Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la décision en date du 19 janvier 1989 par laquelle le président de la 10ème sous-section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société ETOILE-NEUILLY dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Paris n° 24975/1982-7 du 13 décembre 1983 ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour la société ETOILE-NEUILLY dont le siège social est … de Serbie 75008 Paris représentée par ses dirigeants légaux en exercice, par maître Y… avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat respectivement le 20 mars et le 18 juillet 1984 ; la société ETOILE-NEUILLY demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 13 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 3.494.394.666 F ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 3.494.394.666 F majorée des intérêts capitalisés ;
… … … … … … … … … … … … … … … … … ….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision ;
Vu les statuts de la société nationale de télévision en couleur Antenne 2 approuvés par décret du 30 décembre 1974 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu, au cours de l’audience du 22 mai 1990 :
le rapport de M. X…, président-rapporteur,
– les observations de Me Christian HUGLO, avocat à la cour, pour la société ETOILE-NEUILLY,
– et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité de l’Etat à raison de l’exercice de ses pouvoirs de tutelle :
Considérant que les décisions prises par le conseil d’administration de la société nationale de télévision « Antenne 2 » ne peuvent engager par elles-mêmes que la seule responsabilité de la société, nonobstant la circonstance que par l’effet des dispositions combinées de l’article 7 des statuts de la société fixant la composition dudit conseil et de l’article 14 relatif à l’organisation de ses délibérations, les représentants de l’Etat auraient eu une part déterminante dans l’élaboration de celles-ci ; que la responsabilité de l’Etat ne saurait être engagée qu’en raison d’une faute lourde commise dans l’usage de ses pouvoirs de tutelle ;
Considérant qu’aux termes de l’article 4 desdits statuts : « Le siège social est fixé à Paris 7°, …Université. Il pourra être transféré par délibération du conseil d’administration ; cette délibération sera soumise à l’approbation du Premier ministre ou du ministre délégué par lui, si le nouveau siège est situé en dehors de la ville de Paris. » ; que si, par une délibération de 1981, le conseil d’administration a décidé de transférer son siège social …, revenant ainsi sur sa décision antérieure approuvée le 23 décembre 1975 par le Premier ministre d’implanter ses services dans les immeubles à construire par la société ETOILE-NEUILLY rue Montessuy à Neuilly, ladite délibération qui avait pour objet de fixer à la société un nouveau siège social à l’intérieur de Paris n’était pas, aux termes de l’article 4 des statuts, soumise à approbation ; que, par suite, l’Etat ne saurait être regardé comme responsable de l’abandon du projet initial ;
Considérant que les autres décisions du conseil d’administration de la société nationale de télévision « Antenne 2 » ou de son président, invoquées par la société ETOILE-NEUILLY, ne peuvent être regardées comme relatives au respect du monopole, à l’observation par la société de son cahier des charges, aux obligations du service public, ni comme étant au nombre de celles qui relèvent des compétences de l’assemblée générale des actionnaires ; que, par suite, elles ne sont pas de celles sur lesquelles peut s’exercer le pouvoir de tutelle reconnu au Premier ministre par les dispositions de l’article 14 de la loi 74-696 du 7 août 1974, d’une part, de l’article 19 des statuts de la société, d’autre part ;
Sur la responsabilité de l’Etat à raison des décisions prises en dehors de l’exercice de ses pouvoirs de tutelle sur « Antenne 2 » :
Considérant que la société « ETOILE-NEUILLY » ne peut utilement soutenir que les agréments délivrés à « Antenne 2 » constitueraient des engagements de l’Etat vis à vis d’elle ;
Considérant que l’argumentation de la requérante selon laquelle les décisions du 14 septembre 1977 du ministre de l’équipement refusant l’agrément requis pour l’installation dans la région parisienne de locaux destinés à des services relevant de l’Etat ou soumis à son contrôle et du 13 octobre 1977 du préfet des Hauts-de-Seine refusant le permis de construire, constitueraient une rupture des engagements antérieurs de l’Etat qui s’attacheraient aux décisions positives qui lui avaient été délivrées antérieurement à 1976, ne peut, eu égard à sa formulation, qu’être regardée comme l’invocation d’un détournement de pouvoir entachant lesdits refus ; qu’ainsi que l’a relevé le Conseil d’Etat dans son arrêt rendu le 7 janvier 1987 rejetant le recours pour excès de pouvoir de la société « ETOILE-NEUILLY » tendant à l’annulation des décisions précitées des 14 septembre et 13 octobre 1977, ces dernières ne sont pas entachées de détournement de pouvoir ; que, par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les conditions dans lesquelles ces dernières ont été prises seraient de nature à engager la responsabilité de l’Etat à son égard ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société ETOILE-NEUILLY n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 3.494.394.666 F ;
Article 1er : La requête sus-visée de la société ETOILE-NEUILLY est rejetée.