Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU, enregistrés le 6 novembre 1989 et le 18 février 1991 sous le n°89PA02836, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Olivier Y… demeurant … par Me Alain GUILLOUX, avocat à la cour et tendant à ce que la cour :
1°) annule le jugement n°8801616/1 du tribunal administratif de Paris en date du 6 juillet 1989 qui a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 et 1983 ;
2°) lui accorde le dégrèvement des impo-sitions supplémentaires mises à sa charge ;
3°) prononce la suppression de passages diffamatoires dans le mémoire de l’administration et condamne celle-ci au paiement de 100.000 F de dommages et intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 novembre 1991 :
– le rapport de M. BROTONS, conseiller,
– et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
En ce qui concerne les redressements sur traitements et salaires et sur la plus-value :
Considérant que le service a adressé à M. Y… le 6 avril 1984 un avis de vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble et une demande d’information ; que le tribunal administratif a jugé que le vérificateur avait ainsi formulé une demande tendant à recueillir des documents utiles à la vérification sans avoir laissé s’écouler un délai suffisant pour permettre au contribuable de s’assurer l’assistance d’un conseil ; que par suite le tribunal a accordé la décharge des revenus d’origine indéterminée taxés au titre de 1980 à la suite de cette procédure irrégulière ;
Considérant qu’en appel M. Y… soutient que l’irrégularité de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble doit également concerner les autres impositions mises à sa charge ;
Considérant cependant, que l’irrégularité d’une vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble est sans influence sur les constatations opérées par le service à la suite d’une vérification de comptabilité, que les droits supplémentaires mis à la charge de M. Y… tant en matière de traitements et salaires que de plus-values n’ont pas résulté de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble en cause, mais d’une part, de la vérification de comptabilité de l’entreprise Union des diamantaires, d’autre part, d’un examen du dossier fiscal de l’intéressé, qui comportait les documents nécessaires au service pour établir les bases d’imposition de la plus-value ; qu’en tout état de cause, le ministre invoque s’agissant de ce moyen, les dispositions de l’article 35 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 qui ont rétroactivement conféré une base légale aux errements critiqués ;
En ce qui concerne l’imposition des bénéfices non commerciaux :
Considérant en premier lieu, qu’il est constant que la situation d’évaluation d’office de ces bénéfices à raison du défaut de leur déclaration a été révélée au vérificateur par l’examen de déclarations de diverses sociétés du groupe des diamantaires ; que par suite, les moyens tirés de l’irrégularité d’une prétendue vérification de comptabilité et de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble sont à cet égard inopérants ;
Considérant en second lieu qu’il ressort en tout état de cause de l’examen de la notification de redressements concernant les bénéfices non commerciaux en date du 29 novembre 1985 que les bases d’imposition dans cette catégorie pour 1982 et 1983 ont été déterminées par rapport aux montants résultant des déclarations des sociétés précitées ;
Considérant par suite que les moyens tirés, tant de l’irrégularité, faute qu’elle ait été précédée de l’envoi d’un avis de vérification, de la prétendue vérification de comptabilité que de l’irrégularité de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble, sont l’un et l’autre inopérants ;
Considérant qu’est de même inopérant quant à l’application de la loi fiscale le moyen tiré de l’emport irrégulier de documents au cours de la prétendue vérification de comptabilité, que toutefois le requérant, sur le fondement de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983 se prévaut d’une réponse à M. X…, député, du 30 décembre 1978, reprise dans une note de la direction générale des impôts du 6 mars 1979, selon laquelle l’emport irrégulier de documents comptables vicie les procédures d’office, dès lors qu’il y a eu vérification effective ; que toutefois M. Y… n’est pas fondé à invoquer les dispositions de cet article pour se prévaloir d’une réponse ministérielle à un parlementaire reprise par une note administrative non publiée dans les conditions qu’il prévoit ; que d’ailleurs, en ce qui concerne à tout le moins 1982, le requérant ne fournit et il ne ressort du dossier aucun élément de nature à faire présumer que les pièces qui lui ont été demandées par le vérificateur le 6 août 1984 dans le cadre de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble aient revêtu en quelque mesure le caractère de pièces justificatives de sa comptabilité professionnelle ; que pas suite leur emport en cours de cette vérification n’a en toute hypothèse pas été de nature à caractériser une vérification de comptabilité effective et à permettre au requérant de se prévaloir utilement de la réponse ministérielle et de la note administrative qu’il invoque ;
Sur le bien fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne les traitements et salaires :
Considérant que le requérant soutient que l’administration aurait imposé les frais de déménagement qu’il a exposés et que son employeur a pris à sa charge ;
Considérant cependant que le service n’a taxé que les frais relatifs aux travaux effectués dans l’appartement de M. Y… et qui se sont limités à 22.912 F en estimant que la perception de ces sommes étaient en définitive liée au contrat de travail de l’intéressé, qu’en revanche les frais de déménagements d’un montant de 21.873,60 F n’ont pas été imposés ;
Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, M. Y… demande l’imputation sur ses salaires imposés au titre de 1982, de sommes correspondant aux frais de notaire, au paiement de droits d’enregistrement et de bons du trésor pour un montant total de 25.212,65 F ;
Considérant cependant que ces sommes initialement taxées en tant que revenu d’origine indéterminée ont été, pour partie, dégrevées en première instance ; que s’agissant du droit au bail, le motif de la déduction demandée n’est pas précisé ;
Considérant que M. Y… soutient que l’admi-nistration a imposé à tort les sommes de 14.966,77 F et 2.476 F perçues en 1982 et 1983 du groupement d’intérêt économique UDD et qui correspondaient à des frais exposés par lui dans le cadre de ses fonctions audit groupement d’intérêt économique ;
Considérant qu’aux termes de l’article 81 du code général des impôts : « Sont affranchies de l’impôt : 1° les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet » ; qu’en vertu de ces dispositions le contribuable n’est admis à déduire de ses revenus les allocations spéciales qu’il reçoit pour faire face à ses frais professionnels qu’à condition d’établir que ces allocations ont été utilisées conformément à leur objet ;
Considérant qu’en l’espèce le requérant ne conteste pas ne pas pouvoir apporter cette preuve ; qu’il n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que c’est par une inexacte application des dispositions de l’article 81 précité du code, que l’administration a réintégré les sommes susmentionnées dans ces bases d’imposition à l’impôt sur le revenu au titre respectivement de chacune de ces deux années ;
Considérant que M. Y… soutient qu’il n’a pas perçu une somme de 13.064 F que la société fiduciaire du Rhône a déclaré lui avoir versée pour la période du 1er janvier au 15 février 1982 ;
Considérant toutefois que l’intéressé qui ne conteste ni avoir été salarié de la société pour la période en cause ni avoir été actionnaire prépondérant de cette entreprise et qui d’ailleurs a refusé de produire l’un de ses comptes, n’est pas fondé à soutenir que l’administration n’apporte pas la preuve du versement, alors même qu’il n’a pas demandé communication du document sur lequel s’est fondé le service pour effectuer le redressement contesté ;
Considérant que le requérant admet avoir bénéficié pour 3 mois et demi en 1982 et 4 mois en 1983, à titre d’avantage en nature, d’un véhicule BMW mis à sa disposition par son employeur ; que cependant il conteste le montant du loyer mensuel retenu par le tribunal en produisant une facture du loueur faisant état d’un tarif mensuel de location de 7.947,79 F ; que dès lors il convient de faire droit à ce moyen et, sur la base d’une utilisation privative pour un tiers d’évaluer l’avantage imposable à 9.272 F en 1982 et à 10.597 F en 1983 ; que cependant le ministre oppose la compensation à raison d’insuffisances de déclaration de rémunérations en argent résultant de l’examen des bulletins de salaires de M. Y… et non contestées par celui-ci ; qu’il y a lieu de faire droit à cette demande à hauteur de l’excès des bases redressées au titre de l’avantage en nature soit 17.118 F pour 1982 et 4.787 F pour 1983 ;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :
Considérant qu’il appartient au contribuable régulièrement taxé d’office et qui entend contester par la voie contentieuse les impositions mises à sa charge, d’apporter la preuve de l’exagération de la base d’imposition établie par l’administration ;
Considérant que, pour apporter la preuve qui lui incombe, le requérant invoque une comptabilité qui n’a jamais été produite, alors que les versements ayant servi à déterminer ses recettes ont été établis à partir des déclarations souscrites en application de l’article 240 du code général des impôts par les sociétés du groupe qui l’employait ; que les chèques produits concernent des revenus d’origine indéterminée déjà dégrevés ; que par ailleurs le contribuable n’établit pas la matérialité des charges dont il demande la prise en compte ; qu’il ne saurait à cet égard faire valoir que la méthode suivie est viciée faute qu’ait été appliqué un pourcentage quelconque de charges dès lors que l’administration a tout au long de la procédure exposé sans aucun élément précis de réfutation que les services rendus étaient en réalité largement fictifs et n’impliquaient donc pas, que les recettes soient grevées de charges à caractère professionnel ;
Sur les pénalités :
Considérant qu’il est constant que M. Y… s’est abstenu dans ses déclarations de revenu global pour 1982 et 1983 de faire apparaître ses revenus taxables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu’il ne saurait se prévaloir de ce que ceux-ci ont été évalués d’office pour prétendre que les pénalités pour mauvaise foi ne sauraient dans une telle hypothèse être infligées, alors surtout que l’article 1733-1 du code général des impôts ne prévoit de sanctions pour défaut de déclarations qu’en cas de « taxation d’office » ;
Considérant ensuite, que compte tenu notamment de l’activité professionnelle d’expert comptable de M. Y…, l’intéressé ne pouvait ignorer les insuffisances de déclarations litigieuses et l’administration établit dans ces circonstances la mauvaise foi du redevable ;
Considérant enfin, que compte tenu du II de l’article 42 de la loi de finances rectificative pour 1986, le requérant n’est en toute hypothèse pas fondé à se prévaloir sur le fondement de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983 de ce qu’en motivant les pénalités « dans le corps de la notification de redressement » le service des impôts aurait violé les dispositions de l’instruction du 6 février 1980 prise pour l’application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 selon lesquelles la motivation est adressée dans une lettre de redressements à l’expiration du délai de 30 jours dont dispose le contribuable pour faire connaître ses observations ou, en cas de procédure d’imposition d’office, courant de l’envoi de la notification de redressement ;
Considérant enfin, que M. Y… soutient que l’administration n’apporte pas la preuve qui lui incombe du bien fondé de l’application des majorations de mauvaise foi aux redressements des traitements et salaires et des plus-values ;
Considérant toutefois qu’eu égard au caractère systématique et à l’importance de ces dissimulations ce moyen n’est pas non fondé ;
En ce qui concerne l’application de la loi du 29 juillet 1881 :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, les termes utilisés par l’administration dans son mémoire enregistré le 22 septembre 1988 au greffe du tribunal administratif de Paris, ne revêtent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire, que par conséquent les conclusions de M. Y… tendant à leur suppression et à la condamnation de l’Etat à 100.000 F de dommages et intérêts doivent être rejetés ;
Sur l’imposition des remboursements de frais :
Considérant que le tribunal administratif a refusé la taxation du remboursement de frais de voyages aux Canaries pris en charge par le groupement d’intérêt économique pour 18.278 F au titre de 1982 ;
Considérant que, comme l’a reconnu, le directeur des services fiscaux en première instance et le reconnait le ministre, la taxation initialement effectuée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers n’est pas possible, faute que les groupements d’intérêt économique soient au nombre des personnes morales visées à l’article 108 du code général des impôts ;
Considérant que devant le tribunal administratif le directeur des services fiscaux demandait par voie de substitution de base légale la taxation dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et à titre subsidiaire dans celle des traitements et salaires ; que le tribunal a refusé l’une et l’autre ; que devant la cour le ministre demande à titre principal la taxation dans la catégorie des traitements et salaires, à titre subsidiaire dans celle des bénéfices non commerciaux ;
Considérant en premier lieu que la prise en charge par le groupement d’intérêt économique des frais de l’espèce ne peut à aucun titre se rattacher aux fonctions exercées par M. Y… dans ce groupement ; qu’elle est par suite insusceptible d’être taxée dans la catégorie des traitements et salaires ;
Considérant en second lieu que compte-tenu des dispositions susrappelées de l’article 108 du code général des impôts le revenu constitué par l’avantage en nature pris en compte n’est pas susceptible d’être imposé dans une autre catégorie que celle des bénéfices non commerciaux ; qu’au regard de la situation de M. Y… dans le cadre du groupement d’intérêt économique un tel revenu était susceptible de se renouveler ; que le ministre est par suite fondé en ses conclusions subsidiaires et qu’il y a lieu sur ce point de réformer le jugement entrepris ;
Article 1er : Les bases d’imposition de M. Y… à l’impôt sur le revenu au titre de 1982 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sont majorées de 18.278 F.
Article 2 : L’imposition de M. Y… à l’impôt sur le revenu au titre de 1982 et 1983 dans la catégorie des traitements et salaires est déterminée en réduisant de 17.118 F pour 1982 et 4.787 F pour 1983 la base d’imposition au titre de l’imposition de l’avantage en nature résultant de l’utilisation d’une BMW et en augmentant dans cette limite ladite base au titre des rémunérations en espèces.
Article 3 : M. Y… est rétabli aux rôles de l’impôt sur le revenu au titre de 1982 et 1983 à hauteur de la cotisation procédant de la majoration de ses bases imposables résultant des articles 1 et 2 ci-dessus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 juillet 1989 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. Y… et du ministre délégué au budget est rejeté.