Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, pour M. et Mme Thierry A, demeurant au …, SUISSE, par Me Temime ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0507509 en date du 9 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 1995 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge desdites impositions ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que les premiers juges n’ont pas répondu aux moyens tirés du commencement d’examen de leur situation fiscale personnelle, de l’absence de communication par l’administration des documents ayant permis d’asseoir le rehaussement et de l’absence de justification, par le service, du montant de la plus-value imposable ; qu’ainsi, le jugement attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation, d’un défaut de réponse à conclusions et méconnaît le principe du contradictoire ainsi que les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que l’administration ne pouvait se prévaloir du délai spécial de reprise prévu par l’article L. 170 du livre des procédures fiscales pour opérer le redressement litigieux relatif à une année prescrite au regard des dispositions de l’article L. 169 du même livre dès lors qu’elle a eu connaissance des faits motivant le rehaussement avant l’instance judiciaire ayant, selon elle, révélé la cession des titres de la SA Medias jeunes à l’UES Saint-Michel ; qu’en effet, elle a nécessairement eu connaissance de cette cession, d’une part, à l’occasion de la vérification de comptabilité de la SA médias Jeunes qui a porté sur les exercices 1993 à 1995 et à l’issue de laquelle le vérificateur a demandé à M. A de produire la copie de sa déclaration de revenus pour l’année 1995 ainsi que ses relevés de comptes bancaires – ce qui, au surplus, marque un engagement irrégulier d’examen de situation fiscale personnelle – et, d’autre part, par un rapport du 6 juillet 1999 publié par l’Assemblée nationale faisant suite à une enquête de la cour des Comptes ; que la procédure d’imposition est irrégulière dès lors que l’administration fiscale ne les a pas mis à même de prendre connaissance des documents émanant de l’autorité judiciaire et des notes de travail manuscrites sur lesquels est fondé le redressement ; que le service, qui ne pouvait se borner à reprendre les déclarations de M. A devant le juge d’instruction à l’occasion d’une audition laquelle, au demeurant, ne portait pas principalement sur la cession litigieuse, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du prix de vente des actions en cause, lequel n’a fait l’objet d’aucune constatation par le juge pénal, et ainsi n’établit pas avec exactitude le montant de la plus-value imposable ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 septembre 2010 :
– le rapport de M. Huon, premier conseiller,
– les conclusions de M. Dhers, rapporteur public,
– et les observations de Me Minkowski substituant Me Temime ;
Considérant qu’à l’occasion d’un contrôle sur pièces des déclarations souscrites pour l’année 1995 par M. et Mme A, le service a, dans le cadre du droit de communication prévu par l’article L. 82 C du livre des procédures fiscales, recueilli auprès de l’autorité judiciaire des informations faisant apparaître que les intéressés avaient omis de déclarer, au titre de l’année en cause, une plus-value d’un montant de 2 395 000 F résultant de la cession à l’UES Saint-Michel de 35 % du capital de la société Médias Jeunes ; qu’aux termes d’une notification de redressement en date du 3 octobre 2001, le service a ainsi rapporté ladite plus-value au revenu imposable de l’année 1995 de M. et Mme A ; que les requérants relèvent appel du jugement du 9 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis à raison de cette réintégration ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, il ressort des énonciations du jugement attaqué, que le Tribunal a statué sur l’ensemble des conclusions dont il était saisi et, alors qu’il n’était pas tenu de répondre à tous les arguments des demandeurs, s’est prononcé, par une motivation suffisante, sur les moyens soulevés à l’appui de ces conclusions et tirés, d’une part, de ce que l’administration ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales instituant un délai spécial de reprise, d’autre part, de ce que le vérificateur était tenu de communiquer ses notes de travail, à défaut des procès-verbaux obtenus auprès de l’autorité judiciaire et, enfin, de ce que le service n’établissait pas le montant de la plus-value imposable ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme A soutiennent que le Tribunal administratif aurait entaché sa décision d’une erreur de droit et aurait, à tort et, notamment, en violation des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve, ces moyens se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges et sont par suite, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant, d’une part, qu’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ;
Considérant, d’autre part, que l’obligation faite à l’administration de tenir à la disposition du contribuable qui le demande avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu’elle a utilisés pour procéder aux rehaussements ne peut porter que sur les originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux ; que, par suite, au cas où des documents que le contribuable demande à examiner sont détenus, non par l’administration fiscale qui en a seulement pris connaissance dans l’exercice de son droit de communication, mais par d’autres administrations ou par l’autorité judiciaire, il appartient à l’administration fiscale de renvoyer l’intéressé vers le détenteur des documents en cause ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de la notification de redressement du 3 octobre 2001, le service a avisé les contribuables de ce qu’ayant eu communication du dossier pénal relatif à la gestion de la Mutuelle nationale des Etudiants de France, il entendait se fonder, pour établir les impositions litigieuses, sur les faits contenus dans la première déposition de M. A du 08/1299 (cote D 1873, procédure 42/98 instruite par M. Riberolles, juge d’instruction au cours de laquelle l’intéressé avait déclaré la cession, en 1995 de 35 % du capital de Médias Jeunes (…) à l’UES Saint-Michel pour un montant de 2,5 MF environ puis précisé que le chèque du montant de cette cession [avait] été déposé sur un compte bancaire de la banque San Paolo à Luxembourg ouvert à [son] nom et qu’il n'[avait] pas procédé à la déclarations de ces revenus auprès de l’administration fiscale française à l’époque ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui, ont du reste demandé communication du procès-verbal en question, ceux-ci ont été clairement informés de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de l’autorité judiciaire pour asseoir les redressements contestés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite de la demande de communication formée par M. et Mme A, le service, par courrier en date du 26 novembre 2001, a fait savoir aux intéressés qu’il n’était pas en possession du procès-verbal précité, le vérificateur s’étant borné à en faire un relevé manuscrit, et les a invités à s’adresser au juge Riberolles en vue d’en obtenir copie en leur rappelant que M. A, mis en examen dans le cadre de l’instance judiciaire, était de ce fait habilité à en prendre connaissance ; qu’ainsi, et alors, par ailleurs, que les notes personnelles du vérificateur ne sont pas des documents soumis, pour l’application de la loi fiscale, à l’obligation de communication, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’administration aurait méconnu les exigences, rappelées ci-dessus, s’attachant à cette obligation ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales : Pour l’impôt sur le revenu (…), le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due (…) ; qu’aux termes de l’article L. 170 du même livre : Même si les délais de reprise prévus à l’article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d’imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l’administration des impôts jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. ; que des insuffisances ou omissions d’imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales, dès lors que l’administration disposait d’éléments suffisants lui permettant, par la mise en oeuvre des moyens d’investigation dont elle dispose, d’établir, dans le délai normal de reprise, ces insuffisances ou omissions d’imposition ;
Considérant que M. et Mme A soutiennent que, pour faire obstacle à la prescription instituée par l’article L. 169 du livre des procédures fiscales, l’administration ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L. 170 de ce livre dès lors qu’au travers, d’une part, de la vérification de comptabilité de la société Médias jeunes conduite en 1996 et, d’autre part d’un rapport d’enquête parlementaire sur le fonctionnement de la Mutuelle nationale des étudiants de France, elle avait nécessairement connaissance, avant l’instance pénale, des éléments lui permettant d’établir, dans le délai normal de reprise, les impositions éludées ;
Considérant, d’une part, que, si la société Médias Jeunes a fait l’objet d’une vérification de comptabilité de ses exercices 1993, 1944 et 1995, il ne saurait être déduit des considérations purement générales formulées par les requérants sur le déroulement des contrôles fiscaux que le service aurait, lors de la vérification en cause, eu nécessairement connaissance de la cession litigieuse, alors notamment qu’il ne ressort pas de la notification de redressements établie le 22 juin 1996 à l’issue de cette vérification que le vérificateur aurait, lors de ses investigations, relevé l’existence d’une cession de titres en 1995 ; qu’en outre, s’il est constant que le service a, en marge de la vérification de la société, demandé à M. A de lui adresser copie de sa déclaration de revenus pour 1995, cette demande ne permet pas de conclure ni même de laisser supposer que l’administration fiscale disposait d’éléments lui permettant de présumer une insuffisance d’imposition résultant de l’absence de déclaration de la plus-value litigieuse ; qu’enfin, contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de l’instruction, et en particulier de la lettre du chef de brigade adressée le 4 juillet 1996 à M. A, que l’administration n’a pas demandé à M. de HAYNIN de produire la copie de ses relevés bancaires et ainsi n’a pas engagé un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ; que, dès lors, et au égard à l’objet et aux conditions de la vérification de comptabilité de la société Médias Jeunes, il ne ressort pas des circonstances ayant entouré ce contrôle que ce dernier aurait permis à l’administration de recueillir des indices suffisants de dissimulation ;
Considérant, d’autre part, que le rapport parlementaire précité, lequel mentionnait notamment que la prise de contrôle de Media Jeunes par l’UES Saint Michel a représenté pour M. de B une bonne affaire financière de 2,5 millions de francs. a été établi le 6 juillet 1999, soit après l’expiration du délai normal dont disposait l’administration pour rectifier le revenu imposable des requérants de l’année 1995 ; qu’ainsi, et compte tenu de sa date, il n’est, en tout état de cause, pas au nombre des éléments d’information susceptibles de faire obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 170 précitées ;
Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que les insuffisances déclaratives des contribuables n’ont été révélées que par l’instance pénale dans les conditions exposées ci-dessus ; qu’ainsi, et alors que le délai de reprise de droit commun était expiré, c’est à juste titre que le service pouvait se prévaloir du délai spécial de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, et alors qu’il n’est par ailleurs pas allégué que les impositions supplémentaires en litige auraient été établies postérieurement à ce délai, le moyen tiré de ce que lesdites impositions auraient été prescrites ne peut qu’être écarté ;
En ce qui concerne le montant de la plus-value :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 160 du code général des impôts, applicable à l’espèce : I. Lorsqu’un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède à un tiers, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l’excédent du prix de cession sur le prix d’acquisition (…) de ces droits est taxé exclusivement à l’impôt sur le revenu au taux de 16 % (…). ;
Considérant, d’autre part, que, dès lors que les contribuables ont refusé les redressements, lesquels ont été établis selon la procédure de redressement contradictoire, il appartient à l’administration d’en justifier le bien-fondé ;
Considérant que, pour imposer, sur le fondement des dispositions précités de l’article 160 du code général des impôts, la plus-value résultant de la cession à l’UES Saint-Michel de 35 % des parts détenu par M. A dans le capital de la société Média Jeunes, le service s’est fondé sur les propres déclarations de l’intéressé qui, lors de sa déposition devant le juge Riberolles a indiqué, de manière suffisamment précise, avoir cédé lesdites parts, d’une valeur nominale de 105 000 F – en conservant 1% du capital de la société – pour un montant de 2,5 MF environ et avoir remis le chèque correspondant au montant de cette cession sur un compte bancaire ouvert au Luxembourg ;
Considérant que M. et Mme A, qui ne contestent ni la valeur d’origine des titres ni le principe de la vente ni les conditions d’encaissement du prix de cession, ne sauraient, d’une part, sérieusement remettre en cause la réalité des déclarations précitées compte tenu des conditions dans lesquelles elles ont été recueillies et consignées ; qu’est sans incidence à cet égard, la circonstance que les propos tenus par M. A devant le juge d’instruction n’auraient pas été l’objet principal de son audition ou que le montant précité de 2,5 MF n’ait pas été constaté par le juge pénal, l’intéressé ayant d’ailleurs bénéficié d’une ordonnance de non-lieu ; que, d’autre part, si M. et Mme A soulignent le caractère approximatif de ce chiffre, les intéressés, à qui il était loisible de le faire, n’ont apporté, ni devant l’administration, ni devant le juge de l’impôt, aucun élément de nature à établir que les dires de M. A seraient inexacts et, en particulier, que le prix retiré de la vente des parts de la société Média Jeunes serait inférieur au montant spontanément déclaré par ce dernier lors de l’instance pénale ; que, dans ces circonstances et ainsi que l’ont estimé les premiers juges, qui, du reste, n’ont pas inversé la charge de la preuve, le service doit être regardé comme établissant, au vu des éléments apportés par le contribuable lui-même, l’existence et le montant de la plus-value à raison de laquelle ils ont fait l’objet du rappel litigieux ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions des requérants aux fins d’application des dispositions de l’article L. 761- du code de justice administrative ne peuvent qu’être écartées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
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N° 09VE01851 2