Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU l’ordonnance en date du 28 février 1989 par laquelle le président de la 8e sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d’Etat par M. Jacques GLATRON ;
VU la requête présentée par M. Jacques GLATRON demeurant … ; elle a été enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat le 28 mai 1988 ; M. GLATRON demande au Conseil d’Etat :
1° d’annuler le jugement n° 56842-2 du 17 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 à 1981 dans les rôles de la ville de Paris ;
2° de prononcer la décharge réclamée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code de la Sécurité Sociale ;
VU le décret n° 66-248 du 31 mars 1966 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience du 13 février 1990 :
– le rapport de M. JEAN-ANTOINE, conseiller,
– et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 mars 1988 :
Considérant que contrairement à ce que soutient M. GLATRON, les premiers juges pouvaient sans contradiction de motif juger comme ils l’ont fait que, d’une part, le requérant soutenait que les avantages complémentaires de retraite en litige avaient pour objet de compléter sa retraite afin de la porter au niveau de la retraite des cadres et, d’autre part, que l’intéressé n’apportait pas d’éléments chiffrés de nature à justifier que les pensions ainsi perçues de la société Arjomari n’étaient pas d’un montant anormal au regard de celles des autres cadres de la société ;
Sur les impositions en litige :
Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ; qu’aux termes de l’article 110 du même code : « Pour l’application de l’article 109-1-1° les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés … » ; qu’aux termes de l’article 39 du même code rendu applicable à l’impôt sur les sociétés par les dispositions de l’article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction … de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : 1° … les dépenses de personnel et de main d’oeuvre … » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions du 1.1° de l’article 39 précitées que sont déductibles, pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés, toutes les dépenses de personnel et de main-d’oeuvre exposées dans l’intérêt de l’entreprise ; que, si les cotisations versées par les entreprises au titre des régimes de retraite résultant d’obligations légales ou contractuelles, ou même de ceux qui ont été institués par l’employeur lui-même, dès lors qu’ils s’appliquent statutairement à l’ensemble du personnel salarié ou à certaines catégories de celui-ci, doivent être regardées comme exposées dans l’intérêt de l’entreprise, en revanche, les pensions ou avantages particuliers que les entreprises s’engagent à allouer à un ancien salarié ne sont déductibles, pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés, que dans des cas exceptionnels et, notamment, lorsqu’ils ont pour objet d’accorder à l’intéressé, ou à ses ayants-droit, une aide correspondant à leurs besoins ;
Considérant que l’administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers les compléments de pension perçus de la société Arjomari par M. GLATRON au titre des années 1979 à 1981 et les a assimilés à des revenus réputés distribués alors que ces compléments avaient été déclarés par l’intéressé dans la catégorie des traitements et salaires (pensions) ; que le litige porte sur la question de savoir si les « pensions » que le requérant a ainsi perçues étaient imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ou dans celle des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant que si M. GLATRON soutient que la société Arjomari a décidé, après avoir absorbé la société en commandite par actions « Papeteries Prioux », de servir aux anciens dirigeants de cette société absorbée, dont M. GLATRON était gérant minoritaire, une retraite complémentaire afin de les faire bénéficier de prestations de retraites équivalentes à celles accordées aux cadres salariés de la société Arjomari, il résulte de l’instruction que l’avantage en question ne procédait pas d’une application directe du décret n° 66-248 du 31 mars 1966 relatif au régime de retraite complémentaire des cadres mais d’une décision du 30 juin 1966 prise par les organes dirigeants de deux sociétés ultérieurement absorbées par la société Arjomari accordant à un petit nombre d’anciens dirigeants des deux sociétés absorbées des avantages portant le montant de leurs pensions à celui qui aurait été le leur s’ils avaient été tributaires du régimes des cadres salariés ;
Considérant que les avantages particuliers dont a bénéficié M. GLATRON ne profitaient qu’à un petit nombre d’anciens dirigeants de deux sociétés absorbées par la société Arjomari ; que cette pratique ne comportait d’ailleurs aucune cotisation à la charge des bénéficiaires ou de l’employeur au cours de l’activité des intéressés et ne reposait ni sur un système de répartition ni sur un système de capitalisation ; que la société Arjomari ne saurait ainsi être regardée comme ayant en réalité, appliqué un régime de retraite complémentaire en faveur des intéressés au nombre desquels se trouvait M. GLATRON ; que ni le décret n° 66-248 du 31 mars 1966 ni le code de la sécurité sociale ne peuvent justifier au regard des dispositions précitées de la loi fiscale la déduction de pensions procédant d’une telle pratique interne à l’entreprise ; que l’administration justifie ainsi que ces versements n’ont pas été exposés par leur nature même dans l’intérêt de celle-ci ; que, par suite, c’est à bon droit que le service a soumis à l’impôt sur le revenu ces versements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dès lors qu’ils avaient la nature, au sens du 1° de l’article 109 du code général des impôts précité, de revenus distribués en faveur du bénéficiaire ;
Considérant que M. GLATRON, qui ne soutient pas que les pensions déduites avaient pour objet de lui accorder une aide correspondante à ses besoins, n’est dès lors pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires contestées ;
Article 1er : Le pourvoi de M. GLATRON est rejeté.