Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d’appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d’une cour administrative d’appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d’appel de Versailles la requête présentée pour M. et Mme Diego X, demeurant …, par Me Wenisch ;
Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2004 au greffe de la Cour administrative d’appel de Paris, par laquelle M. et Mme Diego X demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0104843 en date du 25 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992 et 1993 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
Ils soutiennent que la procédure a été irrégulière dans la mesure où les actes de la procédure ne désignent pas Mme X par le nom de famille et le prénom portés sur son acte de naissance ; qu’ en ce qui concerne les prélèvements effectués dans les sociétés Les Tilleuls et Les Belles Hates, la somme de 50 000 F figurant sur le compte courant dont est titulaire M. X dans la société Caprogec, provient d’un prélèvement personnel effectué dans la SCI Les Tilleuls dont M. X est associé ; que M. X justifie du décaissement de cette somme dans la société Les Tilleuls le même jour, de l’écriture au débit du compte de l’exploitant dans la société Les Tilleuls le 10 février 1993, du remboursement de cette somme en mars 1993 par le débit du compte d’associé dans la société Caprogec ; que le vérificateur a raisonné comme si les prélèvements opérés dans cette SCI étaient réalisés dans une société de capitaux ; qu’en s’abstenant de répondre à cette argumentation, les juges du Tribunal administratif de Versailles ont privé M. et Mme X d’un degré de juridiction ; qu’en ce qui concerne la somme de 50 000 F créditée sur le compte de M. et Mme X, il s’agit d’une opération s’analysant comme un prélèvement en compte courant non imposable ; que, s’agissant d’une société de personnes, les prélèvements sur le compte de l’exploitant ne sont pas imposables ; que seul le bénéfice dégagé est imposable ; que les sommes de 12 000 F, 16 000 F et 22 000 F pour 1993 correspondent à des remboursements d’avances consenties à la société Vivaldi ; que, dès lors que ces avances sont parfaitement justifiées et qu’elles sont presque totalement remboursées, M. et Mme X n’ont pas à justifier de l’existence d’un contrat de prêt ; que la somme de 291 174 F créditée sur le compte courant de M. X dans la société Caprogec a été taxée à tort en revenu d’origine indéterminée dans la mesure où elle correspond à la charge que devait assumer la société Caprogec pour l’aménagement et l’agencement de locaux dont cette société est locataire ; qu’elle devait verser cette somme à la SCI Les Belles Hates qui est le constructeur de ces locaux, mais que la somme a été versée au compte courant de M. X qui est le dirigeant et l’associé de la SCI Les Belles Hates ; qu’en fait, et en tout état de cause la société Caprogec n’ayant pas la trésorerie nécessaire pour pourvoir à la dépense, n’a versé aucune somme, le compte courant de M. X ayant été crédité par le débit du compte agencement et installation dans la société Caprogec ; qu’il ne s’agissait donc pas d’un revenu disponible pour les époux X ;
…
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi du 6 fructidor an II ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 1er février 2007 :
– le rapport de M. Blin, président-assesseur ;
– les observations de Me Wenisch ;
– et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Sur les mentions des actes de procédure :
Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 6 fructidor an II : « Il est expressément défendu à tout fonctionnaire public de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l’acte de naissance, ou les surnoms maintenus par l’article 2, ni d’en exprimer d’autres dans les expéditions et extraits qu’ils délivreront à l’avenir. » ; qu’aux termes de l’article 6 du code général des impôts : «1 Chaque contribuable est imposable à l’impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. /Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d’elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnées au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l’époux, précédée de la mention Monsieur ou Madame. » ;
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 6 du code général des impôts, l’administration a pu régulièrement adresser les actes de la procédure d’imposition en litige à « M. et Mme X », sans préciser le nom et le prénom figurant sur l’acte de naissance de Mme X ; que, compte tenu de ces dispositions spécifiques, les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l’article 4 de la loi du 6 fructidor an II ;
Sur la procédure de taxation d’office :
En ce qui concerne les sommes de 50 000 F, 22 000 F et 291 174 F inscrites au crédit du compte courant de M. X dans la société Caprogec, respectivement le 30 janvier 1993 le 12 janvier 1993 et le 30 août 1993 :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements. ( ) L’administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu’ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts. Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l’intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés. » ; qu’aux termes de l’article L. 69 du même livre : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L. 16. » ; qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : «1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d’Etat. ( ) » ;
Considérant que les sommes d’origine indéterminée inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par la société titulaire du compte, le caractère de revenu distribué et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant que les sommes susvisées ont été inscrites au crédit du compte courant de M. X dans la société anonyme Caprogec ; que, dès lors, ainsi que l’admet l’administration, ces sommes ne pouvaient être régulièrement imposées dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée et faire l’objet d’une taxation d’office ; que, toutefois, l’administration a sollicité, par voie de substitution de base légale, que ces sommes soient imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu’elle est en droit, à tout moment de la procédure de substituer une base légale valable à celle qui a été primitivement retenue, à la condition qu’une telle substitution ne prive pas le contribuable des garanties prévues par la loi ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction qu’à la suite de la notification de redressements, les requérants ont disposé d’un délai de 30 jours pour faire parvenir leur acceptation ou leurs observations, qu’ils ont présenté ces observations et que le service leur a ensuite répondu ; qu’ils n’ont, dès lors, été privés d’aucune garantie attachée à la procédure contradictoire ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X, l’administration leur a indiqué qu’elle procédait à la réintégration des sommes en litige dès lors que M. X n’avait pas précisé le motif exact des crédits de son compte courant dans la société Caprogec ni à quel titre ces sommes avaient été mises à sa disposition ; que la circonstance que les sommes de 50 000 F créditée le 30 janvier 1993 et de 291 174 F créditée le 31 août 1993 auraient pour origine des versements des sociétés civiles immobilières Les Tilleuls et Les Belles Hates à la société Caprogec ne peut faire obstacle à ce que les sommes concernées soient imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu’il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la substitution de base légale à laquelle il est procédé, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la taxation d’office irrégulière des sommes susvisées serait de nature à entraîner la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’une somme de 50 000 F a été créditée le 15 septembre 1993 sur le compte de M. et Mme X ouvert à la Société générale ; que M. et Mme X font valoir que cette somme correspond à un prélèvement dans la SCI Les Belles Hates versé au crédit de leur compte bancaire ; qu’à l’appui de cette argumentation, ils produisent la copie du compte courant de M. X dans la SCI Les Belles Hates qui mentionne un débit de 50 000 F le 15 septembre 1993 au profit de « X », ainsi que la copie d’un extrait de compte bancaire de la SCI Les Belles Hates faisant apparaître un virement de 50 000 F le 15 septembre 1993 au profit de « Monsieur Mme X » ; que, toutefois, l’administration soutient à bon droit que la société civile ayant deux associés au nom de X, il n’est pas possible d’affirmer que le bénéficiaire de la somme de 50 000 F est bien M. Diego X et non son frère ; qu’elle était dès lors fondée à imposer cette somme dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ;
Considérant que M. et Mme X soutiennent que le crédit de 12 000 F du 12 janvier 1993 sur le compte de Mme et M. X à la Société générale correspond à un remboursement de la même somme prêtée à la SARL Vivaldi par la société Caprogec au débit du compte courant de M. X dans cette société ; qu’ils produisent un extrait de ce compte courant faisant état d’un débit de 12 000 F le 10 juin 1992 au profit de « X », la copie d’un chèque de 12 000 F de la société Caprogec au profit de « X n° 20 752 689 » en date du 30 juin 1992 ainsi qu’un extrait du compte bancaire de la société Vivaldi à la Société générale mentionnant un crédit de 12 000 F le 16 juillet 1992 ; que, toutefois, en l’absence de production d’un contrat de prêt ayant date certaine, les requérants n’établissent pas par ces seules pièces l’origine et la nature du crédit de 12 000 F ; que c’est dès lors à bon droit que l’administration a réintégré cette somme dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ;
Considérant que les requérants font également valoir que le crédit de 16 000 F enregistré le 27 mars 1993 sur leur compte bancaire à la Société générale ainsi qu’un crédit de 22 000 F au compte courant de M. X dans la société Caprogec seraient des remboursements par la société Vivaldi des sommes de 12 000 F, 11 893,89 F et 22 000 F que M. X aurait prêtées à cette société par l’intermédiaire de la société Caprogec ; que s’ils produisent la copie du compte courant de M. X dans la société Caprogec mentionnant un débit de 13 000 F le 30 mai 1992, la copie d’un chèque du 1er juin 1992 de la société Caprogec au profit de la société Vivaldi pour la somme de 13 000 F, un extrait de compte de la société Vivaldi à la Société générale faisant état d’un crédit de 13 000 F en date du 9 juin 1992, un extrait de compte bancaire de la société Vivaldi à la Société générale mentionnant un crédit de 11 893,89 F en date du 13 août 1992, le montant des sommes prétendument remboursées par la société Vivaldi, soit 16 000 F ne correspond pas au montant des sommes prétendument prêtées à cette société, soit 13 000 F et 11 893,89 F ; que, par ailleurs ces avances ne sont justifiées ni par la présentation d’un contrat ayant date certaine ni par la présentation du compte courant de M. X dans la société Vivaldi ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration a imposé les sommes de 12 000 et 16 000 F dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ;
Considérant que l’administration a constaté un crédit de 50 000 F en date du 30 janvier 1993 sur le compte courant de M. X dans la société Caprogec ; que les requérants font valoir que cette somme constitue en réalité un prélèvement personnel effectué par M. X dans la SCI Les Tilleuls dont il est associé et que cette somme aurait été ensuite remboursée à la société Les Tilleuls par le débit du compte courant de M. X dans la société Caprogec ; qu’à l’appui de ces allégations, les requérants produisent un extrait du compte de la SCI Les Tilleuls mentionnant un prélèvement personnel de 50 000 F le 10 février 1993, un extrait du compte bancaire de la SCI Les Tilleuls mentionnant un virement de 50 000 F le 30 janvier 1993 au profit de la société Caprogec, un extrait du compte courant de M. X dans la société Caprogec d’où il ressort qu’une somme de 50 000 F a été créditée le 30 janvier 1993 et la copie d’un chèque de 50 000 F de la société Caprogec à l’ordre de la société Les Tilleuls en date du 30 mars 1993 ; que, toutefois, compte tenu des écarts entre les dates visées ci-dessus, de la circonstance que la société civile comprenait quatre associés, que la nature et le motif du versement de la somme en litige par la SCI Les Tilleuls ne sont pas précisés, c’est à bon droit que l’administration a qualifié la somme de 50 000 F de revenus d’origine indéterminée ;
Considérant que M. et Mme X exposent que la somme de 291 174 F créditée le 31 août 1993 au compte courant de M. X dans la société Caprogec représente le coût de travaux réalisés par la SCI Les Belles Hates pour la réalisation de travaux d’aménagement et d’agencement de locaux dont la société Caprogec est locataire, que la société Les Belles Hates aurait pris en charge le financement de ces travaux, les aurait facturés à la société Caprogec, que la somme litigieuse aurait été créditée au compte courant de M. X et que, la société Caprogec n’ayant pas la trésorerie nécessaire en vue de pourvoir à la dépense, aucune somme n’aurait été versée, le compte courant de M. X ayant été crédité par le débit du compte agencement et installation dans la société Caprogec ; qu’ils en déduisent que cette somme ne pouvait constituer un revenu disponible ; que, toutefois, l’administration soutient à bon droit que l’inscription de la somme de 291 174 F au crédit du compte courant de M. X dans la société Caprogec constate une dette de cette société envers M. X et non envers la société civile immobilière Les Belles Hates ; que dès lors, l’administration est fondée à demander, à la suite d’une substitution de base légale, que cette somme soit réintégrée dans la catégorie de revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant enfin que la somme de 22 000 F créditée le 22 juin 1993 au compte courant de M. X dans la société Caprogec correspondrait selon les requérants au remboursement par la société Vivaldi d’une avance que M. X aurait consentie à cette société le 19 juin 1993 par le biais de son compte courant dans la société Caprogec ; que, toutefois, cette avance n’est justifiée ni par la production d’un contrat ayant date certaine, ni par la présentation du compte courant de M. X dans la société Vivaldi ; qu’à la suite de la substitution de base légale mentionnée ci-dessus, l’administration est fondée à soutenir que cette somme doit être réintégrée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que, c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
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