Cour d’appel d’Angers, 17 avril 2012, 10/02718

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Cour d’appel d’Angers, 17 avril 2012, 10/02718

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL

D’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 17 Avril 2012

ARRÊT N

BAP/ AT

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/ 02718.

Jugement Conseil de Prud’hommes du MANS, du 01 Octobre 2010, enregistrée sous le no 10/ 00006

APPELANT :

Monsieur Benoît X…

53110 LASSAY LES CHATEAUX

présent, assisté de Maître Luc LALANNE, avocat au barreau du MANS

INTIMÉE :

Société ALTA BATIMENT

79 route du Chêne

72230 ARNAGE

représentée par Maître Michel NOBILET, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller

Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :

prononcé le 17 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

M. Benoît X… a été engagé le 1er juillet 2007 par la société Alta bâtiment, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en tant que responsable du site de Mulsanne (72230), catégorie cadre C5, niveau 7, coefficient 660.

La convention collective applicable est celle, nationale, de la miroiterie, transformation et négoce du verre, cadres, du 9 mars 1988.

Le contrat incluait une clause de non-concurrence.

Cette embauche faisait elle-même suite à un protocole de cession des titres des sociétés Vitrage et menuiserie du Maine (SV2M), Hold land et Benjy conclu le 4 juin 2007 entre, d’une part M. et Mme Jean-Yves X…, leur fils M. Benoît X…, les cédants, d’autre part les sociétés Alta finance, Alta bâtiment et Alta immobilier, les cessionnaires.

Au titre des conditions particulières de la cession, il était prévu que :

« … Messieurs Jean-Yves X… et Benoît X… démissionnent ce jour de leurs mandats sociaux.

Les parties et en particulier les acquéreurs, exposent qu’elles considèrent que la présence et l’implication de Messieurs Jean-Yves et Benoît X… dans la société SV2M ainsi que le maintien de leurs engagements actuels sont des éléments essentiels à la pérennité de la société.

En conséquence, Monsieur Jean-Yves X……

De son côté, Monsieur Benoît X… bénéficiera dans la société SV2M d’un contrat de travail à durée indéterminée avec une rémunération nette mensuelle de 3. 000 euros « .

M. Benoît X… était gérant de la société Hold land, qu’il avait constituée dans le but d’acquérir les actions des actionnaires minoritaires de la société SV2M, détenant de fait, à titre personnel et via la société Hold land, 1 325 actions de la société SV2M sur 5 000, outre 20 parts sociales sur 100 dans la société Benjy, société civile immobilière propriétaire des locaux dans lesquels était exploitée la société SV2M.

La société SV2M a pour activité la fabrication, le façonnage et la transformation du verre plat et isolant, la fabrication et la pose de menuiserie alu et PVC, et toutes activités de négoce liées à cet objet.

Par lettre remise en main propre contre signature le 7 octobre 2009, M. Benoît X… a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

L’entretien préalable s’est tenu le 15 octobre 2009.

M. Benoît X… a été licencié pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2009.

M. Benoît X… a saisi le conseil de prud’hommes du Mans le 8 janvier 2010, aux fins que :

– il soit dit et jugé que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– la société Alta bâtiment soit condamnée à lui verser

. 3 000 euros bruts au titre de la mise à pied à titre conservatoire, outre 300 euros de congés payés afférents,

. 11 907, 60 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 190, 76 euros de congés payés afférents,

. 1 600 euros d’indemnité de licenciement,

. 35 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– il soit constaté que la clause de non-concurrence n’a pas été régulièrement levée en application du droit positif, du contrat de travail et de l’article 3 de la convention collective,

– la société Alta bâtiment soit condamnée à lui verser à ce titre 2 000 euros nets mensuels à compter du 21 octobre 2009 jusqu’à échéance du 21 octobre 2011, soit un total de 48 000 euros nets,

– la société Alta bâtiment soit condamnée à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’exécution provisoire du jugement à intervenir soit ordonnée, nonobstant appel et sans caution,

– la société Alta bâtiment soit condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Par jugement du 1er octobre 2010 auquel il est renvoyé pour l’exposé des motifs, le conseil de prud’hommes du Mans a :

– dit que le licenciement de M. Benoît X… reposait bien sur une faute grave,

– dit que la clause de non-concurrence avait été régulièrement levée par la société Alta bâtiment,

– en conséquence, débouté M. Benoît X… de l’intégralité de ses demandes,

– condamné M. Benoît X… à verser à la société Alta bâtiment 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. Benoît X… aux entiers dépens.

Cette décision a été notifiée à M. Benoît X… et à la société Alta bâtiment le 5 octobre 2010.

M. Benoît X… en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 22 octobre 2010.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 3 octobre 2011 reprises oralement à l’audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Benoît X… sollicite l’infirmation du jugement déféré et que :

– il soit dit et jugé que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse et qu’il est abusif,

– à ce titre, la société Alta bâtiment soit condamnée à lui verser

. 3 000 euros bruts pour la période de mise à pied à titre conservatoire, outre 300 euros de congés payés afférents,

. 11 907, 60 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre

1 190, 76 euros de congés payés afférents,

. 1 600 euros d’indemnité de licenciement,

. 35 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– il soit constaté que la clause de non-concurrence n’a pas été régulièrement levée en application du droit positif, du contrat de travail et de l’article 3 de la convention collective,

– à ce titre, la société Alta bâtiment soit condamnée à lui verser 2 000 euros nets mensuels à compter du 21 octobre 2009 jusqu’à échéance du 21 octobre 2011, soit un total de 48 000 euros nets,

– la société Alta bâtiment soit condamnée à lui verser 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– la société Alta bâtiment soit condamnée en tous les dépens.

Il fait valoir que :

1) Sur le licenciement

-un fait inhérent à la vie privée d’un salarié ne peut constituer une cause objective de licenciement qu’à la condition d’avoir créé un trouble au sein de l’entreprise ce qui n’est pas le cas en l’espèce et, la pièce no13 versée par la société Alta bâtiment n’est pas probante en ce que

o les faits contenus ne sont pas visés par la lettre de licenciement,

o il ne travaillait pas le 6 juillet 2009,

o les faits étaient prescrits au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, comme connus de l’employeur à la date du 31 juillet 2009,

– il appartient à l’employeur de rapporter la preuve des difficultés professionnelles qui seraient constitutives d’une faute grave

o l’objectivité des propos tenus par M. Y… doit être mise en rapport avec l’évolution professionnelle favorable que cette personne a connue et qui s’est faite à son détriment ; de plus, les comportements de M. Y… sont totalement incompatibles avec les règles d’ordre public du droit du travail,

o MM. Z…, A… et B…, restés salariés de la société Alta bâtiment, ont tous les trois été convoqués par mail du 19 mai 2010 à une réunion du même jour au cours de laquelle il leur a expressément été demandé d’établir des attestations qui sont toutes de cette date ; il ne peut être question d’indépendance et d’autonomie dans un tel contexte ; par ailleurs, les griefs allégués sont de pure circonstance,

o quant aux témoignages de MM. C… et D…, outre qu’ils ne sont pas établis dans les formes du code de procédure civile et qu’ils émanent de sociétés qui sont toujours en relation commerciale avec la société Alta bâtiment ce qui ne peut qu’interroger sur l’autonomie des propos tenus,

. M. C… vise des faits qui se seraient déroulés en octobre 2009, qui ne sont pas visés dans la lettre de licenciement et qui sont erronés,

. quant à M. D…, les faits qu’il invoque ne sont pas datés et il a bien répondu aux exigences de ce client depuis le mois de juin 2009,

o tout au contraire, son embauche avait été jugée indispensable à la pérennité de la société Alta bâtiment du fait de la parfaite connaissance qu’il avait de la société SV2M ; s’il avait manqué à ses obligations ainsi qu’il lui est reproché, il est impensable que la société Alta bâtiment, après le rachat de la société SV2M, ait pu enregistrer d’aussi bons résultats ; or, subitement, il encourt tous les griefs,

o c’est en réalité sous couvert d’une restructuration qu’il a été licencié pour faute grave, afin de permettre à la société Alta bâtiment, dont la maison mère et l’une des filiales sont en grandes difficultés, de faire l’économie d’un licenciement pour motif économique,

o en tout état de cause, le doute doit lui profiter,

– subsidiairement, une insuffisance professionnelle n’est pas susceptible d’être qualifiée de faute grave, tout au plus de cause réelle et sérieuse,

2) Sur la clause de non-concurrence

-son contrat de travail prévoyait en son article 5 une clause de non-concurrence d’une durée de deux ans, sur le département de la Sarthe, moyennant une indemnité mensuelle de 2 000 euros nets,

– la renonciation à une clause de non-concurrence doit être faite individuellement, à l’égard du salarié concerné, et être prononcée au moment de la notification de la rupture du contrat de travail,

– l’article 3 de la convention collective le rappelle et précise que cette levée ne peut être faite qu’avec l’accord de l’intéressé,

– la société Alta bâtiment n’a pas respecté cette double exigence,

– le courrier du 11 décembre 2009 que celle-ci lui a adressé ne peut avoir aucune portée et n’a été imaginé que pour répondre à celui de son conseil du 18 novembre précédent qui dénonçait l’absence de levée de cette clause,

– en conséquence, et alors qu’il ne concurrence pas la société Alta bâtiment, la contrepartie pécuniaire prévue lui est due.

* * * *

Par conclusions du 6 décembre 2011 reprises oralement à l’audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,

la société Alta bâtiment sollicite la confirmation du jugement déféré hormis, formant appel incident de ces chefs, en ce qu’il a écarté le grief tiré de l’inconduite de M. Benoît X… dans l’entreprise, aussi sur le montant de l’indemnité de procédure qu’elle soit portée à 3 000 euros, outre que M. Benoît X… soit condamné à lui verser 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et supporte tous les frais et dépens de l’instance.

Elle réplique que :

1) Sur le licenciement

-quant aux griefs tirés de la carence et de l’incurie professionnelles de M. X…, ils sont avérés par les attestations de MM. Y…, A…, Z…, de même que par les témoignages régularisés de sociétés-clientes, Agem et Decotec et, ce ne sont pas les tentatives de M. X… afin de présenter la situation à son avantage qui peuvent abuser ; ainsi, M. X… n’est absolument pas à l’origine de la croissance de l’entreprise, le chiffre d’affaires n’ayant progressé qu’en relation avec la croissance externe et les opérations de reprise auxquelles il n’a pas pris part ; encore M. Y… ne l’a pas remplacé, sa mission s’étant terminée à la fin décembre 2009 ; les mails à l’intention de M. X… remontent à fin 2008- début 2009 et ne sont pas si laudatifs que cela,

– quant au grief tiré de l’inconduite notoire de M. X… au sein de l’entreprise et leur retentissement négatif sur son fonctionnement, il est tout aussi avéré par les attestations versées, notamment celles de Mmes E…, F…, G…, H… et de M. I…,

2) Sur la clause de non-concurrence

-le courrier du conseil de M. Benoît X… du 18 novembre 2009 laisse à penser que ce dernier ne trouvait ni anormal, ni tardif, compte tenu des relations en cours, l’absence de levée de la clause de non-concurrence ; d’ailleurs, ce n’est que près de deux mois après cette lettre que le conseil de prud’hommes a été saisi,

– il est pour le moins étonnant, dès lors, de voir M. Benoît X… venir lui reprocher aujourd’hui de ne pas avoir donné formellement main-levée de la clause de non-concurrence lors de l’envoi de la lettre de licenciement du 21 octobre 2009,

– la levée de la clause de non-concurrence est valablement intervenue suivant courrier à M. Benoît X… du 11 décembre 2009, qui s’inscrit dans un délai raisonnable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l’article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure et qui fixe les limites du litige, mais aussi rechercher au-delà de ces motifs, si le salarié le requiert, la véritable cause du licenciement prononcé.

* * * *

M. Benoît X… avance que son licenciement pour faute grave n’était destiné qu’à éviter un licenciement pour motif économique coûteux qu’auraient pu induire  » les grandes difficultés  » auxquelles se trouvaient confrontées la maison-mère et l’une des filiales de la société Alta bâtiment. Mais, sauf à procéder par voie d’affirmation, M. X… ne fournit aucun élément qui viendrait étayer cette thèse de ce que la cause réelle de son licenciement serait autre que celle adoptée.

L’on en viendra donc à l’examen de la lettre de licenciement et des griefs contenus.

* * * *

La lettre de licenciement qu’a fait parvenir à M. Benoît X… la société Alta bâtiment est libellée en ces termes :

 » Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 15 octobre dernier au cours duquel vous avez été assisté par un salarié de l’entreprise Monsieur André B….

Notre groupe, lors du rachat des actions de SV2M le 1er juillet 2007 à votre holding familiale a souhaité vous faire confiance et vous conserver comme  » responsable de site  » statut cadre au salaire de départ de 3000 euros nets auquel s’est ajoutée postérieurement une Mercedes break de fonction.

La société SV2M a été absorbée par la société ALTA BATIMENT qui intègre d’autres miroiteries (Miroiterie Mancelle, Miroirs de France), ainsi que des activités d’électricité et de menuiserie aluminium et PVC. Le but de la démarche a été de créer une offre complémentaire à destination des clients et de créer toutes les synergies possibles entre les activités, au plan des démarches commerciales, des outils de production, de la complémentarité des hommes.

Un COMCO (Comité de coordination des principaux cadres du groupe) a été mis en place dont vous faites partie.

– Depuis ces décisions, vous vous êtes installé dans un rôle de frein dans l’exécution de cette stratégie, en ralentissant et en critiquant, notamment devant vos collègues cadres, l’application de nombreuses décisions, dont beaucoup vous ont été demandées par mail ou consignées dans les comptes-rendus du COMCO.

– Vous avez par ailleurs créé un svstème de verrouillage de l’information, dans lequel vous continuez à être le seul informé ou sachant dans de nombreux domaines, à titre d’exemple, l’informatique de production où vous n’avez pas répondu aux nombreuses sollicitations de vos collègues et collaborateurs, tant pour connaître le logiciel que pour le faire évoluer.

Votre attitude rend impossible notre relation contractuelle pour ces raisons d’une part, pour des faits qui ont éclaté dans l’entreprise ces dernières semaines d’autre part :

. Votre refus d’appliquer la stratégie d’ouverture et de synergie des activités :

– Nous vous avons proposé à plusieurs reprises deux missions « transverses » comme à d’autres cadres du COMCO, et plus particulièrement des missions d ‘ achats centralisés au niveau du groupe, et par ailleurs de suivi de l’activité de pose, deux activités stratégiques et valorisantes. Nos nombreux échanges indiquent clairement votre refus.

– Nous vous avons demandé à de nombreuses reprises, la rentabilité de vos affaires, le prix de revient de vos produits : vous gardiez dans votre bureau toujours fermé à clé, ces éléments nécessaires à la bonne gestion de l’entreprise. De ce fait, nous avons dû demander à une salariée de suivre désormais ces résultats sur marchés, essentiels pour la prise de décision du dirigeant.

– De ce fait également, nous vous avons demandé de venir à des réunions avec l’équipe commerciale pour qu’elle puisse travailler sur une tarification adaptée à une période de crise. Non seulement, vous ne nous avez pas fourni les tableaux sur papier, les consultant sur votre ordinateur, mais vous vous êtes targué, devant cette équipe, de garder des « marges de sécurité », alors que l’entreprise était attaquée de toute part par la concurrence et qu’elle devait connaître ses marges de man œ uvre pour défendre ses marchés.

– Vous avez d’ailleurs critiqué ouvertement la politique de l’entreprise, visant à s’adapter aux prix de la concurrence, en indiquant que l’entreprise « effectuant du service, un travail de qualité, il n’y avait aucune raison qu’elle baisse autant ses prix ». Les résultats commerciaux confirment le bien fondé de notre démarche et votre manque de clairvoyance.

– Lorsque d’autres services vous ont demandé de la ressource en personnel, vous n’avez jamais répondu présent en le rendant disponible, alors que vous même avez reconnu que les cycles propres à l’activité de votre site permettaient ces échanges dans l’intérêt du groupe.

– En résumé, votre attitude prouve votre refus d’appliquer la stratégie de l’entreprise et votre volonté de conserver une totale indépendance de votre site, comme au temps où vous en étiez l’actionnaire.

. Au cours de ces dernières semaines :

– Votre responsabilité du site de Mulsanne vous conduisait à prendre en charge l’organisation du déménagement des équipements et du personnel du site de Tuffé vers Mulsanne. Les éléments ci a-près prouvent la dangerosité de votre gestion de cette affaire. Vous avez proposé au COMCO un plan d’investissement de l’atelier tel (plus de 300 000 euros) qu’il rendait l’opération totalement dissuasive. Nous vous avons demandé à plusieurs reprises de revoir votre copie à ce sujet et vous êtes parti en vacances sans que rien ne soit modifié. Compte tenu de l’urgence, nous avons du réunir les autres responsables d’ALTA BATIMENT, et nous avons trouvé des solutions, en rangeant totalement l’atelier dont vous aviez la charge et en décidant la mise en place d’une nouvelle organisation de la production.

– A votre retour, vous vous êtes répandu dans l’entreprise sur l’immixtion du dirigeant dans  » votre  » domaine de compétence et sur le fait que les solutions ne pourraient pas marcher. Cette nouvelle critique de la politique du dirigeant devenait intolérable.

– Ce manque d’intégrité était déjà avéré dans la façon dont vous aviez mené personnellement certaines missions que je vous avais demandé de réaliser, puisqu’à titre d’exemple, vous avez demandé à d’autres cadres intègres de vous suivre, si vous étiez amené à quitter l’entreprise et les impliquer dans un projet concurrent.

– Toujours dans le cadre du déménagement des salariés de TUFFE, vous deviez anticiper l’organisation du plan de charge afin de respecter nos engagements vis à vis des clients. Vous n’avez rien fait dans ce sens, et nous avons du faire face à une situation de crise. Les deux dirigeants d’AGEM et DECOTEC (clients nol et no2 de l’entreprise) nous ont écrit pour se plaindre du manque sérieux dans le traitement de cette période et nous menacer de nous quitter. La gravité de l’ensemble de ces points nous a conduit à assumer vos carences.

– Votre management très inquiétant a conduit concrètement un certain nombre de salariés de l’entreprise (10 salariés), à l’initiative du syndicat Force Ouvrière à faire grève pendant quelques heures le 22 septembre 2009. Il s’agit d’un acte fort qu’une direction se doit d’écouter. La défiance du management du site, son incapacité à prendre des décisions, voire à respecter les hommes et les femmes qui le composent ont clairement été exposés et affichés dans les revendications des grévistes.

Nous avons pris le temps d’écouter ces salariés, et nous avons été amenés à prendre ensemble des décisions que vous bloquiez et qui étaient dans l’intérêt partagé du bon fonctionnement du site.

– Au delà de ces faits extrêmement graves, nous ne pouvons laisser dans le silence la relation extra conjugale vécue dans l’entreprise que nous vous avons demandé instamment de cesser.

Cette situation connue de tous, a eu des conséquences concrètes et dommageables dans le fonctionnement quotidien de l’entreprise et vous a fait perdre toute crédibilité. Sur ce sujet, pour des raisons de discrétion et de respect de l’individu, nous n’étaierons ce point que si nécessaire.

Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies au cours de notre entretien du 15 octobre 2009 ne nous ont pas permis de modifie notre appréciation à ce sujet, puisque devant la personne qui vous accompagnait vous avez nié en bloc nos arguments refusant d’y répondre point par point ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave… « .

Il en ressort que la société Alta bâtiment reproche principalement à M. X… :

– son refus d’adhésion à la nouvelle politique de l’entreprise menée désormais dans le cadre d’une stratégie de groupe, pouvant aller jusqu’à la déloyauté,

– un management de son site totalement inadéquat,

– une relation extra-conjugale au sein de l’entreprise aux conséquences néfastes.

L’on reprendra donc ci-après ces trois séries de griefs, étant rappelé que la faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l’employeur, ne peut résulter que d’un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, imputable au salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. Outre de présenter ces caractéristiques, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et, il incombe à l’employeur de l’établir.

1. Le refus d’adhésion et la déloyauté

La société Alta bâtiment cite sept exemples de ce refus d’adhésion et de cette déloyauté de M. Benoît X… qu’il conviendra d’examiner.

a) la non-acceptation réitérée de  » missions transverses  »

Pour caractériser cette non-acceptation, la société Alta bâtiment verse trois attestations de MM. Y…, A… et B….

M. Y… est dirigeant d’un cabinet de conseil, mandaté par la société holding du groupe afin d’organiser la coordination entre ses différentes filiales, dont la société Alta bâtiment (cf le mail du 5 novembre 2008 de M. J… dirigeant de la société Alta finance en direction des personnels d’encadrement, dont M. X…, explicitant les missions de M. Y… ; le mail du 17 février 2009 de M. J…, dont copie jointe à M. X…, indiquant  » qu’il lui a été confié à M. Y…, à titre personnel, un mandat de Direction Générale du Groupe ALTA FINANCE. Une convention de management lie ALTA FINANCE et ses filiales dont ALTA BATIMENT, ce qui permet les interventions au sein de ALTA BATIMENT « ).

M. A… est responsable commercial et M. B… est responsable des chantiers alu et PVC au sein de la société Alta bâtiment.

M. Y… a effectivement proposé à M. X…, non des  » missions transverses  » ainsi que les intitule la lettre de licenciement, mais un changement de poste. Le mail de M. Y… à M. X… en date du 17 février 2009 est sans ambiguïté sur ce point, en ce que  » l’organisation du groupe est du ressort du dirigeant et celui-ci a mis en place une organisation juridique par entité métier, en l’occurrence… une filière Bâtiment… mettre en place une véritable organisation transversale et non par site comme lors des reprises  » et, dans ce cadre M. X… se voit offrir le poste de responsable des achats  » qui aura pour but de mettre en place à tous niveaux du groupe un climat de gestion d’appels d’offres en vous appuyant bien sûr sur les acteurs en place pour le choix technique et la fonction approvisionnement « , puis le poste de responsable de la pose sur toutes les entités bâtiment  » qui est un véritable problème de management qui porte pour toutes les entités la réalisation de l’acte final vis à vis du client « .

MM. A… et B… ne s’y étaient d’ailleurs pas trompés parlant l’un et l’autre de  » refus de répondre aux postes qu’il sollicitait « , de  » 2 postes lui ont été proposé qu’il a refusé « .

M. X… confirme ne pas avoir donné suite à ces propositions, qui entraînaient au minimum, puisque ni la rémunération, ni le lieu de travail alors que M. X… était responsable du site de Mulsanne, ne sont envisagés, un changement de la nature de ses fonctions. S’agissant en conséquence d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, il y fallait son accord préalable et, le refus opposé ne peut lui être imputé à faute.

b) le refus de communiquer le prix de revient de ses produits et celui plus général de communication

Au soutien de ces refus, la société Alta bâtiment fournit trois attestations de MM. Y…, A…, Z… et I….

M. Z… est technico-commercial.

M. I… est responsable technique, avec en sus une fonction commerciale au sein de la société Alta bâtiment.

MM. Y…, A…, Z… et I… relatent respectivement :

–  » l’opacité dont il M. X… a fait preuve chaque fois que je lui ai demandé le prix de revient des ses produits, au point de mettre en péril la politique commerciale du groupe « ,

–  » quand nous avons travaillé au développement commercial Mr X… n’a pas collaboré positivement, refusant de donner ses fichiers de prix, gardant des réserves de négociation « ,

–  » je ne pouvais pas avoir les prix de revient il n’était pas possible de réagir par rapport à la concurrence « ,

–  » le refus de M. X… de nous donner les prix de revient des produits verres et le refus de répondre à mes questions par rapport à la concurrence pour s’adapté

le refus permanent de M. X… de nous communiquer le fonctionnement du logiciel de gestion verre « .

Face à ces éléments, M. X… se contente de fournir les résultats de la société Alta bâtiment pour les années 2006, 2007 et 2008, société qui compte tout de même sept établissements, ainsi qu’une série de mails de M. J… qui remontent aux 2 juillet 2008, 12 et 19 septembre 2008, 3 octobre 2008, 17 et 19 novembre 2008, 19 janvier 2009, toutes pièces sans portée pour la solution du litige, mettant sinon en doute l’objectivité des attestants, parties prenantes à la situation à un titre ou un autre, salariés de l’entreprise, dont les attestations sont datées du même jour…. Il ne conteste pas, pour autant, la matérialité des faits dont s’agit qui est corroborée par quatre personnes.

M. X… était parfaitement au fait de la politique qu’entendait conduire le groupe (cf mails précités de M. J… et de M. Y…), faisant notamment partie du comité de coordination, dit COMCO, réunissant les cadres. Dès lors, et d’autant plus au regard de sa position de responsable de site, il ne pouvait garder par devers lui des informations estimées nécessaires à l’élaboration d’une stratégie d’ensemble. La faute commise est par voie de conséquence établie.

c) la critique de la politique commerciale de l’entreprise

Une attitude critique qu’aurait eue M. X… est évoquée dans trois des attestations produites par la société Alta bâtiment, à savoir celles de MM. A…, B… et I….

Ceux-ci déclarent respectivement :

–  » Mr X… a par son refus de répondre aux postes qu’il sollicitait maintenu une attitude critique envers la direction « ,

–  » je confirme que 2 postes lui M. X… ont été proposé qu’il a refusé… cette attitude était critique par rapport à la direction « ,

–  » une critique de la direction « .

Il en ressort que les deux premières attestations n’ont visiblement pas trait au fait pointé dans la lettre de licenciement et, la troisième n’est en rien circonstanciée.

En conséquence, la critique de la politique commerciale de l’entreprise de la part de M. X… n’est pas établie.

d) la critique directe de l’action du dirigeant

La société Alta bâtiment n’a strictement aucune pièce de ce que M. X… se serait plaint de l’immixtion du dirigeant de l’entreprise dans son secteur, tout comme de ce qu’il aurait mis en doute la fiabilité de la solution mise en place. Qu’elle n’ait pas, ne serait-ce que des attestations de salariés, est d’autant plus curieux qu’elle affirme pourtant que M. X… se serait  » répandu  » au sein de l’entreprise.

Une simple allégation ne peut, à l’évidence, être retenue au titre de la preuve que la société Alta bâtiment se doit de faire.

e) le refus injustifié de mise à disposition de personnel

La société Alta bâtiment ne produit à l’appui de ce refus de M. X… qu’une attestation, celle de M. Y… qui décrit  » son refus de M. X… de mettre à disposition son personnel pour d’autres unités du groupe alors qu’il était en sous activité « .

Isolée, lapidaire et non circonstanciée, cette attestation ne peut être considérée comme probante du fait invoqué à faute contre M. X….

f) la tentative de débauchage de salariés

La société Alta bâtiment verse, au soutien de cette déloyauté supposée de M. X…, deux attestations de MM. Y… et A….

Ceux-ci indiquent respectivement :

–  » d’autres membres du COMCO m’ont clairement exprimé qu’il M. X… avait cherché à les débaucher pour créer une autre entreprise de miroiterie, alors qu’il avait vendu l’entreprise familiale à M. J… « ,

–  » en ce qui me concerne est que manifestement Mr X… préparait depuis longtemps son départ et d’ailleurs, il m’avait sollicité à l’accompagner dans un nouveau projet « .

Si l’attestation de M. Y… est purement référendaire, M. A… confirme, qu’au moins pour ce qui le concerne, il a été approché par M. X… pour quitter l’entreprise.

Même si M. X… depuis son licenciement n’est plus dans le même secteur d’activité, il n’existe pas de raison particulière d’écarter l’attestation de M. A…, en tout cas M. X…, hormis de mettre en doute  » l ‘ indépendance et l’autonomie  » du rédacteur du fait de sa qualité de salarié de la société Alta bâtiment, n’en donne pas.

En tentant de débaucher au moins un salarié appartenant à la société Alta bâtiment, M. X…, alors que de plus il était le supérieur hiérarchique du dit salarié, a commis effectivement une faute.

* *

Sont donc caractérisés, au titre du premier grief, le refus général de communiquer et, spécifiquement, celui de communiquer le prix de revient de ses produits, ainsi que la tentative de débauchage d’un salarié.

2. Le management inadapté

La société Alta bâtiment cite deux exemples de ce management défaillant de M. Benoît X… qu’il conviendra d’examiner.

a) le déménagement du site de Tuffé dans les locaux du site de Mulsanne

M. X… était, cela a été dit, responsable de l’établissement de Mulsanne de la société Alta bâtiment. En cette qualité, il avait été chargé, ce qu’il ne conteste pas sérieusement, d’assurer le regroupement sur ce site de l’ex-société Facodis, avec pour objet la conception, la réalisation, la fabrication et la commercialisation de tous produits bois verriers plastiques et dérivés, acquise le 26 juin 2008 par la sociét


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