Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
DU 24 Avril 2006 ————————-
F.C/F.K S.A. BROUILLON PROCESS, C/ S.A. EXPERTISES GALTIER, Christian X… RG N : 04/01952 – A R R Ê T no 395/06 Prononcé à l’audience publique du vingt quatre Avril deux mille six, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, assisté d’Isabelle LECLERCQ, Greffier LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère Chambre dans l’affaire, ENTRE : S.A. BROUILLON PROCESS, dont le siège social est « Beylard » 47180 STE BAZEILLE représentée par son Président Directeur Général , Mr Patrice BOURGELA demeurant en cette qualité audit siège représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué assisté de la SCP BRUNO ALMUZARA DELMAS, avocats APPELANTE d’un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de MARMANDE en date du 07 Décembre 2004 D’une part, ET : S.A. EXPERTISES GALTIER, dont le siège social est 92 bis rue Edouard Vaillant 92309 LEVALLOIS-PERRET agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assistée de Me Noùlle LARROUY, avocat Monsieur Christian X… … par la SCP TESTON – LLAMAS, avoués assisté de Me Sonia JOCK, avocat INTIMES D’autre part,
a rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait
été débattue et plaidée en audience publique, le
06 Mars 2006, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, François CERTNER, Conseiller (lequel, désigné
par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Catherine LATRABE , Conseiller, assistés d’Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu’il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu. EXPOSE DU LITIGE
Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, la S.A. BROUILLON PROCESS a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de MARMANDE le 07 décembre 2004, l’ayant condamnée à payer à la S.A. EXPERTISES GALTIER la somme de 4.544,80 Euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2004, la somme de 500 Euros à titre de dommages-intérêts et celle de 500 Euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Les faits de la cause ont été relatés par les premiers Juges en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément ;
Vu les écritures déposées par l’appelante le 16 novembre 2005 par lesquelles elle conclut à la réformation de la décision entreprise en demandant :
* au principal à la Cour de dire que le rapport établi par la S.A. EXPERTISES GALTIER a été commandé par Christian X… non dans l’intérêt de la personne morale mais dans l’intérêt personnel de celui-ci, afin d’obtenir l’évaluation du prix de cession de ses propres actions au moyen d’un détournement de ses pouvoirs de Directeur Général, sans en aviser le Président Directeur Général, ni
recueillir son autorisation,
[* subsidiairement, la condamnation de Christian X… à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre,
*] la condamnation solidaire de ce dernier et de la S.A. EXPERTISES GALTIER à lui payer la somme de 2.000 Euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Elle fait valoir que la S.A. EXPERTISES GALTIER, compte tenu de sa compétence en matière d’expertise comptable et d’évaluation d’investissements :
– devait avoir conscience de ce que Christian X… agissait dans son intérêt personnel,
– ne pouvait ignorer que celui-ci outrepassait ses pouvoirs en tant que donneur d’ordre au nom de la personne morale,
– avait à tout le moins manqué de prudence à son égard ;
Vu les écritures déposées par Christian X… le 12 décembre 2005 aux termes desquelles il conclut à la confirmation du jugement querellé, et à la condamnation de l’appelante à lui payer les sommes de 1.000 Euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, et 1.000 Euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Il explique avoir demandé l’évaluation, non des seules actions détenues par lui et son groupe familial, mais de la société en son entier, agissant dans l’intérêt de celle-ci pour sortir du conflit opposant les deux blocs égalitaires d’actionnaires, en permettant la
cession amiable des actions, en rappelant qu’en sa qualité de Directeur Général, il était investi des mêmes pouvoirs que le Président Directeur Général, c’est à dire des pouvoirs les plus étendus pour procéder en toutes circonstances au nom de la personne morale, alors que ses prérogatives n’étaient pas statutairement limitées ;
Vu les conclusions déposées par la S.A. EXPERTISES GALTIER le 04 janvier 2006 par lesquelles elle réclame la confirmation de la décision attaquée, outre l’allocation de la somme de 1.500 Euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; elle souligne que Christian X… a passé commande ès-qualités de Directeur Général de la S.A. BROUILLON PROCESS et qu’en tant que tel, il avait les mêmes pouvoirs de représentation que le Président Directeur Général de cette société ; elle fait encore observer que la S.A. BROUILLON PROCESS ne démontre pas qu’elle savait, ou ne pouvait ignorer, compte tenu des circonstances, que l’acte en cause -la demande d’évaluation- dépassait l’objet social ; MOTIFS DE LA DECISION
I- DANS LES RAPPORTS ENTRE LA S.A. BROUILLON PROCESS ET LA S.A. EXPERTISES GALTIER :
En vertu des dispositions combinées des articles L.225-51-51 et L. 225-56 du Code de Commerce et de la délibération du Conseil d’Administration du 05 juin 1998, le Directeur Général de la société appelante dispose des mêmes pouvoirs que ceux attribués au Président du Conseil d’Administration, lequel représente la société dans ses rapports avec les tiers et est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la personne morale en cause ;
Dans ses relations avec les tiers, la société est engagée même par les actes du Directeur Général qui ne relèvent pas de l’objet social,
à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, sachant que la seule publication des statuts ne suffit pas à constituer cette preuve ;
Au cas précis, l’appelante ne démontre pas que la S.A. EXPERTISES GALTIER, mandatée pour procéder à l’estimation de sa valeur vénale globale -et non d’un bloc d’actions à céder- savait que la mission qui lui était dévolue excédait l’objet social ; elle n’invoque ni n’établit pas plus les circonstances qui auraient permis à la S.A. EXPERTISES GALTIER d’avoir cette connaissance ;
Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, étant précisé que l’allocation de dommages-intérêts par les premiers Juges est justifiée par le préjudice de trésorerie causé à cette dernière par la résistance abusive de l’appelante à exécuter une obligation pesant sur elle, qu’elle ne pouvait méconnaître comme découlant des règles les plus élémentaires du droit des sociétés ;
L’équité commande d’allouer à la S.A. EXPERTISES GALTIER le remboursement des sommes exposées par elle pour la défense de ses intérêts ;
Il convient de lui accorder supplémentairement la somme de 1.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
II- DANS LES RAPPORTS ENTRE LA S.A. BROUILLON PROCESS ET CHRISTIAN X… :
Il n’est pas démontré que la mission confiée à la S.A. EXPERTISES GALTIER relevait de l’intérêt social de la S.A. BROUILLON PROCESS, laquelle n’avait personnellement nul besoin de connaître sa valorisation ;
Elle était en réalité du seul intérêt du groupe d’actionnaires
cessionnaire des titres ;
Du reste, la méthode employée par Christian X… est contraire aux règles en pareille matière telles qu’elles sont posées à l’article 1843-4 du Code Civil aux termes desquelles, en cas de cession de droits sociaux, la valeur desdits droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du Président du Tribunal statuant en la forme des référés ;
Bien plus, cette méthode est expressément rappelée dans la « clause de sortie » figurant dans le pacte d’actionnaires conclu entre parties le 1er février 1996 qui fait leur loi ;
C’est d’ailleurs celle finalement suivie ;
En faisant le choix de ne suivre, ni l’objet social tel que défini dans les statuts, ni les prescriptions légales, ni les dispositions du pacte d’actionnaires qui s’imposaient à lui, et en recourant à une expertise unilatérale étrangère à l’intérêt social, Christian X… a contrevenu aux exigences de l’article 225-251 du Code de Commerce et a engagé sa responsabilité personnelle ;
Il doit en assumer les conséquences en supportant le coût de l’expertise officieuse réalisée par la S.A. EXPERTISES GALTIER ; il doit être condamné à réparer le dommage qu’il a causé à la S.A. BROUILLON PROCESS en garantissant et en relevant celle-ci de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
L’équité commande d’allouer à la S.A. BROUILLON PROCESS le remboursement des sommes exposées par elle pour la défense de ses intérêts ;
Il convient de lui accorder la somme de 1.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Les prétentions de Christian X…, notamment en dommages-intérêts, totalement injustifiés, doivent être fermement écartées ;
Le sort des dépens de première instance doit être confirmé ;
Les dépens d’appel doivent être mis à la charge de la S.A. BROUILLON PROCESS ;
Mais les uns comme les autres doivent être supportés par Christian X… au titre de la garantie qu’il doit à la S.A. BROUILLON PROCESS de la relever entièrement indemne ; PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme la décision déférée en la totalité de son dispositif,
Y ajoutant, condamne la S.A. BROUILLON PROCESS à payer à la S.A. EXPERTISES GALTIER la somme de 1.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Réforme le jugement entrepris quant à ses motifs contraires aux présents en ce que l’appel en garantie formée par la S.A. BROUILLON PROCESS à l’encontre de Christian X… a été écarté,
Déboute Christian X… de toutes ses prétentions,
Condamne Christian X… à relever et garantir la S.A. BROUILLON PROCESS de l’intégralité des condamnations prononcées à l’encontre de cette dernière,
Condamne Christian X… à payer à la S.A. BROUILLON PROCESS la somme de 1.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la S.A. BROUILLON PROCESS aux entiers dépens d’appel,
Condamne Christian X… à relever et garantir la S.A. BROUILLON PROCESS desdits dépens ainsi que de ceux de première instance,
Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de
Chambre et Isabelle LECLERCQ, Greffier présente lors du prononcé.
Le Greffier,
Le Président,