tels contrats de gérance-mandat, peuvent prétendre à la qualification de cadres  » niveau V, échelon 3 « , au sens de l’annexe 4 à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, et ce dès leur entrée en fonction en cette qualité au sein des mêmes sociétés ;

– dit que les épouses ou compagnes de ces dirigeants de droit associées des mêmes sociétés et signataires des contrats de gérance-mandat litigieux ne peuvent prétendre pour leur part, à compter des mêmes dates et jusqu’au 30 avril 2001, qu’à Ia qualification de chef de service, niveau IV, échelon 1, puis, à compter du lendemain, à la qualification de chef de service, niveau IV, échelon 2 ;

– sursis à statuer sur les prétentions de Marie-Josée J…- X…, Sophie A…, Elisabeth C… et Blandine P… dans l’attente de la suite qui sera donnée au pourvoi formé par la société B & B contre l’arrêt précité du 15 mai 2007 ;

– sursis également à statuer sur les demandes des autres intimés tendant à obtenir paiement d’indemnités de préavis, d’indemnités de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de délivrance de bulletins de salaire ;

– fixé en principe à 106, 5 heures par semaine, sous réserve, d’une part, des divers remplacements dont fait état la société B & B dans ses tout aussi diverses écritures d’appel et, de l’autre, de ce qui pourrait être découvert par l’expert commis dans le dispositif du présent arrêt en matière notamment de  » récupérations « , d’une manière ou d’une autre, de ces heures de travail, la durée de travail effectif de jour nécessaire à l’exploitation, par les intimés, de leurs divers établissements (cette durée hebdomadaire étant, sous la même réserve, à diviser par deux pour les couples associés au sein de ces établissements et signataires des contrats de gérance-mandat litigieux et à imputer uniquement aux autres mandataires-gérants ayant contractuellement choisi de diriger seuls ces établissements, sous réserve cette fois-ci des heures de travail réglées à leurs épouses ou compagnes) ;

– fixé à deux heures par nuit la durée du travail effectif réalisé par les seuls mandataires-gérants des sociétés précitées au titre de leurs astreintes de nuit ;

– dit que la totalité des autres heures d’astreintes de nuit ont été compensées par l’attribution aux intéressés d’un logement de fonction ;

– dit que devront être déduites des sommes correspondantes les montants des diverses commissions versées par la société Galaxie et/ ou la société B & B aux personnes morales précitées, mais sous réserve que l’un ou l’autre des intimés puisse bénéficier des rémunérations minimales qui leur étaient dues en leurs qualités (actuellement reconnues) de salariés ;

– dit, en d’autres termes, que les diverses sommes nécessaires versées par l’un ou l’autre des intimés à tel ou tel de leurs propres salariés et/ ou exposées par eux pour les seuls besoins de l’exploitation de leurs établissements, devront être déduites des commissions versées à l’époque par la société Galaxie afin là encore que la rémunération finale de ces intimés soit au moins égale et à leurs qualifications professionnelles et à leurs temps de présence contractuels au sein de ces établissements ;

– condamné dès à présent la société B & B à verser à chacun de ces intimés anciens mandataires-gérants des sociétés précitées et signataires des contrats de gérance-mandat litigieux, c’est à dire, pour être plus précis, à Valérie Z…, à Sébastien Y…, à Patrick F…, à Pascale M…, à Yves-Marie L…, à Emmanuel G…, à Caroline H…, à Lucien K…, à Jean-Pierre C…, à chacun des époux D…, à Jean Claude X… et à Patrick A…, à titre de provision sur rappel de salaires, les sommes respectives de 8. 000 euros, de 12. 000 euros, de 40. 000 euros, de 40. 000 euros, de 40. 000 euros, de 15. 000 euros, de 10. 000 euros, de 40. 000 euros, de 40. 000 euros, de 20. 000 euros, de 40. 000 euros et de 20. 000 euros ;- débouté la société B & B de sa demande de consignation des sommes ainsi arbitrées par la cour entre les mains d’un séquestre ;

– ordonné une expertise comptable et commis pour y procéder l’expert R…,… lequel aura pour mission, en fonction des principes posés dans le dispositif du présent arrêt :

¿ de donner son avis, sur la base, notamment, des principes énoncés dans le dispositif du présent arrêt (prescription incluse), de l’évolution de la durée conventionnelle (collective) de travail des intimés dans le temps et des minima conventionnels de rémunération des mêmes intimés, là encore dans le temps, en fonction, toujours, de leurs qualifications professionnelles actuellement reconnues (et ce, soit en fonction de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, soit des  » grilles B & B « , à  » équivalence de lits « , dès Iors que celle-ci serait plus favorable aux intimés), sur les sommes pouvant être finalement dues à l’un ou l’autre de ces intimés, toujours prescription incluse, à titre de rappel de salaires, d’indemnités de licenciement…, et ce par comparaison entre, d’une part, les commissions versées par la société GaIaxie aux personnes morales précitées et aux termes de la totalité des bilans et comptes de résultat de ces sociétés, et, de l’autre, les salaires dus à l’un ou l’autre des intimés en fonction de leurs qualifications (actuellement) reconnues (cf les paragraphes 9 et 10 du dispositif du présent arrêt) et des horaires de présence nécessaires des mêmes intimés au sein de leurs établissements, tels qu’arbitrés par cette cour (cf cette fois-ci les paragraphes 12 et 13 du même dispositif), horaires à diviser au besoin par deux-cf cette fois-ci les pages 16 à 18 des mêmes du même arrêt) ;

¿ de donner son avis sur les seules dépenses nécessaires au fonctionnement de ces établissements (c’est à dire, notamment, abstraction faite des dépenses personnelles de l’un ou l’autre des intimés) à déduire de ces commissions afin que l’un ou l’autre des intimés soient rémunérés encore une fois à hauteur de leurs qualifications contractuelles actuellement reconnues et de leurs temps de présence effective au sein de leurs anciens établissements (cf infra) ;

¿ de donner en conséquence son avis sur les actuelles créances salariales résiduelles alléguées par les mêmes intimés ;

¿ et, de manière générale, de fournir à la cour tous les éléments comptables nécessaires à l’évaluation de ces éventuelles créances résiduelles ;

– dit que les éventuelles créances salariales des intimés produiront intérêts au taux légal à compter des dates précitées, que les créances indemnitaires de ces intimés produiront intérêts au même taux à compter des dates des conclusions portant récIamations des sommes correspondantes, et ce en application de l’article 1153-1 du code civil, et que la capitalisation de ces intérêts ne pourra produire effet, dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil, qu’à compter là encore des dates des conclusions aux termes desquelles elle a été réclamée ;

– condamné la société B & B à verser à chacun des intimés, sauf à Marie-Josée J…- X…, Sophie A…, Elisabeth C… et Blandine P…, la somme supplémentaire de 4. 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens exposés à ce jour et a réservé les dépens ultérieurs. « .

La société B & B Hôtels a formé un pourvoi à l’encontre des arrêts rendus par la présente cour les 15 mai 2007 et 4 novembre 2008.

M. Sébastien Y…, Mme Valérie Z…, M. Laurent A…, Mme Sophie A…, M. Jean-Pierre C…, Mme Elisabeth C…, M. Geoffroy D…, Mme Claire D…, M. Patrick F…, Mme Blandine P… épouse F…, M. Emmanuel G…, Mme Caroline H…, M. Jean-Claude X…, Mme Marie-José J…, son épouse, M. Lucien K…, M. Yves-Marie L… et Mme Pascale M… ont formé un pourvoi contre l’arrêt du 4 novembre 2008.

Par arrêt du 8 juin 2010 (pourvoi no 08-44. 965), statuant sur le pourvoi de la société B & B Hôtels, la chambre sociale de la Cour de cassation, après avoir rejeté les moyens dirigés contre l’arrêt du 15 mai 2007, a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce que l’arrêt a fait application de la convention collective des hôtels cafés restaurants dès l’entrée en fonction de Mme Z… et des 16 autres personnes dans les hôtels B & B sur une période antérieure à son entrée en vigueur et qu’il a fixé à deux heures par nuit la durée du travail effectif réalisé au titre des astreintes de nuit, l’arrêt rendu le 4 novembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ;

– dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de l’application de la convention collective des hôtels cafés restaurants ;

– dit que la convention collective des hôtels cafés restaurants leur est applicable à compter du 6 décembre 1997 ;

– renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Caen pour qu’il soit statué sur la fixation de la durée du travail effectif réalisé pendant les astreintes de nuit ;

– laissé les dépens à la charge de la société B & B Hôtels et l’a déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a condamnée à payer de ce chef à Mme Z… et  » aux 16 autres personnes  » la somme globale de 2500 ¿.

Par arrêt du 8 juin 2010 (pourvoi no 08-45. 269), statuant sur le pourvoi des 17 personnes reconnues salariées de la société B & B Hôtels, la chambre sociale de la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a déclaré prescrites les demandes des salariés en dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris, pour congés non pris et à titre d’indemnité de préavis, et en ce qu’il a dit que la totalité des astreintes de nuit ont été compensées par l’attribution d’un logement de fonction, l’arrêt rendu le 4 novembre 2008 entre les parties par la cour d’appel d’Angers ; remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elle se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Caen ;

– condamné la société B & B Hôtels aux dépens ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 6 septembre 2011, M. Sébastien Y…, Mme Valérie Z…, M. Laurent A…, Mme Sophie A…, M. Jean-Pierre C…, Mme Elisabeth C…, M. Geoffroy D…, Mme Claire D…, M. Patrick F…, Mme Blandine P… épouse F…, M. Emmanuel G…, Mme Caroline H…, M. Jean-Claude X…, Mme Marie-José J…, son épouse, M. Lucien K…, M. Yves-Marie L… et Mme Pascale M… ont saisi la présente cour d’une requête en interprétation de certaines dispositions de l’arrêt rendu le 4 novembre 2008 relatives aux modalités de détermination de leurs éventuelles créances.

Aux termes de son rapport établi le 29 novembre 2011, déposé au greffe de la cour le 16 décembre suivant, M. Didier R…, expert, conclut, s’agissant de M. Jean Claude X… et en résumé que :

– dans l’hypothèse la plus favorable au regard du taux horaire qui lui est applicable, des heures indiquées sur ses bulletins de salaire et des indemnités auxquelles il pouvait prétendre il avait droit en tant que salarié sur la période du 4 août 1996 au 21 décembre 2007 à une rémunération brute totale de 249 223 ¿ outre 22 177 ¿ d’indemnité de nourriture et 1 701 ¿ à titre d’indemnité de congés payés non pris ;

– il n’a pas effectué d’heures supplémentaires ;

– en tant qu’indépendant, il a perçu un montant de commissions de 1 283 947 ¿ et que le montant des commissions net des dépenses nécessaires à l’exploitation s’éleve à 53 464 ¿ ;

– il a perçu un excédent de rémunération de 261 546 ¿.

Par arrêt du 20 mars 2012, non frappé de pourvoi, la présente cour a déclaré la demande d’interprétation recevable mais a dit n’y avoir lieu à interprétation des dispositions discutées, considérant qu’il en ressortait clairement que les éventuelles créances salariales résiduelles des intimés devaient être déterminées :

– en partant des commissions versées par la société Galaxie ou par la société B & B Hôtels aux sociétés gérantes-mandataires ;

– en déduisant de ces commissions les sommes utilisées pour couvrir les dépenses nécessaires au fonctionnement des établissements gérés, le résultat obtenu correspondant à la rémunération perçue par les intimés avant la consécration de leur qualité de salariés ;

– puis en comparant ce résultat au montant de la rémunération à laquelle chaque intimé peut prétendre compte tenu de la qualité de salarié qui lui est désormais reconnue.

Par lettres du greffe des 20 et 25 juillet 2012, les parties ont été convoquées en ouverture de rapport à l’audience du 5 mars 2013.

Par ordonnance du 26 février 2013, le magistrat chargé d’instruire l’affaire a ordonné la disjonction de l’instance initiale en 8 instances distinctes.

L’affaire a été radiée par décision du 5 mars 2013 et réinscrite au rôle le 19 mars 2014.

Par ordonnance en date du 13 janvier 2015 le magistrat chargé d’instruire l’affaire a constaté le désistement d’instance et d’action de Mme Marie José J….

Par arrêt en date du 27 février 2015 la cour d’appel de Caen a constaté la péremption de l’instance opposant M. X… à la société B & B Hôtels.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,

Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 26 mars 2015, soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il convient de se référer, M X… demande à la cour :

– de lui décerner acte de ce qu’il était lié à la société B & B Hôtels venant aux droits de la société Galaxie par un contrat de travail ;

– de condamner la société B & B Hôtels à lui verser les sommes de 516 718, 84 ¿ à titre d’heures supplémentaires de 1996 à 2007 et de 51 671, 88 ¿ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent, 59 103, 94 ¿ à titre de contrepartie obligatoire en repos et de 5 910, 39 ¿ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent, de 12 795, 20 ¿ pour majoration travail jours fériés et de 1 279, 52 ¿ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent, 50 000 ¿ de dommages et intérêts, 94 381, 56 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13 819, 32 ¿ à titre d’indemnité de licenciement, 15 730, 26 ¿ à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1 573, 03 ¿ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent, 18 879, 12 ¿ à titre d’indemnité de non concurrence ;

– à titre principal, d’annuler le rapport d’expertise établi par M. Didier R… le 29 novembre 2011 motif pris de l’absence d’impartialité de l’expert dans le cadre de l’accomplissement des opérations d’expertise ;

– à titre subsidiaire, de dire n’y avoir lieu de tenir compte des éléments du rapport ;

– à tous titre, d’ordonner l’établissement des bulletins de salaire y afférents, l’affiliation à la sécurité sociale et à la caisse des cadres, la remise des certificats de travail, attestations Pole emploi et les reçus pour solde de tout compte ;

– de condamner la société B & B Hôtels à lui verser la somme de 5 000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de sa demande en nullité du rapport de l’expert, il fait essentiellement valoir qu’au moment où il a réalisé les opérations d’expertise, M. Didier R… se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts flagrant qui aurait dû le conduire à ne pas accepter sa mission et n’a pu faire preuve d’impartialité dès lors :

– qu’il est le commissaire aux comptes de l’entreprise Foncière Euris dont le directeur général est M. Michel S… ;

– que M S… est, avec M. Eric T…, gérant du fonds d’investissement américain Carlyle qui détient la chaine B & B depuis le 28 octobre 2010 et membre du conseil d’administration d’une autre société, la société Mercialys ;

– que ces sociétés investissent dans l’immobilier du groupe Casino qui prospère également grâce au recours aux contrats de gérance mandat contestés devant divers tribunaux ;

– que M. R… est également commissaire aux comptes suppléant de la société Carpienne de Participation dont le PDG M Didier U… est membre du conseil d’administration de la société Foncière Euris ;

– que M. U… est aussi PDG de la société Finatis dont M. R… est le commissaire aux comptes ;

– que M. R… est aussi le commissaire aux comptes suppléant du fonds d’investissement Paris Orléans étant précisé que le cabinet d’Expert-comptable V…- W… & associés pour lequel il travaille en est le commissaire aux comptes titulaire ;

– que le fond d’investissement Carlyle propriétaire de B & B est actionnaire de Paris Orléans, M R… par l’intermédiaire de son cabinet ayant d’ailleurs été associé au fond Carlyle s’agissant d’opération de cession d’une partie du capital de la société Altice dans laquelle Paris Orléans a investi.

Au fond, il soutient qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de ce rapport d’expertise et qu’il justifie des rappels de salaire qu’il demande au regard de ses obligations contractuelles en terme d’horaires d’ouverture et de présence et de la charge de travail qu’induisait la gestion d’un hôtel de 72 chambres telle que définie par le livret d’exploitation B & B.

Il rappelle qu’il a été jugé qu’il pouvait prétendre à la qualification de cadres niveau V échelon 3 de la convention collective nationale des cafés, hôtels restaurants.

Il précise que, pour ce qui est des heures accomplies, au vu de l’organisation imposée par la société Galaxie qui obligeait les gérants à être présent de 6h30 à 11 h et de 17h à 21h30 et de ses diverses obligations en terme de préparation du petit déjeuner et après la fermeture de la réception, aux 106, 50 heures par semaine de travail fixées par la cour et correspondant à 5 jours travaillés en tenant compte des horaires d’ouverture de 6h à 21h3 soit 15, 5 heures par jour et le WE de 7h à 31h30 soit 14, 5 heures de travail par jour, il faut ajouter 1h 30 pour la mise en place du petit déjeuner le matin et 2 heures après la fermeture de la réception ; qu’il doit donc être considéré qu’il effectuait en réalité 131 heures de travail par semaine ; que l’expert qui a considéré qu’il n’effectuait que 169 heures par mois n’a pas pris en considération la réalité de ses obligations et charges ; qu’il y a donc lieu de faire droit à sa demande de rappel de salaire d’août 1996 à décembre 2007 sur la base de 131 heures par semaine-à savoir 65, 5 heures pour lui-avec majoration pour heures supplémentaires dont le seuil de déclenchement a évolué de 45 à 35 heures entre le 2 mars 1998 et le 1er avril 2007, majoration pour travail le 1er mai et 10 autres jours fériés par an ; qu’il lui est donc dû à titre de salaire la somme de 516 718, 84 ¿ outre celle de 51 671, 88 ¿ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent ;

Il ajoute qu’il lui est également dû une contrepartie obligatoire en repos pour avoir travaillé au-delà du contingent d’heures supplémentaires fixé annuellement à 360 heures à hauteur de la somme de 59 103, 94 ¿ outre 5 910, 39 ¿ au titre des congés payés y afférents.

Il estime que le fait de ne pas avoir bénéficié de la rémunération qui lui était due justifie sa demande en dommages et intérêts.

Il soutient encore qu’il n’y a pas lieu de déduire des salaires qu’il aurait dû percevoir les commissions perçues par la société Valaude et fait état de ce que, sur 6 757 616 ¿ de chiffre d’affaires pendant toute la période concernée, la société Valaude n’a perçu que 1 283 947 ¿ de sorte que l’économie faite par la société B & B Hôtels en lui appliquant des règles contraires à la législation sociale est importante ; il précise que l’expert a soustrait des rémunérations qui lui sont dues diverses dépenses téléphone portable, frais de déplacements et frais de leasing dont il estime, à tort selon lui, qu’elles auraient été effectuées dans son intérêt personnel alors qu’en réalité elles étaient nécessaires à l’exploitation.

Il fait valoir que la résiliation de son contrat par la société B & B doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse lui ouvrant droit aux diverses indemnités qu’il sollicite.

Il ajoute enfin que la clause de non concurrence contenue dans le contrat conclu avec la société B & B Hôtels est nulle pour défaut de contrepartie financière de sorte qu’il est fondé à obtenir des dommages et intérêts.

Aux termes de ses dernières écritures enregistrées au greffe le 6 mars 2015, soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il convient de se référer la société B & B Hôtels demande à la cour :

– de débouter M. X… de sa demande en nullité du rapport parfaitement valide et impartial ;

– de dire et juger qu’il n’est titulaire d’aucune créance salariale à son encontre et de le débouter de ses demandes de rappels de salaire et de dommages et intérêts ;

– de dire et juger que la rupture du contrat de gérance mandat s’analyse en une démission et en conséquence de débouter M. X… de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité de licenciement ;

– de dire et juger qu’il a effectué son préavis et de le débouter de ses demandes d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents ;

– de dire et juger qu’il n’a subi aucun préjudice lié à la clause de non concurrence et de les débouter de sa demande d’indemnité de ce chef ;

– de le condamner à lui verser la somme de 4 000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour s’opposer à la demande de nullité du rapport d’expertise et soutenir que M. R… n’avait pas à se récuser, elle invoque, de façon détaillée et circonstanciée :

– son caractère dilatoire et opportuniste, dans la mesure où alors que les opérations d’expertise se sont déroulées de novembre 2008 à novembre 2011, ces derniers-dont M. X…- ont attendu 2014 pour invoquer un prétendu manque d’impartialité de l’expert et demander la nullité de l’expertise,

– l’absence de grief ou de critique ou de fait précis et significatif développé à l’encontre du rapport d’expertise qui soit de nature à caractériser l’absence d’indépendance ou d’impartialité de l’expert et, encore moins, sa partialité de manière flagrante, M. R… ayant, au contraire dans le cadre de ses opérations, notamment, respecté le principe du contradictoire, laissé aux parties, tout particulièrement aux salariés, le temps nécessaire pour apporter leurs éléments chiffrés, répondu à quelques 116 dires et courriers échangés, et motivé ses positions,

– l’absence d’éléments sérieux permettant de caractériser une impartialité qui serait né d’une situation de conflit d’intérêts invoquée à l’encontre de l’expert judiciaire, son absence d’indépendance et d’impartialité en ce que :

– au plan objectif, tenant à l’apparence de l’impartialité, M. X… n’apporte et n’avance aucun élément objectif et tangible qui permette légitimement de craindre le manque d’impartialité de l’expert, la preuve que l’appartenance de M. Didier R… au Cabinet V… W… et Associés ou bien encore sa désignation en qualité de commissaire aux comptes suppléant du Groupe Paris Orléans ou/ et titulaire ou suppléant des autres sociétés citées l’ait placé en situation de conflit d’intérêts faisant défaut ;

– au plan subjectif, l’expert judiciaire n’avait aucune raison de favoriser un plaideur au détriment d’un autre et la preuve d’une inclinaison ou d’une réserve de sa part à l’égard de l’une des parties n’est pas rapportée.

Au fond elle fait valoir :

– que prenant en considération le rapport de l’expert et les arrêts de la cour des 4 novembre 2008 et 20 mars 2012, contrairement à ce que soutient M. X…, il y a bien lieu de déduire les commissions perçues de son éventuelle créance salariale qu’il est d’ailleurs dans l’incapacité de justifier dans les termes de sa demande ; qu’il ne lui est dû aucun rappel de salaire-notamment au titre d’heures supplémentaires-alors que le nombre d’heures de travail effectuées par lui ne peut correspondre au nombre d’heures théoriques nécessaires à l’exploitation et a fortiori à 131 heures par semaine ; que l’expert, après examen de ses obligations contractuelles, de sa situation et de celle du personnel auquel il a eu recours, des bulletins de paie et autres documents, a estimé qu’il ne pouvait y prétendre ; que de nombreux éléments établissent en effet que M. X… était rarement à l’hôtel, qu’il ne travaillait pas lorsqu’il y était et se faisait remplacer notamment pour partir en congé ; que notamment il a exercé à partir de 2002 une activité parallèle concurrente géographiquement éloignée et incompatible avec une présence réelle à l’hôtel B & B puisqu’il était gérant de l’établissement restaurant « la truite enchantée » et qu’une enquête pénale a permis d’établir qu’une personne qui occupait l’appartement de fonction assurait la permanence, qu’il était rarement présent et ne t


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