Cour administrative d’appel de Versailles, 2ème Chambre, du 6 juillet 2006, 04VE03513, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Versailles, 2ème Chambre, du 6 juillet 2006, 04VE03513, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 décembre 2004 et par courrier le 14 décembre 2004 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, dont le siège social est …, par Me Y… ; la société demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0304547 en date du 5 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de la Commission départementale d’équipement commercial des Yvelines, en date du 4 septembre 2003, autorisant la société Castorama France à transférer dans la ZAC dite du Trait d’Union, sur le territoire de la commune d’Aubergenville, un magasin de vente de produits et matériaux de construction, de décoration, d’entretien, de rénovation de l’habitat et de bricolage existant sur le territoire de la commune de Flins, et à porter la surface de vente de 5 550 m² à 8 400 m² ;

2°) d’annuler la décision du 4 septembre 2003 de la Commission départementale d’équipement commercial des Yvelines ;

3°) de condamner solidairement l’Etat et la société Castorama France à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité faute de viser et de répondre à l’ensemble des moyens invoqués dans ses mémoires, notamment celui tiré de l’abus manifeste de position dominante engendré par la décision contestée et de motiver suffisamment son rejet du moyen tiré du défaut de maîtrise du foncier par la société Castorama France ; que le 30 avril 2003, date du dépôt de la demande de la société Castorama France, celle-ci ne pouvait se prévaloir de l’autorisation prévue par l’article 18 du décret du 9 mars 1993 dès lors que la promesse de vente du 5 décembre 2001 signée avec la société d’économie mixte (SEM) Territoire du Val de Seine ne pouvait concerner que 37 des 56 parcelles constituant le terrain d’assiette du futur magasin, que l’attestation notariée du 2 avril 2002 mentionne l’accord des 56 propriétaires concernés au dépôt du projet au seul profit de la SEM Territoire du Val de Seine et qu’aucune promesse de vente ne pouvait être conclue entre cette dernière, qui n’était pas propriétaire des terrains en cause situés dans une ZAC, et la société Castorama ; que l’ordonnance d’expropriation du 29 juillet 2003 n’était pas définitive à la date de la décision attaquée ; que la zone de chalandise retenue par la société Castorama, en excluant les communes d’Orgeval et de Chambourcy, est abusivement réduite et ne respecte pas les dispositions de l’article 18 du décret du 9 mars 1993 ; que le dossier présenté par la société Castorama est manifestement incomplet en ce qui concerne l’offre commerciale existante ; que l’enseigne Castorama est en position dominante abusive dans les Yvelines et préjudicie, de ce fait, à la concurrence et aux besoins de la clientèle ;

………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié relatif à l’autorisation d’implantation de certains magasins de commerce de détail, aux observatoires et aux commissions d’équipement commercial ;

Vu l’arrêté du 12 décembre 1997 fixant le contenu de la demande d’autorisation d’exploitation de certains magasins de commerce de détail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 juin 2006 :

– le rapport de M. Dacre-Wright, président ;

– les observations de Me X…, substituant Me Y…, pour la SOCIETE BRICORAMA France et de Me Z… pour la société Castorama France ;

– et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’il ressort de la minute du jugement attaqué que les premiers juges n’ont pas visé le moyen, soulevé devant le Tribunal administratif de Versailles par la SOCIETE BRICORAMA FRANCE dans son mémoire enregistré le 18 février 2004, tiré de l’abus de position dominante dans le département des Yvelines qui résulterait de l’autorisation délivrée le 4 septembre 2003 à la société Castorama France par la Commission départementale d’équipement commercial en vue du transfert dans la zone d’aménagement concerté dite du Trait d’union sur le territoire de la commune d’Aubergenville, avec augmentation corrélative de la surface de vente, d’un magasin de vente de produits et matériaux de construction, d’entretien, de rénovation de l’habitat et de bricolage existant sur le territoire de la commune de Flins ; que le tribunal n’a pas plus répondu à ce moyen qui n’était pas inopérant ; qu’ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 5 octobre 2004 est entaché d’irrégularité et doit, en conséquence, être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE BRICORAMA FRANCE devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE BRICORAMA FRANCE ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 720-3 du code de commerce, la Commission départementale d’équipement commercial statue sur les demandes d’autorisation qui lui sont soumises en prenant notamment en considération « l’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et artisanal » de la zone de chalandise concernée ; qu’aux termes de l’article 18-1 du décret du 9 mars 1993 modifié définissant le contenu de la demande d’autorisation de création et d’extension d’équipement commercial : « Pour les projets de magasins de commerce de détail, la demande … est accompagnée : …b) Des renseignements suivants : 1° Délimitation de la zone de chalandise et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que son évolution entre les deux derniers recensements généraux ; 2° Marché théorique de la zone de chalandise ; 3° Equipement commercial et artisanal de la zone de chalandise, y compris les marchés accueillant des commerçants non sédentaires ; 4° Equipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise ; … » ; qu’il résulte de l’annexe 2 de l’arrêté susvisé du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 12 décembre 1997 pris pour l’application de ce décret que la zone de chalandise et de son découpage en sous-zones est justifiée notamment par le temps d’accès au site, les barrières géographiques ou psychologiques, et les conditions de la concurrence ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande, la société Castorama France a délimité une zone de chalandise, découpée en trois sous-zones correspondant respectivement à un temps d’accès routier de cinq, de dix et de quinze minutes ; qu’elle a toutefois exclu de cette zone les communes d’Orgeval et de Chambourcy alors qu’y sont implantés, à dix minutes de temps d’accès, des équipements commerciaux d’une surface totale de 6 600 m² et, à quinze minutes, de 6 300 m² ;

Considérant, d’une part, que si la zone de chalandise doit, conformément aux dispositions précitées, tenir compte notamment des conditions de desserte du site projeté et en particulier des barrières géographiques ou psychologiques, les difficultés de circulation aux abords de l’échangeur de l’autoroute A 13 situé à proximité de la commune d’Orgeval, invoquées d’ailleurs dans le seul rapport d’inspection présenté devant la commission et non par la société Castorama France qui a déterminé elle-même les temps d’accès qui viennent d’être cités, ne sont pas de nature à elles seules à justifier l’exclusion totale des deux communes susmentionnées ;

Considérant, d’autre part, que si l’article 18-1 du décret du 9 mars 1993 prévoit que peuvent ne pas être inclus dans la zone de chalandise certains équipements commerciaux plus éloignés qui y exercent pourtant, par leur importance, un effet d’attraction, de tels équipements ne peuvent en être exclus dans le cas où ils sont accessibles pour la clientèle de la zone de chalandise dans des conditions équivalentes à celles des équipements inclus par le demandeur dans cette zone ;

Considérant que les contradictions entachant de ce fait la délimitation de la zone de chalandise du projet dans le document produit par le demandeur à l’appui de son dossier, et que la commission départementale d’équipement commercial n’a pas rectifié, ne permettaient pas de regarder ce document comme satisfaisant aux exigences posées par l’article 18-1 du décret du 9 mars 1993 afin de permettre à cette commission d’apprécier, comme elle doit le faire sous le contrôle du juge, l’impact prévisible du projet dans la zone de chalandise au regard des critères prévus par l’article L. 720-3 du code de commerce ; que, par suite, la décision du 4 septembre 2003 de la Commission départementale d’équipement des Yvelines est intervenue au terme d’une procédure irrégulière ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BRICORAMA FRANCE est fondée à demander l’annulation de cette décision ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société Castorama France tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu’en revanche, en application des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat et de la société Castorama France le paiement, chacun, à la SOCIETE BRICORAMA FRANCE d’une somme de 750 € ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0304547 du 5 octobre 2004 du Tribunal administratif de Versailles et la décision du 4 septembre 2003 de la Commission départementale d’équipement commercial des Yvelines sont annulés.

Article 2 : L’Etat et la société Castorama France verseront, chacun, à la SOCIETE BRICORAMA FRANCE une somme de 750 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Castorama France tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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