Cour Administrative d’Appel de Versailles, 1ère Chambre, 10/12/2013, 11VE03855, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Versailles, 1ère Chambre, 10/12/2013, 11VE03855, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la décision n° 324717 du 12 octobre 2011 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté pour M. et Mme A…E…, a, d’une part, annulé l’arrêt n° 06VE01879 du 13 novembre 2008 par lequel la Cour administrative d’appel de Versailles a rejeté leur requête tendant à l’annulation du jugement du 13 juin 2006 du Tribunal administratif de Versailles rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2000 et a, d’autre part, renvoyé l’affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 11VE03855 ;

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2006, présentée pour M. et Mme A…E…, demeurant…, par Me Vergnole, avocat ;

M. et Mme E… demandent à la Cour :

1° d’annuler le jugement n° 0504444 du 13 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2000 ;

2° de poser une question préjudicielle au juge judiciaire ;

3° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

4° de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme E… soutiennent que :

– le Tribunal administratif de Versailles a fondé son jugement sur l’article 759 du code général des impôts, alors que cet article concerne les droits d’enregistrement ; il a ainsi outrepassé sa compétence ;

– il y a lieu pour la cour de poser une question préjudicielle au juge judiciaire sur le caractère impératif ou non de cet article ;

– conformément à l’article 150-0 D du code général des impôts, le prix de revient des actions acquises à titre gratuit s’entend de la valeur retenue pour le calcul des droits de donation ; ainsi, la plus-value éventuelle devait être déterminée à partir de la  » valeur retenue  » pour le calcul des droits de donation, c’est-à-dire la valeur vénale estimée par les donateurs, soit 77 euros ;

– les actions ayant été cédées au même prix, aucune plus-value n’a été réalisée ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 novembre 2013 :

– le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

– les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

– et les observations de MeD…, substituant Me Vergnole, pour M. et Mme E… ;

1. Considérant que, le 4 juillet 2000, M. et Mme E… et leurs trois enfants mineurs ont acquis à titre gratuit, par donation-partage consentie par M. C… B…, le père de Mme E…, des titres de la société Distriborg ; que la valeur unitaire des titres qui a été déclarée pour le calcul des droits de mutation était de 77 euros ; que M. et Mme E… et leurs enfants ont cédé ces titres les 13 juillet et 30 septembre de la même année, pour le même prix unitaire, et n’ont en conséquence pas déclaré de plus-value imposable ; que l’administration a remis en cause le prix d’acquisition desdits titres, qu’elle a fixé à 44 euros, correspondant à leur valeur unitaire sur le second marché de la bourse de Paris à la date de la donation-partage, et a imposé entre les mains de M. et Mme E… la plus-value réalisée, calculée par différence entre le prix d’acquisition de 44 euros et le prix de cession de 77 euros ; que les requérants relèvent régulièrement appel du jugement du 13 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2000 à raison de ce redressement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 150-0 A du code général des impôts, applicable aux impositions en litige :  » I. – 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l’article 150 A bis, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l’article 118 et aux 6° et 7° de l’article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l’impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 francs par an (…)  » ; qu’aux termes de l’article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce :  » 1. Les gains nets mentionnés au I de l’article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d’acquisition par celui-ci ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (…)  » ; qu’aux termes de l’article 759 du même code, dans sa version applicable en l’espèce :  » Pour les valeurs mobilières (…) admises aux négociations sur un marché réglementé le capital servant de base à la liquidation et au paiement des droits de mutation à titre gratuit est déterminé par le cours moyen au jour de la transmission.  » ;

3. Considérant que dès lors que l’article 150-0 D du code général des impôts prévoit que, pour le calcul du montant de la plus-value taxable en cas de cession de titres, le prix d’acquisition des titres obtenus à titre gratuit doit être fixé à la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation, cette valeur doit en principe être prise en compte, qu’elle procède d’une déclaration du contribuable au titre des droits d’enregistrement ou, le cas échéant, d’une rectification de cette déclaration par l’administration fiscale ; qu’il ne peut en aller autrement que si l’administration établit que la valeur retenue pour les droits d’enregistrement est dépourvue de toute signification ;

4. Considérant que, pour apporter la preuve qui lui incombe que la valeur de 77 euros par action Distriborg figurant dans l’acte de donation du 4 juillet 2000 était dépourvue de toute signification, l’administration fait valoir qu’il existait un écart très significatif entre cette valeur et le cours de bourse constaté à cette même date, qui n’était que de 44 euros ; qu’il résulte toutefois de l’instruction qu’à la date de la donation, des négociations étaient en cours entre les porteurs d’actions de la société Distriborg et la SAS Wessanen France Holding ; que s’il est exact, ainsi que le relève l’administration, que ces négociations n’étaient pas totalement finalisées, l’intervention d’un protocole d’accord dès le 6 juillet, soit deux jours après la date de la donation, permet d’établir que ces négociations étaient déjà très avancées lors de la donation ; que les termes de ces négociations, notamment s’agissant du prix proposé par le Groupe Wessanen pour l’acquisition des actions de la société Distriborg, étaient connus du donateur, M. C… B…, qui avait été mandaté par les actionnaires minoritaires pour les représenter ; qu’ainsi, M. B… était en mesure d’appréhender les conséquences des projets du Groupe Wessanen sur la valeur des titres de la société Distriborg, et ce, dès le 4 juillet 2000 ; que si le versement du prix de 77 euros proposé par le Groupe Wassanen dans le cadre du protocole d’accord du 6 juillet 2000 était conditionné à l’acquisition d’au moins 51 % du capital de la société Distriborg, M. et Mme E… relèvent, sans que l’administration le conteste sérieusement, que compte-tenu du pourcentage de détention de M. et Mme C…B…et du nombre d’associés membres du groupe familialB…, il était peu vraisemblable que cette condition ne soit pas satisfaite ; que, par ailleurs, si ce prix de 77 euros incluait une prime de prise de contrôle, la réglementation boursière impliquait que ce prix soit proposé à l’ensemble des actionnaires de la société Distriborg, quel que soit le nombre de titres détenus par ces derniers ; qu’ainsi, la circonstance que les requérants, ainsi que les autres bénéficiaires des donations de M. B…, ne détenaient pas un bloc de contrôle ne faisait pas obstacle à ce que la valeur des titres qu’ils recevaient en donation soit également fixée à 77 euros ; qu’ainsi, dans ces conditions particulières, nonobstant l’écart important entre la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation et le cours de bourse au 4 juillet 2000, l’administration n’établit pas que la valeur de 77 euros était dépourvue de toute signification ; que le service n’était, dès lors, pas fondé à la remettre en cause pour la détermination de la plus-value de cession réalisée par M. et Mme E… ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir le juge judiciaire d’une question préjudicielle, que M. et Mme E…sont fondés à soutenir que c’est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E…et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0504444 du 13 juin 2006 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : M. et Mme E…sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2000, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme E…une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E…est rejeté.

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N° 11VE03855


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