Cour administrative d’appel de Versailles, 1ère Chambre, du 9 février 2006, 04VE02357, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Versailles, 1ère Chambre, du 9 février 2006, 04VE02357, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d’appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d’une cour administrative d’appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d’appel de Versailles la requête présentée pour la COMMUNE DU BLANC-MESNIL, représentée par son maire en exercice, à ce dument habilité par délibération en date du 18 juin 2003 du conseil municipal de cette commune, demeurant en cette qualité à l’Hôtel de ville du Blanc Mesnil (93150), par Me Plantureux ;

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, par laquelle la COMMUNE DU BLANC-MESNIL demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0303306 en date du 6 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réduction des frais et honoraires d’expertise qui ont été mis à sa charge par ordonnance du 28 mai 2003 du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et tendant à ce que M. X, expert, soit condamné à lui verser 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de réduire le montant des frais et honoraires de l’expert ;

3°) de condamner M. X à lui verser 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l’ordonnance n’est pas suffisamment motivée ; que le montant des frais et honoraires est excessif compte tenu du travail effectué par l’expert ; que ce montant devrait être réduit pour ne correspondre qu’à quatre vacations sur place, aux convocations à quatre réunions et au temps de rédaction du rapport ; que l’expert n’a pas répondu aux questions qui lui étaient posées ; que le rapport n’est pas suffisamment motivé ; que l’expert n’a pas procédé aux investigations nécessaires, notamment s’agissant des infiltrations et des fissurations ; que l’expertise n’a été d’aucune utilité ; que la COMMUNE DU BLANC-MESNIL a été contrainte de demander la désignation d’un nouvel expert ;

…………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 janvier 2006 :

– le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

– les observations de Me Weyl pour la COMMUNE DU BLANC-MESNIL et celles de Me Peisse pour M. X ;

– et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés » ;

Considérant que, par ordonnance du 15 octobre 2002, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ordonné une expertise sur les désordres affectant les bâtiments du forum culturel de la COMMUNE DU BLANC-MESNIL et a désigné M. X comme expert ; que, par l’ordonnance contestée du 28 mai 2003, la même autorité a liquidé et taxé les frais et honoraires de ladite expertise à la somme de 31 982 euros et a mis ces frais à la charge de la COMMUNE DU BLANC-MESNIL ; que la COMMUNE DU BLANC-MESNIL a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la réduction de ces frais aux motifs notamment que la première réunion d’expertise avait été inutile du fait de l’expert, que l’expert avait conclu à l’ancienneté des infiltrations sans en rechercher les causes alors qu’il résultait d’un constat d’huissier que des écoulements d’eau avaient encore lieu et que compte tenu du travail effectué la somme de 31 982 euros était manifestement excessive ; que, pour rejeter la contestation de la COMMUNE DU BLANC-MESNIL, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est borné à énoncer qu’il ne résultait pas de l’instruction que M. X aurait méconnu l’étendue de sa mission ni que les bases de calcul retenues par le président du Tribunal administratif auraient été excessives, eu égard à l’importance et à la nature du travail qu’il a fourni ; qu’eu égard aux arguments développés par la COMMUNE DU BLANC-MESNIL, une telle motivation est insuffisante et méconnaît l’article L. 9 précité du code de justice administrative ; que, dès lors, il y a lieu d’annuler le jugement attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la COMMUNE DU BLANC-MESNIL devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur le montant des honoraires :

Considérant qu’aux termes de l’article R.621-11 du code de justice administrative : « Les experts et sapiteurs mentionnés à l’article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d’une manière générale, tout travail personnellement fourni par l’expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l’accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, ou, au Conseil d’Etat, le président de la section du contentieux fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l’article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l’importance, de l’utilité et de la nature du travail fourni par l’expert ou le sapiteur. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l’expert. » ; qu’aux termes de l’article R.621-13 du même code : « Lorsque l’expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d’Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle peut faire l’objet, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l’article R. 761-5. » et qu’aux termes de l’article R. 761-5 dudit code : « Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l’ordonnance mentionnée à l’article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. » ;

Considérant que, par ordonnance du 15 octobre 2002, M. X a été désigné en qualité d’expert pour se prononcer sur les désordres affectant le forum culturel du Blanc-Mesnil ; que ces désordres consistaient essentiellement en des infiltrations ou des remontées d’eau sur les murs et les plafonds, dans un local technique et dans la fosse de deux ascenseurs ; que les travaux de nature à remédier durablement à ces désordres ont été chiffrés par l’expert à 41 600 € hors taxes ; que les frais et honoraires de l’expertise ont été liquidés et taxés par ordonnance du 28 mai 2003 du président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à la somme de 31 982 euros TTC ;

Considérant qu’il n’appartient qu’au juge du fond d’apprécier le bien-fondé des conclusions de l’expert ; que, dès lors, la COMMUNE DU BLANC-MESNIL ne peut utilement faire valoir, pour obtenir une réduction du montant des frais d’expertise, que les conclusions de l’expert seraient erronées et que les travaux qu’il préconise ne seraient pas appropriés aux désordres constatés ; qu’elle ne peut davantage faire valoir que l’expert aurait outrepassé sa mission en exigeant la communication de documents réalisés dans le cadre de l’assurance « dommages ouvrage » ou que l’expert aurait vainement tenté de faire déterminer la cause des désordres par le maître d’oeuvre de la commune ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, lors de la première réunion d’expertise qui s’est tenue le 5 mars 2002, plusieurs entreprises étaient absentes car les convocations à cette réunion leur ont été adressées par l’expert à des adresses erronées, lesquelles avaient été communiquées au tribunal par la COMMUNE DU BLANC-MESNIL ; qu’en outre, l’expert soutient, sans être contredit, qu’il n’a reçu les accusés de réception de ces convocations que le jour de la première réunion ; que, toutefois, il appartenait à l’expert, compte tenu du nombre important de parties, d’adresser à ces parties une convocation dans un délai lui permettant de vérifier, avant la réunion d’expertise, si ces parties avaient été régulièrement convoquées et le, cas échéant, de repousser la date de la réunion d’expertise ; que, dès lors, la COMMUNE DU BLANC-MESNIL est fondée à soutenir que l’expert a exposé inutilement des frais et des honoraires à l’occasion de la première réunion d’expertise ;

Considérant que l’expert a constaté que le forum culturel avait subi des infiltrations d’eau et d’humidité ; qu’il a estimé que ces infiltrations avaient endommagé la peinture des murs et un grand rideau de scène ; qu’il a chiffré la reprise des peintures et la pose d’un nouveau rideau à 12 300 € ; qu’afin de rechercher les causes de ces désordres, M. X a organisé en septembre 2002 la mise en eau de la terrasse du bâtiment à la suite de laquelle aucune infiltration directe et immédiate n’a pu être constatée ; qu’il en a déduit qu’il s’agissait d’infiltrations anciennes qui avaient fait l’objet de colmatages ; que, toutefois, la COMMUNE DU BLANC-MESNIL produit deux constats d’huissiers du 8 octobre 2003 et du 14 janvier 2004 d’où il résulte que le bâtiment concerné présente de nombreuses infiltrations d’eau et d’humidité par temps de pluie ; qu’elle a plusieurs fois, au cours de l’expertise, demandé à l’expert de se prononcer sur les causes de ces désordres en faisant valoir qu’elle n’avait pas procédé à des colmatages et que la cause de ces désordres pouvait avoir une autre origine que des fuites de la terrasse ; qu’il résulte par ailleurs d’un rapport préliminaire d’expertise « dommages ouvrage » du 4 avril 1995, joint au rapport d’expertise de M. X, que les désordres sont dus à des infiltrations d’eau, mettant en cause l’étanchéité des toitures, des façades et des menuiseries ; qu’en supposant, comme le soutient M. X, que les fuites d’eau aient été colmatées, il appartenait néanmoins à l’expert, compte tenu de la mission qui lui avait été impartie, de se prononcer sur l’origine des désordres encore visibles et de préciser notamment s’ils étaient imputables à la conception de l’ouvrage, à sa réalisation ou aux matériaux utilisés et de donner tous éléments permettant au Tribunal de déterminer les responsabilités encourues ; que, compte tenu des allégations de la commune sur ces points, il y avait lieu pour l’expert de préciser au Tribunal si les désordres pouvaient avoir une autre cause que des fuites provenant de la terrasse ou, à défaut, d’expliquer pour quelle raison les causes de ces désordres ne pouvaient plus être recherchées ; que les développements du rapport sur ces points sont insuffisants ;

Considérant, par ailleurs, que si le rapport d’expertise est volumineux, notamment en raison des photocopies des documents et dires de l’expertise, ainsi que des comptes rendus des quatre réunions d’expertise et des réponses aux dires, M. X ne consacre que quelques pages à l’analyse des désordres, à la détermination de leurs causes et aux travaux propres à y remédier ; qu’ainsi, compte tenu du niveau moyen des difficultés de l’expertise, du nombre peu élevé de réunions, dont l’une a été inutile, de l’importance, de l’utilité et de la nature du travail fourni par l’expert, le nombre de 70 vacations accordées pour l’étude du dossier et le nombre de 82 vacations pour les courriers et notes aux parties ne sont pas justifiés ; que, par suite, le montant des frais et honoraires de l’expertise fixé à la somme de 31 982 euros est excessif et doit être ramené à la somme de 20 000 euros TTC ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNE DU BLANC-MESNIL qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner M. X à payer à la COMMUNE DU BLANC-MESNIL la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 mai 2004 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : Le montant des frais et honoraires dus à M. X est ramené à 20 000 euros TTC.

Article 3 : L’ordonnance du 28 mai 2003 du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2 ci-dessus.

Article 4 : M. X versera à la COMMUNE DU BLANC-MESNIL la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative .

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