Cour Administrative d’Appel de Versailles, 3ème Chambre, 03/04/2007, 05VE01716, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Versailles, 3ème Chambre, 03/04/2007, 05VE01716, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 8, puis le 9 septembre 2005 en original au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la SCI SOGIMAR LE MADREPORE, représentée par Me DUBUIT, mandataire, domicilié 5, boulevard de l’Europe à Evry (91050) par la SCP Jacques et Xavier Vuitton ; la SCI SOGIMAR LE MADREPORE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 0300533 et 0300542 en date du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes en décharge, d’une part, des cotisations d’impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992, 1993 et 1994, d’autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période couverte par les années 1992, 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que c’est à l’occasion des opérations de vérification que le service a décidé de l’assujettir à l’impôt sur les sociétés à raison de ses activités qui ont été regardées comme commerciales ; que la situation de taxation d’office pour défaut de déclaration de ces activités n’a été découverte qu’à l’occasion de la vérification de comptabilité, ce qui rend irrégulier le recours à cette procédure de taxation d’office ; que le vérificateur ne pouvait pas taxer d’office, sur le fondement de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, des sommes dont l’origine n’était pas connue ou qui correspondaient à des fonds détournés par son gérant ; que ce détournement excluait un quelconque profit imposable au nom de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE sur les comptes de laquelle les sommes ont irrégulièrement transité ; que la commission départementale des impôts pouvait être saisie ; que les notifications de redressement adressées à la contribuable ne respectent pas les prescriptions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que le vérificateur n’a pas informé la SCI SOGIMAR LE MADREPORE de la nature des pièces se rapportant au contrôle de la S.A. les Relais Bleus ; qu’il n’a pas non plus communiqué à la contribuable les relevés bancaires auxquels il se réfère ; que la société a été privée du débat oral et contradictoire dans la mesure où la vérification de comptabilité n’a duré que quatre jours ; que les impositions ont été mises en recouvrement sans que le service réponde aux observations de la société ; que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE avait une activité essentiellement civile et répondait ainsi aux prescriptions de l’article 1655 ter du code général des impôts, de sorte qu’elle était soumise au régime de la transparence fiscale ; que, par elle-même, l’activité de refacturation à ses associés de certaines prestations que la société assurait à leur profit dans la résidence ne constitue pas une activité commerciale ; que c’est à tort que le service a estimé que la facturation de ces prestations avait dégagé une marge « commerciale » de plus de 34 % ; que les sommes inscrites au compte bancaire et qualifiées d’origine indéterminée ne pouvaient pas être imposées au niveau de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE ; que les sommes provenant des sociétés de M. X par le biais de virements ne pouvaient être réintégrées dans le chef de cette société ; que le service a opéré un détournement de procédure au détriment de la société et de ses associés en raison des agissements frauduleux de son gérant ; que la Cour d’appel de Basse-Terre, par un arrêt du 13 septembre 2004, a rejeté la requête en confusion des patrimoines de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE et de la société les Relais Bleus ; que les pénalités pour défaut de déclaration ne sont pas justifiées ; que la mauvaise foi n’est pas établie ;

…………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 mars 2007 :

– le rapport de Mme Brin, président-assesseur ;

– et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE, dont le siège social était à Gosier en Guadeloupe, avait pour gérant M. X qui était également le dirigeant de la SA les Relais Bleus de Madrépore, laquelle détenait 95,27 % des parts de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE ; que l’administration fiscale a entrepris l’examen de la situation fiscale personnelle de M. X, la vérification de comptabilité de la société les Relais Bleus de Madrépore ainsi que celle de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE qui a porté sur les années 1992, 1993 et 1994 ; qu’à l’issue de ce dernier contrôle, cette société a été soumise à l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée et a été assujettie à la pénalité de 40 % prévue au 3 de l’article 1728 du code général des impôts, au titre de ces trois années ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, en premier lieu, que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE soutient que la procédure de taxation d’office mise en oeuvre à son encontre serait irrégulière car la situation d’imposition d’office a été établie par la vérification de comptabilité dont elle a fait l’objet, laquelle a révélé qu’elle réalisait des opérations commerciales imposables à l’impôt sur les sociétés ; que, toutefois, il est constant que la société requérante a été informée de la vérification de comptabilité par avis du 8 septembre 1995, reçu le 12 suivant, alors que les mises en demeure d’avoir à déposer ses déclarations de résultats et de chiffre d’affaires dans un délai de trente jours lui ont été adressées le 19 mai 1995 et ont été reçues par elle le 24 suivant, soit antérieurement à la date de l’avis ; qu’à défaut de souscription de ces déclarations, le service, par application régulière des articles L. 66-2° et L. 66-3° du livre des procédures fiscales, a taxé d’office la SCI SOGIMAR LE MADREPORE ; que les notifications de redressement du 8 décembre 1995 et du 25 mai 1996 relatives, respectivement à l’année 1992 et aux années 1993 et 1994 indiquent sans ambiguïté que c’est cette procédure de taxation d’office qui a été mise en oeuvre ;

Considérant, en deuxième lieu, que, lors de la vérification de comptabilité, les pièces comptables prévues pour les sociétés civiles immobilières par les articles 46 B à D de l’annexe III au code général des impôts n’ont pas été présentées ; qu’un procès-verbal d’absence de comptabilité a été dressé le 16 octobre 1995 ; que cette date correspond à la première intervention sur place du vérificateur ; qu’il y en a eu plusieurs autres jusqu’au 20 octobre, puis une dernière le 26 octobre 1995 ; qu’eu égard au caractère incomplet des pièces comptables présentées lors du contrôle, la durée de la vérification ne saurait être regardée comme ayant privé la contribuable du débat oral et contradictoire ; que, d’ailleurs, celle-ci n’établit pas que le vérificateur se serait refusé, lors de ses interventions, à tout échange de vues ;

Considérant, en troisième lieu, que dès lors que, comme il vient d’être dit, la procédure de taxation d’office a été régulièrement appliquée, la requérante soutient inutilement que les notifications de redressement seraient insuffisamment motivées au regard de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, seulement applicable à la procédure contradictoire de redressement ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de l’examen des deux notifications de redressement que ces documents, en ce qui concerne les « sommes sans indications créditées sur les comptes bancaires de la société », mentionnent l’origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de la SA Les Relais Bleus du Madrépore lors de la vérification de sa comptabilité ; qu’il en est de même de ceux recueillis de plusieurs établissements bancaires dès lors que chacun de ceux-ci est identifié, que la date, le libellé et le montant de chaque opération sont reportés dans les notifications ; que ces mentions sont suffisantes pour informer la contribuable de l’origine et de la teneur des renseignements recueillis par le service dans l’exercice de son droit de communication et pour la mettre à même de demander la communication des documents avant la mise en recouvrement des impositions ; que l’administration n’était pas tenue de communiquer d’elle-même, en l’absence de toute demande de la part de la contribuable, lesdites pièces ;

Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de l’absence d’envoi de la réponse aux observations du contribuable est inopérant en cas de taxation d’office et, au demeurant, manque en fait dès lors qu’une telle réponse, en date du 30 septembre 1996, a été adressée à la SCI SOGIMAR LE MADREPORE ;

Considérant, en dernier lieu, qu’en raison de la situation de taxation d’office de cette société, le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires devait être saisie du litige n’est pas fondé ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE soutient qu’elle pouvait bénéficier du régime de la transparence fiscale prévu par les dispositions de l’article 1655 ter du code général des impôts et que, par suite, n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés, ses résultats étaient imposables entre les mains de ses associés dans la catégorie des revenus fonciers ;

Considérant que l’objet social déclaré de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE était « l’acquisition des biens et droits immobiliers dépendant d’un immeuble sis en la commune de Gosier en Guadeloupe… en vue de la division par fractions destinées à être attribuées aux associés en jouissance, en une fois ou par tranches successives » ; qu’en réalité, il est constant que la société réunissait des associés qui étaient propriétaires de ses parts sociales donnant droit à la jouissance pour une période déterminée d’un appartement ; que, par suite, la SCI SOGIMAR LE MADREPORE était, non une société civile immobilière d’attribution, mais une société civile immobilière d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé que l’article 35 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 exclut expressément du régime de la transparence fiscale de l’article 1655 ter du code général des impôts ; que, par ailleurs, le service a constaté que la société, d’une part, enregistrait des sommes provenant de la vente de parts de multipropriété, d’autre part, assurait les dépenses d’entretien de la résidence hôtelière et refacturait les charges aux multipropriétaires ; que, dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme s’étant livrée à les opérations commerciales qui, en vertu des articles 206-2° et 34 du code général des impôts, la rendent passible de l’impôt sur les sociétés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en vertu de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, il appartient à la contribuable, régulièrement taxée d’office, d’apporter la preuve de l’exagération des bases d’imposition retenues par l’administration ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction que, pour déterminer le chiffre d’affaires correspondant à la facturation des prestations de services aux associés attributaires en jouissance, le service a retenu un tarif de charges selon le type de logement proposé, un studio ou un F2, qu’il a multiplié par le nombre de logements puis par 52 semaines ; qu’il a déduit du résultat obtenu les charges évaluées à partir d’un compte d’exploitation sommaire produit lors des opérations de contrôle ; qu’il a ainsi pu arrêter une marge commerciale de 33,33 % appliquée au montant du chiffre d’affaires reconstitué ; que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE n’apporte aucun élément susceptible d’établir que ce chiffre constituerait un taux de marge exagéré ;

Considérant, en quatrième lieu, que le vérificateur a constaté dans les comptes bancaires de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE des crédits dont la nature et l’origine sont restées inconnues, ainsi que des virements en provenance des sociétés les Résidences Bleues et les Relais Bleus ; qu’en l’absence de pièces comptables présentées par la contribuable, le service était en droit de tenir compte de ces rentrées bancaires et de les regarder comme constituant pour la SCI SOGIMAR LE MADREPORE des produits entrant dans la détermination du bénéfice imposable en vertu de l’article 38-1 du code général des impôts ; qu’en l’absence de justificatifs, le service a appliqué à ces produits un taux forfaitaire de 20 % qui correspond aux charges d’exploitation à déduire ; que même si ces sommes ont été versées sur les comptes de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE alors qu’elles auraient dû être créditées sur les comptes des autres sociétés dont M. X était actionnaire, il n’est pas établi qu’il s’agirait de comptes de transit utilisés par ce dernier ; que, dans ces conditions, sans que la requérante puisse sérieusement invoquer un détournement de procédure du fait des agissements frauduleux de son gérant, c’est à bon droit que les sommes en cause ont été regardées comme devant être soumises à l’impôt sur les sociétés ;

Considérant, en dernier lieu, que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE n’invoque aucun moyen spécifique en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les pénalités :

Considérant que les pénalités qui ont assorti les impositions dues au titre des années 1992, 1993 et 1994 ne sont pas celles pour absence de bonne foi, mais celles, au taux de 40 %, prévues par l’article 1728 du code général des impôts en cas de défaut de souscription de déclaration dans le délai de trente jours suivant la réception d’une mise en demeure ; qu’il est constant que la contribuable n’a déposé aucune déclaration, malgré l’envoi de mises en demeure ; que les pénalités litigieuses ont été par suite infligées à bon droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI SOGIMAR LE MADREPORE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI SOGIMAR LE MADREPORE est rejetée.

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