Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 22 août 2012, présentée pour M. et Mme A…B…, demeurant…, par Me Dubuisson, avocat ;
M. et Mme B…demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1006191 du 22 juin 2012 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu’il a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations et pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002, 2003 et 2004 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, majorations et pénalités restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
– les sommes inscrites pour le montant total de 89 890 euros au crédit du compte courant d’associé de M. B…dans la société Procaf correspondent à des remboursements de frais de fonctionnement avancés par M. B…et n’ont pas été virées sur les comptes bancaires des requérants ;
– les sommes imposées en tant que revenus d’origine indéterminée correspondent à des prêts consentis par des amis ou des membres de leur famille ;
– les pénalités pour manquement délibéré appliquées aux sommes inscrites au crédit du compte courant d’associé de M. B…dans la société Procaf et imposées en revenus de capitaux mobiliers ne sont pas justifiées ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2013, présenté par le ministre de l’économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
– s’agissant des revenus de capitaux mobiliers, M. et Mme B…n’apportent pas la preuve, dont la charge leur incombe, que les sommes portées au crédit du compte courant d’associé de M. B…dans les comptes de la société Procaf correspondent au remboursement de dépenses incombant à cette société ;
– s’agissant des revenus d’origine indéterminée, M. et Mme B…n’apportent pas la preuve, dont la charge leur incombe, de la réalité des prêts consentis par des amis ou des membres de leur famille ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 octobre 2014 :
– le rapport de M. Chayvialle, premier conseiller,
– et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
1. Considérant qu’au terme d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, M. et Mme B…ont été assujettis, au titre des années 2002, 2003 et 2004, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, résultant de rectifications opérées par le service vérificateur dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, selon la procédure contradictoire, et dans celle des revenus d’origine indéterminée selon la procédure de taxation d’office ; que, par jugement du 22 juin 2012, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé la décharge des pénalités correspondant aux rehaussements proposés en matière de revenus d’origine indéterminée pour les années 2003 et 2004, a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations et pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002, 2003 et 2004 ; que M. et Mme B…relèvent appel de ce jugement en tant qu’il n’a pas fait entièrement droit à leur demande ;
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
2. Considérant que M. et Mme B…contestent la rectification de leur revenu imposable pour l’année 2002 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à hauteur de 89 890 euros correspondant à des sommes portées au crédit du compte courant d’associé de M. B… au sein de la société Procaf, dont il était actionnaire majoritaire et président directeur général ;
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) » ; que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
4. Considérant, d’une part, que le service a réintégré aux revenus de capitaux mobiliers de M. et Mme B…diverses sommes portées au crédit du compte courant de M. B…dans la société Procaf pour le montant de 89 890 euros ; que M. et Mme B…soutiennent que ces crédits correspondent au remboursement de frais divers, notamment de frais de restaurant et d’hôtel et de billets d’avion engagés par M.B… ; que, toutefois, il n’établissent pas la réalité des avances de frais au profit de la société Procaf consenties par le requérant, en se bornant à produire des notes de frais établies par ce dernier ainsi que ses relevés bancaires, alors même qu’il n’est pas possible, pour la plupart des écritures litigieuses, d’établir de relation entre les frais déclarés et des dépenses engagées par ce dernier, en l’absence de production des factures justificatives des frais litigieux ; que M. et MmeB…, qui ne contestent pas ne pas avoir produit lesdites factures, ne sauraient utilement invoquer la liquidation judiciaire dont a fait l’objet la société Procaf pour s’exonérer de la charge, qui leur incombe, de justifier le caractère non imposable des crédits litigieux ;
5. Considérant, d’autre part, qu’ainsi qu’il vient d’être dit les impositions litigieuses sont fondées sur les sommes inscrites au crédit du compte courant d’associé de M. B…dans la société Procaf dont les requérants n’ont pas apporté la preuve de ce qu’ils ne constituaient pas des revenus de capitaux mobiliers imposables sur le fondement de l’article 109 du code général des impôts ; que, dès lors, les requérants ne peuvent utilement contester ces impositions en invoquant les sommes inscrites au débit de ce même compte courant et qui n’ont donné lieu à aucune rectification, ainsi qu’ils le reconnaissent eux-mêmes ;
6. Considérant, en second lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles 12 et 156 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d’une année déterminée, pour l’assiette de l’impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d’inscription à un compte courant sur lequel l’intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ;
7. Considérant, d’une part, que les requérants n’établissent pas que la situation de trésorerie de la société Procaf aurait rendu impossible le prélèvement, au plus tard le 31 décembre 2002, des sommes litigieuses en produisant des relevés de certains comptes bancaires de cette société relatifs à l’année 2003 ou des relevés concernant l’année 2002 mais faisant seulement état du solde débiteur de ces comptes à la date des 31 janvier, 18 juin et 8 juillet de cette année ; qu’en outre, la liquidation judiciaire de la société intervenue le 16 juin 2003, soit postérieurement à l’inscription en compte courant des crédits litigieux, ne permet pas d’établir l’indisponibilité desdites sommes en 2002 ;
8. Considérant, d’autre part, que si les requérants font valoir qu’une partie des sommes litigieuses comptabilisées comme » opérations diverses » a été inscrite par erreur dans le compte courant d’associé de M. B…en raison de la négligence de l’expert- comptable de la société, et aurait dû être inscrite dans un compte 468 » frais à rembourser « , cette circonstance est sans incidence sur la disposition des revenus litigieux, dès lors que M.B…, créancier de tels remboursements, était président- directeur général et actionnaire de la société Procaf et disposait du pouvoir de prélever des sommes ainsi comptabilisées à son profit ;
9. Considérant que M. et Mme B…ne sont pas fondés à contester les impositions résultant des rectifications prononcées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Sur les revenus d’origine indéterminée :
10. Considérant que M. et Mme B…contestent la rectification de leur revenu imposable dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée, selon la procédure de taxation d’office prévue par les articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, à hauteur de sommes créditées sur leur compte bancaire pour le montant de 30 000 euros le 4 juillet 2003, de 30 000 euros le 8 octobre 2003, de 39 000 euros le 9 octobre 2003, de 35 000 euros le 16 avril 2004 et de 20 000 euros le 21 avril 2004 ;
En ce qui concerne la procédure d’imposition :
11. Considérant qu’aux termes de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements ou des justifications en vue de l’établissement de l’impôt ; qu’aux termes de l’article L. 16 A du même livre : » Les demandes d’éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d’éclaircissements ou de justifications, l’administration lui adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite. » ; qu’aux termes de l’article L. 69 du même livre » (…) sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L. 16 » ;
12. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par courrier du 21 novembre 2005, le service a demandé à M. et Mme B…de fournir des éclaircissement et des justifications concernant l’origine et le caractère non imposable de certains crédits portés sur leurs comptes bancaires au cours des années 2003 et 2004 ; que les requérants, après avoir demandé des délais supplémentaires, ont répondu par courrier en date du 14 février 2006 ; qu’il résulte de l’instruction que, dans cette réponse, les contribuables, qui soutenaient que les crédits litigieux constituaient des prêts à caractère familial ou amical, se sont bornés à produire, s’agissant du crédit en date du 4 juillet 2003, des attestations, signées par M.B…, s’agissant du crédit du 8 octobre 2003, une attestation ainsi que la copie d’un chèque signés par M.B…, s’agissant du crédit du 9 octobre 2003, divers attestations, courriers et copie d’un chèques signés par M.B…, ainsi qu’une attestation de la banque du prêteur allégué, s’agissant du crédit du 16 avril 2004, des copies d’un courrier, d’une attestation, d’un formulaire administratif non revêtu du cachet de l’administration fiscale, et d’un chèque, tous signés par M.B…, et s’agissant du crédit du 21 avril 2004, divers courriers et attestations ainsi que la copie d’un chèque signés par M.B… ; que le service vérificateur, qui a d’ailleurs retenu les explications des requérants concernant d’autres écritures a, s’agissant des crédits bancaires litigieux, mis en demeure M. et Mme B…de compléter leur réponse par courrier du 23 mars 2006 ; que le courrier en date du 21 avril 2006 par lequel les requérants ont répondu à cette mise en demeure ne contenait, s’agissant des crédits litigieux, aucune pièce nouvelle ; qu’ainsi, le service a pu, à bon droit, regarder les explications des requérants concernant les crédits en litige, dépourvues de tout justificatif, comme équivalent à un défaut de réponse et taxer ces crédits d’office, en application de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le bien fondé de l’imposition :
13. Considérant que M. et Mme B…soutiennent que les crédits bancaires litigieux correspondent à des prêts à caractère amical ou familial ;
14. Considérant qu’aux termes de l’article L. 193 du même livre » Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition » ; que M. et MmeB…, qui ont fait l’objet d’une taxation d’office en vertu des dispositions de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales, supportent la charge de la preuve de la nature et de l’origine des sommes imposées en tant que revenus d’origine indéterminée ;
15. Considérant que s’agissant des crédits en date des 8 et 9 octobre 2003 et du 16 avril 2004, d’une part, M. et Mme B…n’apportent pas la preuve qu’ils correspondent à des prêts à caractère amical en se bornant à produire, outre les diverses pièces jointes à leur courrier du 21 février 2006, des copies de leurs relevés bancaires et de ceux des prêteurs allégués, lesquelles ne sont pas de nature à établir le caractère non imposable des sommes litigieuses ; que d’autre part ils n’établissent que les crédits en date des 4 juillet 2003 et 21 avril 2004 correspondraient à des prêts à caractère familial, dès lors que les documents produits comprenant, outre les diverses pièces annexées au courrier précité, des relevés bancaires des requérants et des personnes qui auraient consenti les prêts, l’acte de naissance de Mme B…et l’acte de mariage de ces personnes, ne permettent d’établir ni l’origine des crédits litigieux, ni, en tout état de cause, le lien de parenté dont les requérants se prévalent ; qu’ainsi, les requérants qui n’apportent pas la preuve, qui leur incombe, du caractère non imposable des crédits litigieux, ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les pénalités :
16. Considérant qu’en vertu de l’article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt entraînent l’application d’une majoration de 40 % si le contribuable a délibérément entendu se soustraire à l’impôt ; qu’aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales : » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (…), la preuve de la mauvaise foi (…) incombe à l’administration » ;
17. Considérant que M. et Mme B…contestent la majoration appliquée sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts aux impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis pour l’année 2002 au titre de la rectification de leurs revenus de capitaux mobiliers pour le montant de 89 890 euros, correspondant à des sommes portées au crédit du compte courant d’associé de M. B…dans la société Procaf, dont il était le dirigeant , en l’absence de toute justification de leur nature de remboursement de frais divers engagés pour le compte de cette société ; que, toutefois, en relevant l’importance de ces crédits injustifiés par rapport aux revenus déclarés par les requérants, leur nombre et leur nature, le service justifie le caractère délibéré de l’omission de déclaration des revenus litigieux et, donc, l’application de la majoration aux droits correspondant à la rectification de cette omission ;
18. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des impositions et majorations litigieuses ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B…est rejetée.
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N° 12VE03145