Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre civile 1, 29 janvier 2008, 07/3238

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Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre civile 1, 29 janvier 2008, 07/3238

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’ APPEL D’ AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 29 JANVIER 2008

No 2008 /

A. F.

Rôle No 07 / 03238

Christian X…

C /

S. A. R. L. ESPACE CONSEIL EXPERTISE

Grosse délivrée

le :

à :

SCP COHEN

SCP BOTTAÏ

réf 073238

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de NICE en date du 13 Février 2007 enregistré au répertoire général sous le No 2006 / 00308.

APPELANT :

Monsieur Christian X…

né le 18 Août 1948 à PARIS,

demeurant …- 20230 SANTA LUCIA DI MORIANI

représenté par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,

ayant pour avocat Maître Jacques VINCENS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S. A. R. L. ESPACE CONSEIL EXPERTISE

dont le siège est 109, Quai des Etats Unis- 06300 NICE

représentée par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour,

plaidant par Maître Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE

*- *- *- *- *

COMPOSITION DE LA COUR :

L’ affaire a été débattue le 17 Décembre 2007 en audience publique. Conformément à l’ article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame Anne FENOT, Conseiller, a fait un rapport oral de l’ affaire à l’ audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy ROMAN, Président

Madame Anne VIDAL, Conseiller

Madame Anne FENOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2008.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2008,

Signé par Monsieur Guy ROMAN, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*- *- *- *- *- *

1. FAITS, PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par une ordonnance du 13 février 2007, le juge des référés du Tribunal de commerce de Nice a :

– débouté Christian X… de ses demandes tendant à l’ instauration d’ une demande d’ expertise

– condamné Christian X… à payer à la SARL ESPACE CONSEIL EXPERTISE (ECE) la somme de 500 euros sur le fondement de l’ article 700 du NCPC

Christian X… a interjeté appel de cette décision.

Suivant un arrêt du 16 octobre 2007, la Cour d’ Appel d’ Aix en Provence a, au regard des dispositions de l’ article 44- 4 du décret du 23 mars 1967, des termes de l’ assignation introductive d’ instance et de l’ ordonnance critiquée, ordonné la réouverture des débats afin que les parties s’ expliquent sur les pouvoirs du premier juge puisque si le juge des référés peut être saisi d’ une demande d’ expertise sur le fondement de l’ article 145 du nouveau code de procédure civile, il ne peut statuer à priori sur une demande d’ expertise de gestion au visa de l’ article L 223- 37 du code de commerce.

Par ses dernières écritures déposées le 30 novembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de son argumentation, Christian X… indique que si l’ assignation délivrée peut comporter en apparence une ambiguïté, il n’ a pas saisi le juge des référés mais le Président du Tribunal de commerce et qu’ il ne peut y avoir de réelle confusion dans la mesure où il a toujours visé l’ article L 223- 37 au soutien de sa demande et qu’ il a bien rappelé que l’ expert de gestion était désigné par le Président du Tribunal de commerce statuant en la forme des référés.

Sur le fond, il reprend les moyens qu’ il avait développés dans ses précédentes écritures du 14 septembre 2007 déposées avant l’ arrêt de réouverture des débats.

Il demande ainsi l’ instauration d’ une mesure d’ expertise dont il précise les termes dans le dispositif de ses écritures et réclame la condamnation de Messieurs A… et B… à lui payer 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’ article 700 du NCPC.

Par ses dernières écritures déposées le 13 décembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de son argumentation, la SARL ECE relève que la procédure est irrégulière en ce que sur le fondement de l’ article L 223- 37 du code de commerce l’ expert doit être désigné par le Président statuant en la forme des référés après convocation du gérant par lettre recommandée avec accusé de réception et que tel n’ est pas le cas en l’ espèce.

Elle en déduit que la Cour saisie du fait de l’ effet dévolutif dans la limite des pouvoirs du premier juge ne peut statuer sur l’ appel interjeté par Monsieur X… en raison de la saisine irrégulière du premier juge de telle sorte qu’ elle ne pourra éventuellement que confirmer par substitution de motif la décision entreprise après avoir constaté l’ irrégularité de la saisine de la juridiction d’ origine.

Sur le fond, elle reprend les moyens développés dans les écritures déposées avant l’ arrêt avant dire droit et demande la confirmation de la décision, ajoutant à titre infiniment subsidiaire que si la Cour devait déclarer l’ expertise recevable, une provision importante devrait être mise à la charge exclusive de Monsieur X… au regard du coût important d’ une expertise de gestion.

Enfin, elle réclame la condamnation de l’ appelant à lui payer 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile.

2. MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour du fait de l’ effet dévolutif statue dans les limites des pouvoirs du premier juge qu’ il convient donc de définir avec exactitude.

Si l’ acte introductif d’ instance du 28 novembre 2006 est intitulé « assignation en référé » et si au dispositif il est demandé au Président du Tribunal de commerce « statuant en référé » de désigner un expert au visa de l’ article L 233- 37 du code de commerce, il est effectivement précisé dans le corps de cette assignation ainsi que le souligne l’ appelant, que l’ expert de gestion est désigné par le Président du Tribunal de commerce statuant en la forme des référés.

En conséquence, il s’ ensuit malgré une rédaction maladroite entretenant la confusion, que le Président du Tribunal de commerce, saisi en application de l’ article 44- 4 du décret du 23 mars 1967, ne pouvait statuer qu’ en la forme des référés sur le bien fondé de la demande formulée au visa de l’ article L 233- 37 du code de commerce et non par une ordonnance de référé n’ ayant pas autorité de la chose jugée.

L’ absence de convocation du gérant à l’ audience par le greffe n’ est pas de nature à vicier la procédure, dans la mesure où ce dernier prévenu de la procédure par l’ assignation délivrée à la société qu’ il dirige a été à même de faire valoir ses observations.

La Cour est donc saisie dans les limites des pouvoirs du premier juge dans le cadre de la demande formulée au visa de l’ article L 223- 37 du code de commerce.

Les dispositions de l’ article L 223- 37 du code de commerce offrent la possibilité à un associé détenant au moins un dizième du capital social de demander au Président du Tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, la désignation d’ un expert pour présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Christian X… est associé avec Patrick B…, Philippe A… et Patricia C… au sein de la société d’ expertise comptable SARL ESPACE CONSEIL EXPERTISE (ECE), chacun détenant 250 parts du capital social.

La condition de la quotité de participation au capital social étant respectée, il convient d’ apprécier le bien fondé de la demande en examinant successivement les chefs de la mission sollicitée par l’ appelant étant observé que la mesure d’ instruction ne peut porter que des opérations de gestion.

Christian X… a été condamné le 24 octobre 2003 par le Tribunal correctionnel pour des faits d’ abus de biens sociaux commis en 1998 et 1999 et pour avoir, en 1997 et 1998 à une époque où il était seul gérant de la société alors dénommée SARL CM AUDIT, minoré le chiffre d’ affaire taxable de la société et de s’ être ainsi soustrait à l’ établissement et au paiement de la TVA sur les sociétés.

La Cour d’ Appel a, par un arrêt du 21 septembre 2005, confirmé ce jugement sur la culpabilité.

En suite de cette condamnation pénale et du redressement fiscal qui s’ en est suivi, avec la prise par l’ administration fiscale d’ un nantissement sur le fonds d’ ECE et de la dissension existant entre les associés, la SARL ECE a signé :

– 15 janvier 2004 avec la société ESPACE CONSEIL EXPERTISE II (créée par Philippe A… et Patrick B…) un contrat de mise à disposition de moyens après qu’ ait été rappelé en préambule de cette convention :

* « en raison notamment de la condamnation pénale en première instance de Monsieur Christian X… pour abus de confiance ou de crédit de la SARL ECE, et de la volonté, matérialisée par un contrat de location de clientèle, de Madame C… d’ exercer de manière indépendante, il ne parait plus envisageable de continuer à développer cette société en raison de la disparition de l’ affectio societatis, base indispensable au contrat de société au sens de l’ article 1832 du code civil »

* la nécessité de conserver le gage pris par l’ administration sur le fonds d’ ECE

– le 29 décembre 2003 avec la société « cabinet C… » représentée par Madame C… gérante et associée unique, un contrat de  » mise à disposition de clientèle  » moyennant une redevance annuelle de 10 800 euros HT

– un contrat de sous- traitance informatique avec la société civile A… B… à compter d’ octobre 2004

Après rédaction de rapports spéciaux de gérance rendus en application de l’ article L 223- 19 du code de commerce, les associés d’ ECE réunis en assemblée générale les 16 décembre 2004 et 29 novembre 2005 ont approuvé ces rapports, les comptes de l’ exercice et ont adopté les conventions passées.

Par les procès verbaux des assemblées auxquelles ne s’ est pas rendu Christian X… il a été répondu à ses questions, les causes de la signature de ces conventions ont été rappelées comme les honoraires perçus par les gérants et les contreparties financières des contrats.

Christian X… a eu connaissance de ces conventions et donc des modalités financières concernant les cocontractants. Il n’ a exercé aucun recours contre ces décisions.

Ne relève pas en conséquence de l’ expertise de gestion au sens de l’ article L 223- 37, l’ examen des conditions du contrat de mise à disposition de clientèle conclu entre la société ECE et le cabinet C…. Il en est de même de la vérification de ces conditions avec les habitudes de la profession d’ autant que l’ article 12 du contrat de mise à disposition de clientèle précise que le présent contrat sera soumis au conseil supérieur de l’ ordre des experts comptables pour avis. Enfin, à ce contrat il est indiqué que la clientèle mise à disposition qui était celle précédemment gérée par Madame C… fait l’ objet d’ une liste nominative figurant en annexe. Christian X… n’ a pas réclamé la communication de cette annexe.

Les critères de répartition de la clientèle entre les sociétés susvisées ne constituent pas une opération de gestion au sens de l’ article L 223- 37 susceptibles de faire l’ objet d’ une mission d’ expertise de gestion.

Compte tenu de la connaissance des modalités financières de ces conventions par leur lecture, il n’ est pas utile de recourir à une expertise pour déterminer si ECE fait payer ou non un loyer à ECE II.

Il ressort des assemblées générales produites aux débats que les conventions conclues entre ECE, le cabinet CALVALLIDO et ECE II susvisées ont été autorisés par les actionnaires. Par ailleurs, en l’ absence de toute précision sur les autres opérations concernées passées entre ces sociétés et donc en l’ absence d’ élément permettant de justifier de leur qualification d’ opérations de gestion, il n’ y a pas lieu d’ ordonner d’ expertise de ce chef.

Est étranger à l’ intérêt social de la SARL ECE la vérification de la cause des récentes immobilisations incorporelles effectuées par ECE II pour 160 000 euros tout comme le point de savoir si l’ exploitation d’ ECE constitue l’ activité principale de Messieurs B… et A….

Le contrôle de l’ exécution de ces conventions ne constitue pas une opération de gestion et par voie de conséquence n’ est pas justifié le recours à l’ expertise pour se prononcer sur l’ existence et la réalité de ces contrats, et, pour rechercher si les conventions de prestations informatique correspondent à une prestation effectuée.

En outre aucun caractère suspect des conventions passées entre ces sociétés n’ est établi. L’ existence de ces conventions a en effet été expliquée par la nécessité impérative de concilier le maintien du gage pris par l’ Administration Fiscale et l’ absence de toute affectio societatis ente les associés.

Par ailleurs, en l’ absence de changement démontré des modalités de rémunération des gérants comme des honoraires de commissariat aux comptes, et, en l’ absence en toute hypothèse de stratégie à cet égard pouvant s’ analyser en opération de gestion, il n’ appartient pas à l’ expert de se prononcer sur les modalités de rémunération. Il n’ est produit aucun élément venant corroborer l’ affirmation de la baisse des honoraires juridiques et par voie de conséquence, l’ expertise n’ est pas fondée de ce chef.

Enfin l’ établissement du montant du compte courant de Monsieur X… ne relève pas de l’ expertise de gestion.

L’ ordonnance querellée sera confirmée.

Vu les articles 696 et 700 de nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et sur appel d’ une ordonnance rendue en la forme des référés

– Confirme l’ ordonnance entreprise

– Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’ article 700 du NCPC

– Condamne Christian X… aux dépens d’ appel et dit qu’ ils seront recouvrés selon les dispositions de l’ article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


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