Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU l’ordonnance en date du 27 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Roger Y… ;
VU la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 septembre 1988 et 19 janvier 1989 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Roger Y… demeurant à Vinzel-Vaud (Suisse), par la société civile d’avocats WAQUET-FARGE ; M. Y… demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 16 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 dans les rôles de la ville de Paris et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 14 novembre 1991 :
– le rapport de Mme MOUREIX, conseiller,
– et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’en vertu des articles 46 B et 46 C de l’annexe III au code général des impôts, pris sur le fondement de l’article 172 bis dudit code, les sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés, lorsqu’elles donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés, sont tenues de remettre chaque année au service des impôts une déclaration indiquant notamment la part des revenus des immeubles de la société correspondant aux droits de chacun des associés ; qu’aux termes de l’article 46 D, pris sur le même fondement légal, ces sociétés « Sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l’exactitude des renseignements portés sur les déclarations prévues auxdits articles 46 B et 46 C » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le service est en droit de procéder sur place à un contrôle des documents comptables et autres, mentionnés aux articles 46 B et 46 C et d’assigner, à l’issue de ce contrôle, à la société concernée des redressements relatifs à ses revenus fonciers ; qu’ainsi, M. Y…, qui a été imposé à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus fonciers, au titre des années 1979 et 1980, à concurrence de ses droits dans la société civile foncière du domaine de Maucreux, à la suite d’une vérification de comptabilité de ladite société, n’est pas fondé à soutenir que l’administration ne pouvait légalement procéder à une telle vérification ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article 1649 quinquies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « Les actes dissimulant la portée véritable d’un contrat ou d’une convention sous l’apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, ou déguisant soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus, ou permettant d’éviter soit en totalité, soit en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires afférentes aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention ne sont pas opposables à l’administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l’impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse, elle s’est abstenue de prendre l’avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l’article 1653 C ou lorsqu’elle a établi une taxation non conforme à l’avis de ce comité. » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société civile foncière du domaine de Maucreux, créée le 23 mars 1976 entre M. Y… et la société à responsabilité limitée X… et Compagnie, a loué à Mme X…, puis au décès de celle-ci en mai 1980, à son fils, une partie du domaine de Maucreux, moyennant un loyer mensuel de 2.000 F, porté à 3.000 F à compter de janvier 1980 ; que les services fiscaux estimant qu’il s’agissait d’une location fictive ont rejeté la totalité des déficits fonciers déclarés par la société civile foncière ; que M. Y…, détenteur depuis décembre 1976 de 96 % des parts de ladite société, conteste les redressements d’impôt sur le revenu qui en ont résulté au titre des années 1979 et 1980 ;
Considérant qu’il est constant qu’il existait entre le principal actionnaire de la société civile foncière et les locataires des liens d’intérêts étroits et importants par le biais de participations croisées à plusieurs sociétés civiles immobilières ; qu’en outre, M. X…, qui avait cédé en septembre 1976 ses parts dans la société à responsabilité limitée X… et Compagnie, a continué d’avoir, dans les écritures de celles-ci, un compte courant qui enregistrait les avances faites à la société civile foncière ; que les loyers, alors même qu’ils auraient excédé la valeur cadastrale et que l’administration aurait renoncé à les remettre en cause lors d’un contrôle de la situation fiscale de M. X…, étaient anormalement faibles, compte tenu du prix d’acquisition du domaine et des investissements réalisés, de l’importance de la propriété, de sa consistance et de sa situation à 80 Km de Paris ; qu’en outre, ces loyers ont été, de janvier 1979 à avril 1980, réglés par chèques signés par la gérante de la société à responsabilité limitée X… et Compagnie et ont donné lieu, pour la période de mai à décembre 1980, à une compensation effectuée à la clôture de l’exercice entre les comptes courants que M. X… et la société civile foncière possèdaient dans les écritures de la société à responsabilité limitée ; qu’ainsi et compte tenu de ces éléments, l’administration, qui s’est abstenue de prendre l’avis du comité consultatif des abus de droit, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe en vertu des dispositions précitées de l’article 1649 quinquies B du code général des impôts, que la location d’une partie du domaine de Maucreux consentie par la société civile foncière aux consorts X… avait pour unique objectif de permettre à M. Y… de déduire de ses revenus fonciers les déficits résultant des travaux effectués ; qu’il s’ensuit que le requérant, qui ne saurait utilement ni se prévaloir de l’instruction du 27 janvier 1976, publiée au Bulletin officiel de la direction générale des impôts 5 D-1-76, dès lors que celle-ci n’a pas pour objet d’interdire à l’administration de réintégrer les déficits fonciers dans les cas autres que celui qu’elle commente, ni invoquer la circonstance selon laquelle seul le montant des travaux réalisés dans les parties louées aurait été déduit, n’est pas fondé à se plaindre que c’est à tort que les services fiscaux ont considéré la location en cause comme constituant un acte destiné à éluder l’impôt et ont procédé, par voie de conséquence, aux redressements contestés ;
Sur les pénalités :
Considérant que, compte tenu de la part que M. Y… a jouée dans la gestion de la société civile foncière du domaine de Maucreux, sa mauvaise foi doit être considérée comme établie par l’administration ; que, par suite, c’est à bon droit que lui ont été appliquées les pénalités prévues par l’article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Y… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé et n’est pas entaché d’omission à statuer, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 ;
Article 1er : La requête de M. Y… est rejetée.