Cour Administrative d’Appel de Versailles, 1ère Chambre, 08/03/2007, 04VE02059, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Versailles, 1ère Chambre, 08/03/2007, 04VE02059, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d’appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d’une cour administrative d’appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d’appel de Versailles la requête présentée pour la SARL BARAKOUDA, dont le siège social est situé 141 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), par Me Garitey ;

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d’appel de Paris, par laquelle la SARL BARAKOUDA demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0202164-0202187 en date du 6 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er février 1995 au 31 janvier 1999 et des pénalités y afférentes et à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des années 1996, 1997, 1998 et 1999 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) d’accorder la décharge demandée ;

Elle soutient que le service vérificateur n’a pas démontré que la comptabilité n’était pas probante ; que la reconstitution de son bénéfice n’a pas été effectuée à partir des conditions concrètes de fonctionnement de l’entreprise dès lors que pour rejeter la comptabilité de la société le vérificateur s’est appuyé sur un indice prédéterminé et étranger à la gestion propre de l’entreprise ; que le service a méconnu les difficultés d’accès au magasin en raison des travaux réalisés dans le quartier de Montbauron, la concurrence des hypermarchés et le recours à une pratique généralisée de promotion hors soldes à laquelle elle a été contrainte ; que sa situation financière difficile a conduit M. X à effectuer d’importants apports en compte courant ; qu’en visant à la fois l’article 109-1-2° et l’article 111 c du code général des impôts, l’administration n’a pas permis au contribuable de savoir sur quelle base était fondée l’application de la pénalité de l’article 1763 A à laquelle elle a été assujettie ; que d’après la doctrine administrative le service ne peut interroger une société dans les conditions de l’article 117 du code général des impôts que si l’administration prouve que les sommes correspondantes ont été appréhendées par les associés ; que l’administration n’a, à aucun stade de la procédure d’imposition, apporté la preuve de l’appréhension des sommes par les associés de la société ;

………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 février 2007 :

– le rapport de M. Martin, premier conseiller ;

– les observations de Me Garitey pour la SARL BARAKOUDA ;

– et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL BARAKOUDA demande la décharge de l’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997, 1998 et 1999 ainsi que des pénalités y afférentes et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er février 1995 au 31 janvier 1999 et des pénalités y afférentes ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie :

Considérant que la SARL BARAKOUDA ne s’est pas bornée, dans ses écritures d’appel, à reprendre les moyens développés en première instance, mais a critiqué les motifs retenus par le Tribunal administratif de Versailles ; qu’ainsi, la fin de non-recevoir tirée de ce que la SARL BARAKOUDA ne met pas le juge d’appel en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal aurait pu commettre en écartant ces moyens doit être écartée ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le caractère non probant de la comptabilité :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SARL BARAKOUDA, qui exploitait à Versailles un magasin de vêtements, comptabilisait globalement en fin de journée les recettes provenant de ses ventes au détail en se bornant à les porter sur un cahier auquel était joint un ticket de caisse mentionnant un chiffre quotidien global, ventilé en trois sommes correspondant aux paiements en espèces, par carte bancaire et par chèques ; que la nature, la référence et le prix des articles vendus n’y figuraient pas ; que l’absence de pièces justificatives ne permettait pas de contrôler l’exactitude des recettes comptabilisées et rendait impossible le rapprochement entre comptes d’achats et comptes de ventes ; que, dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la comptabilité présentée était dépourvue de valeur probante ; que, par suite, la SARL BARAKOUDA, qui ne peut utilement invoquer sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales l’instruction administrative 4-G-3342 concernant la procédure d’imposition, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de ses impositions qui ont été établies conformément à l’avis de la commission départementale des impôts en date du 12 septembre 2000 ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

Considérant que pour reconstituer le chiffre d’affaires de la SARL BARAKOUDA, le vérificateur a retenu un coefficient moyen pondéré de 2,14, à partir d’un relevé de prix de 74 articles effectué de manière contradictoire avec la gérante du magasin le 13 septembre 1999 ; qu’il a fixé ce coefficient compte tenu de la variation des coefficients relevés, de l’éventail des produits vendus et du dépouillement des factures d’achats de ces mêmes produits sur l’exercice comptable 1998/1999 et la période du 1er février 1999 au 31 août 1999 ; que le chiffre d’affaires a été reconstitué en faisant la moyenne algébrique des résultats obtenus à partir de deux méthodes de reconstitution distinctes qui ont tenu compte de la période des soldes pour laquelle un rabais de 40 % a été pris en compte et d’un abattement de 15 % sur le montant des ventes hors soldes pour tenir compte des conditions réelles d’exploitation ;

Considérant, en premier lieu, que si la société requérante fait grief à l’administration d’avoir retenu, pour reconstituer son chiffre d’affaires taxable, un coefficient de marge des magasins de vêtements sur un indice prédéterminé et étranger à la gestion propre de la SARL BARAKOUDA, il résulte de l’instruction que la reconstitution du chiffre d’affaires pour les années en cause n’est pas fondée sur des éléments extérieurs à l’exploitation de la société requérante dès lors que le coefficient moyen pondéré retenu par le vérificateur résulte d’un relevé de prix opéré par le vérificateur sur un éventail suffisamment représentatif de 74 articles de confection, en présence et selon les indications de la gérante et que le coefficient de marge des magasins de vêtements qui figure dans la notification de redressements n’a servi qu’à corroborer les observations du vérificateur sur la comptabilité de la société requérante sans les influencer ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante, pour critiquer la reconstitution du chiffre d’affaires à laquelle a procédé le vérificateur à partir des constatations faites dans l’entreprise, soutient qu’il n’a pas été tenu compte des difficultés liées à l’environnement commercial du magasin du fait des travaux réalisés dans le quartier de la rue de Montbauron, de la concurrence des hypermarchés, de la pratique généralisée de promotion hors soldes à laquelle elle a dû recourir pour fidéliser sa clientèle et de sa situation financière difficile qui a contraint un associé à procéder à des apports en compte courant, il résulte de l’instruction que pour reconstituer le chiffre d’affaires de la SARL BARAKOUDA, l’administration a suffisamment tenu compte des conditions réelles de l’exploitation, en retenant, d’une part, un pourcentage de soldes de 40 % pour une période de 14 semaines sur 50, d’autre part, un abattement général de 15 % sur l’ensemble des ventes hors période de soldes ;

Considérant, en troisième lieu, que la SARL BARAKOUDA ne critique pas valablement la méthode de reconstitution utilisée par le vérificateur en soutenant que celle-ci n’aurait pas tenu compte suffisamment des conditions d’exploitation de son fonds de commerce ; qu’elle ne justifie pas davantage qu’un même coefficient de marge ne pouvait être appliqué à chacune des années en litige ; que si elle conteste le fait que les coefficients à partir desquels a été calculé son chiffre d’affaires des années 1996, 1997 et 1998 a été déterminé à partir du coefficient moyen pondéré calculé sur les sept mois d’activité de l’exercice 1999, elle ne démontre pas que les conditions d’exploitation de ce commerce, qui ont été décrites ci-dessus, eussent varié de telle sorte qu’il eût été impossible, en l’absence de changement des conditions d’exploitation au cours de ces années, d’étendre aux exercices des années 1996, 1997 et 1998 le coefficient moyen pondéré appliqué sur les achats revendus ; que cette circonstance n’est dès lors pas de nature à faire regarder la méthode suivie par le vérificateur comme radicalement viciée ou sommaire ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la SARL BARAKOUDA soutient que le vérificateur n’a pas suffisamment tenu compte de l’importance des soldes pratiquées, que le taux des remises hors des périodes de soldes était de 40 % et que ses ventes étaient plus importantes durant la période de remises exceptionnelles, elle ne justifie pas qu’elle pratiquait lors des soldes un taux de remise supérieur à celui de 40 % pourtant déjà très favorable retenu par le vérificateur ni que la concurrence des hypermarchés l’ait contrainte à adopter une politique commerciale de promotion hors solde justifiant un taux de remise supérieur à celui de 15 % retenu par le vérificateur ; qu’elle ne saurait se prévaloir du taux de rabais indiqué sur le relevé de prix effectué le 13 septembre 1999, au cours d’une période précédant la fermeture définitive du magasin dans le but de faciliter l’écoulement des stocks, même si ce relevé a permis d’établir le calcul du coefficient moyen pondéré calculé par le vérificateur et appliqué sur les achats revendus ;

Considérant, enfin, que la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires proposée par la SARL BARAKOUDA, qui applique aux deux méthodes retenues par l’administration, un taux de réduction hors solde de 25%, mais qui n’est assortie d’aucune justification, n’est pas susceptible d’apporter une meilleure approximation des résultats de son activité ; que, par suite, la SARL BARAKOUDA n’apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;

Sur l’application de la pénalité prévue à l’article 1763 du code général des impôts sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 109-1 du code de justice administrative : « sont considérés comme revenus distribués : … 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » et qu’aux termes de l’article 111 : « sont notamment considérés comme revenus distribués :… c) les rémunérations et avantages occultes » ; et qu’aux termes de l’article 117 dudit code : « Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visée à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1763 A . » ; et qu’aux termes de l’article 1763 A du dit code : « Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l’identité sont soumises à une pénalité égale à 100 p. 100 des sommes versées ou distribuées. Lorsque l’entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de la pénalité est ramené à 75 p. 100. » ; qu’à la différence du 1° de l’article 109 qui présume le caractère de revenus distribués des bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital, le 2° précité laisse à l’administration la charge de prouver que les sommes réintégrées dans les résultats de la société et venant en atténuation des déficits enregistrés durant les exercices dont s’agit auraient été effectivement appréhendées par les associés ;

Considérant que pour établir qu’elle était en droit d’interroger la SARL BARAKOUDA dans les conditions prévues à l’article 117 du code général des impôts, l’administration se borne à soutenir que le capital de cette SARL était réparti entre Mme X, qui détenait 49 % des parts, et ses deux fils, Raoul et Fabrice, qui détenaient respectivement 33 % et 18 % des pertes, que Mme X assurait la gérance de cette société dans laquelle son fils Raoul était salarié, et que, dans ces conditions, les sommes en cause devaient être regardées comme ayant été appréhendées par les associés qui se comportaient en maîtres de l’affaire ; que, toutefois, l’administration qui ne fait aucune référence à une utilisation des fonds sociaux par les associés permettant de déceler qu’il existait une confusion de patrimoines entre la société et les intéressés, ne saurait être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les revenus considérés comme distribués ont été appréhendés par Mme X et ses fils ; que, par suite, la SARL BARAKOUDA est fondée à soutenir que les pénalités ne sont pas justifiées et que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a, dans cette mesure, rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité prévue à l’article 1763 A du code général des impôts ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL BARAKOUDA est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en tant qu’elle concerne la demande de décharge de la pénalité litigieuse ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions non chiffrées de la société requérante tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SARL BARAKOUDA est déchargée du paiement de la pénalité mise à sa charge en application de l’article 1763 A du code général des impôts au titre des années 1996, 1997, 1998 et 1999.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 6 avril 2004 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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