Cour d’appel d’Agen, Chambre civile 1, 19 février 2008, 05/01667

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Cour d’appel d’Agen, Chambre civile 1, 19 février 2008, 05/01667

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT DU

19 Février 2008

J. M. I / S. B

———————

RG N : 06 / 01667

———————

Raymonde X…

Nathalie Y… épouse Z…

Philippe A… Y…

C /

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

——————

ARRÊT no176 / 2008

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l’article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le dix neuf Février deux mille huit, par Jean- Marie IMBERT, Président de Chambre,

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère Chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Madame Raymonde X… veuve Y…, agissant en qualité d’héritière de Monsieur Michel Y… décédé le 13 septembre 2007 à MARMANDE

née le 28 Octobre 1934 à TONNEINS (47400)

de nationalité française

Demeurant…

47400 TONNEINS

Madame Nathalie Y… épouse Z…, agissant en qualité d’héritière deMonsieur Michel Y… décédé le 13 septembre 2007 à MARMANDE

née le 23 Septembre 1965 à MARMANDE (47200)

de nationalité française

Demeurant…

33520 BRUGES

Monsieur Philippe A… Y…, agissant en qualité d’héritier de Monsieur Michel Y… décédé le 13 septembre 2007 à MARMANDE

né le 06 Octobre 1960 à MARMANDE (47200)

de nationalité française

Demeurant…

47400 TONNEINS

représentés par la SCP Henri TANDONNET, avoués

assistés de Me Anouk DELOBBE, avocat

APPELANTS d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 18 Octobre 2006

D’une part,

ET :

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS, agissant poursuites et diligences du Directeur des Services Fiscaux de la Direction Sud- Ouest actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

Dont le siège social est 72 rue de l’Abbé de l’Epée

33062 BORDEAUX CEDEX

représentée par Me Jean- Michel BURG, avoué

INTIMÉE

D’autre part,

a rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 22 Janvier 2008, devant Jean- Marie IMBERT, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), Chantal AUBER, Conseiller et Françoise MARTRES, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu’il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l’issue des débats, que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu’il indique.

* *

*

Le 28 décembre 1993 a été créée à TONNEINS une société civile dite Y… PARTICIPATIONS au capital de 10. 233. 000 F entre Michel Y…, gérant (né en 1933), ses enfants Nathalie et Philippe Y…, tous deux exerçant au sein de la société Y… SA, créée en 1961, ainsi que trois des cadres de la société Y… SA ;

Le capital a été souscrit dans sa totalité, les apports en nature ont été intégralement libérés et les apports en numéraire libérés à hauteur de 5 % lors de la souscription ;

Le 24 décembre 1998, la SA Y… INDUSTRIE a été constituée entre Michel Y… et ses enfants Nathalie et Philippe ; le 10 mars 1999, le capital de cette société a été augmenté notamment par voie d’apport par Michel Y… des titres dont il était propriétaire dans les sociétés Y… PARTICIPATIONS et Y… SA ; à l’issue de cette augmentation de capital, Michel Y… détenait 121. 177 des 130. 000 actions composant le capital social de la société ;

Par acte authentique du 19 juin 1999, Michel Y… a transmis par voie de donation- partage à ses enfants Nathalie et Philippe la nue- propriété de 121. 000 actions (60. 500 chacun) dans la SA Y… INDUSTRIE, d’une valeur de 4. 840. 000 F pour chacun ;

La société civile Y… PARTICIPATIONS a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 1998 au 31 juillet 2000 ; à l’issue du contrôle, l’administration fiscale a soumis aux droits de mutation à titre gratuit la donation indirecte consentie par Michel Y… à ses deux enfants et lui a réclamé un complément de droits d’enregistrement d’un montant de 149. 411 €

(droits : 138. 024 € + pénalités : 11. 387 €) ;

Par réclamation du 6 février 2003, Michel Y… a contesté cette

imposition ; le 12 août 2005, sa demande a fait l’objet d’une décision d’admission partielle ;

Michel Y… a alors saisi le Tribunal de grande instance de MARMANDE qui, par jugement du 18 octobre 2006, a rejeté sa demande ;

Il a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 29 novembre 2006 au greffe de la Cour ;

Michel Y… est décédé le 13 septembre 2007 à MARMANDE ; sa veuve née Raymonde X… et ses enfants Nathalie et Philippe ont régulièrement repris l’instance ;

Aux termes de leurs dernières écritures, les consorts Y… reprennent l’argumentation développée en première instance, à laquelle il est fait référence :

* Sur la procédure :

que l’administration des impôts n’a pas respecté les règles de la procédure contradictoire prévue à l’article L 55 du LPF, le dossier fiscal de Nathalie Y… n’ayant pas été communiqué à Michel Y…, ce qui ne lui a pas permis d’opposer une quelconque contradiction,

que la procédure de rectification est insuffisamment motivée, le montant des revenus perçus par Nathalie Y… étant erroné ; qu’en outre, cette procédure de rectification ne précise pas en quelle qualité Michel Y… était destinataire de la notification de redressement ni que les impositions visées lui étaient réclamées en vertu de la solidarité visée à l’article 1705 du CGI ;

que l’administration, qui a retenu tous les éléments qualifiant une donation déguisée et non une donation indirecte et qui soutient que, dès la constitution de la société, l’intention des parties était de ne pas libérer les apports et de transférer indirectement les actions de la SA Y… détenues par Michel Y… aux autres associés de la société civile, aurait dû mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit et que le juge doit replacer le débat sur ce terrain ; qu’elle devait faire bénéficier le contribuable des garanties prévues en la matière : visa d’un agent ayant au moins le grade d’inspecteur principal et possibilité de saisir le Comité Consultatif de répression des abus de droit et que la méconnaissance de ces garanties entraîne la nullité des impositions.

* Au fond :

que l’existence même de la donation n’est pas établie car trois conditions doivent être remplies : dessaisissement irrévocable et appauvrissement corrélatif du donateur, intention libérale du donateur et acceptation de la donation par le bénéficiaire,

que, s’agissant de la première condition, Michel Y… ne s’est pas appauvri irrévocablement lors de la constitution de la société puisque les apports en numéraire réalisés par ses enfants pouvaient être libérés à tout moment,

que, s’agissant de la deuxième condition, Michel Y… n’a jamais expressément ou tacitement renoncé à appeler le capital non libéré, une telle renonciation supposant un acte positif ; que l’administration ne démontre pas l’intention libérale de ce dernier au jour de la constitution de la société Y… PARTICIPATIONS,

que le maintien du redressement est contraire à l’avis de la Commission Départementale de Conciliation qui, en se déclarant incompétente, a nécessairement estimé qu’il n’y avait pas donation indirecte ;

que, subsidiairement, la valeur de la donation indirecte doit être minorée du passif correspondant à la dette des associés envers la société ;

Ils demandent à la Cour d’infirmer le jugement entrepris, de prononcer la nullité et la décharge totale des impositions notifiées, subsidiairement d’écarter la valeur proposée par l’administration et de prononcer le dégrèvement total des impositions, et de condamner l’administration à leur payer la somme de 3. 000 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

* * *

La Direction Générale des Impôts, aux termes de ses écritures, réplique :

* Sur la procédure :

que les éléments du dossier fiscal de Nathalie Y… permettant de conclure à l’insuffisance de ses ressources ne fondent pas le redressement ; que la proposition de rectification faite au contribuable le 28 juin 2001 satisfait aux conditions exigées par les textes et la jurisprudence et lui a permis de présenter utilement ses observations ; qu’en tout état de cause, le débat sur le montant des dividendes perçus par Nathalie Y… est étranger à la solution du litige ; qu’en concluant que Michel Y… avait procédé à une donation indirecte au bénéfice de ses enfants sans la rapporter à la donation- partage du 28 juin 1999, le vérificateur a justement adressé la proposition de rectification vers lui en sa qualité de donateur désigné dans l’acte assurant le paiement des droits,

qu’elle a légitimement utilisé la procédure de redressement contradictoire, les conditions légales de mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit, qui concerne les actes non sincères, n’étant pas remplies ; qu’aucune des opérations litigieuses n’est fictive et qu’elle n’a pas requalifié les opérations réalisées mais s’est bornée à tirer les conséquences des actes et à constater l’existence d’une donation indirecte.

* Au fond :

Que la vérification de la comptabilité de la société civile Y… PARTICIPATIONS a permis de constater :

que Michel Y… a apporté à la société les actions qu’il détenait dans le capital de la SA Y… pour un montant de 3. 939. 000 F,

que cet apport en nature a permis la remontée des bénéfices issus de la SA Y…,

que la participation de ses enfants au capital de la société civile leur a permis l’appréhension de ces bénéfices sous forme de dividendes,

que les enfants ont souscrit au capital de la société de la société civile mais n’ont jamais libéré leur apport en numéraire promis,

qu’en se privant des bénéfices afférents aux actions qui lui appartenaient, Michel Y… s’est appauvri irrémédiablement des dividendes non perçus au profit de ses enfants qui ont accepté cette opération,

que, s’agissant de la demande subsidiaire, le vérificateur n’a pas évalué les parts sociales reçues par les enfants mais a simplement retenu le montant des apports en numéraire non appelés et la prise en compte du passif correspondant à la dette des associés envers la société ne peut être retenue ;

Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris.

SUR CE, LA COUR,

Attendu que la recevabilité de l’appel n’est pas mise en cause et qu’aucun élément n’amène la Cour à le faire d’office ;

Attendu que l’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus au près des tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition ; qu’en l’espèce les éléments du dossier fiscal de Nathalie Y… permettant de conclure à l’insuffisance de ses ressources en vue de libérer le capital souscrit ne fondent pas le redressement que celui- ci est fondé sur la libéralité consentie par son père par le jeu des apports en numéraire qui n’ont jamais été appelés et du versement à leur profit des dividendes correspondants ; qu’il n’y avait pas lieu à communication du dossier fiscal de Nathalie Y… ;

Attendu que la proposition de rectification du 28 juin 2001 versée aux débats, qui contient, outre l’annonce de la procédure suivie, l’énoncé des faits et les conséquences fiscales qui en découlent, est motivée et permettait au contribuable de formuler ses observations conformément à l’article L 57 du LPF ; que le débat sur le montant exact des dividendes perçus par Nathalie Y… est étranger à la solution du présent litige ; que l’argument tiré d’une insuffisance de motivation du fait de la mention de chiffres erronés doit être écarté ;

Attendu qu’aux termes de l’article 1705 du CGI toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement au paiement des droits d’enregistrement auxquels cet acte est soumis ; que l’acte de donation- partage du 28 juin 1999 désignait Michel Y…, en qualité de donateur, comme devant supporter le paiement des droits ; qu’ayant constaté que celui- ci avait procédé à une donation indirecte au bénéfice de ses enfants sans la rapporter à cette donation- partage, le vérificateur s’est à juste titre adressé à lui en sa qualité de donateur désigné dans l’acte assurant le paiement des droits pour lui notifier la proposition de redressement ;

Attendu que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, le Tribunal a considéré que l’administration avait à bon droit utilisé non la procédure de l’abus de droit mais celle du redressement contradictoire des article L 55 et suivants du LPF ;

Attendu, au fond, que le Tribunal a justement relevé :

– que Michel Y… a apporté à la société civile Y… PARTICIPATIONS les 6. 500 actions qu’il détenait dans le capital de la SA Y…, pour un montant total de 3. 939. 000 F,

– que cet apport en nature a permis la remontée des bénéfices issus de la SA Y…,

– que Nathalie et Philippe Y… n’ont jamais libéré leurs apports en numéraire, soit 3. 420. 000 F pour l’une et 498. 000 F pour l’autre, Michel Y…, bien que majoritaire dans la société grâce à ses droits de vote double, s’étant abstenu de faire les appels de fonds qui s’imposaient,

– que Michel Y… s’est privé des bénéfices afférents aux actions qui lui appartenaient avant l’apport et qu’il s’est ainsi appauvri au profit de ses deux enfants, qui, grâce à leur participation au capital de la société civile, ont appréhendé ces bénéfices sous forme de dividendes,

– que le caractère définitif des avantages consentis par ce dernier à ses enfants se trouve confirmé par la décision prise en assemblée générale extraordinaire du 7 juin 2002 aux termes de laquelle le capital social a été réduit de la somme de 911. 538 € par annulation de 119. 586 parts sociales non encore intégralement libérées par les

associés ; qu’en outre, le 4 juillet 2002, soit quatre semaines plus tard, la société civile Y… PARTICIPATIONS a été dissoute par anticipation sans liquidation ;

Attendu que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l’avis de la Commission départementale de conciliation ne leur est pas favorable, cet organisme s’étant déclaré incompétent pour connaître du litige ;

Attendu qu’il y a eu donation indirecte des titres de la société civile à hauteur du capital souscrit par les deux enfants et non libéré ; que l’avantage consenti à ceux- ci a été valablement déterminé par référence à ces apports en numéraire non libérés et qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte le passif correspondant à la dette des associés envers la société civile, au demeurant dissoute ;

Attendu que le jugement, qui a rejeté la requête, sera confirmé et que les appelants, qui succombent, seront déboutés de leur demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare l’appel recevable mais mal fondé ;

Confirme le jugement entrepris ;

Rejette la demande fondée sur l’article 700 du nouveau Code de procédure

civile ;

Condamne les appelants aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître BURG, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Jean- Marie IMBERT, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


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