Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 1er mars 1991 pour la région ILE-DE-FRANCE, représentée par le président du conseil régional, par Me DEGUELDRE, avocat à la cour ; la région ILE-DE-FRANCE demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 13 novembre 1990, par lequel le tribunal administratif de Paris l’a condamnée à verser à la compagnie la Préservatrice la somme de 550.000 F en réparation du préjudice causé au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … par divers désordres survenus dans cet immeuble et a rejeté son appel en garantie dirigé contre les sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… ;
2°) d’ordonner un complément d’expertise à l’effet de rechercher l’origine des désordres subis par l’immeuble du …, d’évaluer le montant exact du préjudice et de déterminer les responsabilités des sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… ;
3°) de condamner les sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… à garantir la région de toute condamnation prononcée contre elle ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 février 1992 :
– le rapport de Mme MATILLA-MAILLO, conseiller,
– les observations de Me GRAIGNIC, avocat à la cour, pour le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … et celles de Me PORCHER, avocat à la cour, pour la compagnie la Préservatrice foncière,
– et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que pour condamner, par le jugement attaqué, la région ILE-DE-FRANCE à réparer le préjudice subi par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … du fait de graves fissurations apparues tant sur les murs extérieurs que dans les appartements de l’immeuble en cause, le tribunal administratif de Paris a, après expertise, imputé ces désordres à un tassement de terrain consécutif à des fuites survenues sur une canalisation d’eau froide et un collecteur d’eaux usées desservant l’immeuble voisin situé … appartenant à la région ILE-DE-FRANCE ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur la demande de la région tendant à ce qu’un complément d’expertise soit confié à un ingénieur en structure et n’a pas non plus répondu, même implicitement, aux moyens sur lesquels s’appuyait cette demande et qui étaient tirés de ce que les désordres litigieux pourraient trouver leur origine, d’une part, directement dans le tassement du terrain, qui aurait été la cause et non la conséquence des fuites d’eau, d’autre part, dans des travaux entrepris sur l’immeuble sinistré lui-même en vue de la création d’un ascenseur ; qu’ainsi le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 novembre 1990 est entaché d’irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le Syndicat des copropriétaires du … devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment des rapports de l’expert que les fissurations qui ont endommagé à partir de la fin de l’année 1987 l’immeuble du … sont la conséquence directe de fuites provenant d’une canalisation d’eau froide et d’un collecteur d’eaux usées desservant l’immeuble voisin appartenant à la région ILE-DE-FRANCE ; que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sinistré, qui avait la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages publics, également propriété de la région, est dès lors fondé à demander réparation des dommages qu’il a ainsi subis à la région ILE-DE-FRANCE ;
Considérant qu’il ressort du second rapport d’expertise que les travaux effectués en 1986 et 1987 sur l’immeuble sinistré pour la création d’un ascenseur n’ont nécessité aucun travail de terrassement et sont ainsi restés sans incidence sur l’apparition des désordres ; qu’il n’y a donc pas lieu d’ordonner un complément d’expertise sur ce point ;
Mais considérant qu’il ressort également des conclusions de l’expert que l’action des eaux n’a pu avoir de conséquences aussi graves qu’en raison de la nature fragile et instable du terrain, qui doit ainsi être regardé comme ayant directement concouru à l’apparition des désordres ; que, dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’ordonner sur ce point un complément d’expertise, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en limitant la réparation qui sera mise à la charge de la région ILE-DE-FRANCE aux deux tiers du préjudice subi par le Syndicat des copropriétaires du … ;
Sur le préjudice :
Considérant que l’expert a procédé, dans son premier rapport déposé au tribunal administratif le 20 février 1989, à un chiffrage provisoire et, dans son second rapport déposé le 8 mars 1990, à un chiffrage définitif du coût des travaux nécessaires pour faire disparaître les désordres ; qu’ainsi, en premier lieu, il a estimé dans son premier rapport que des travaux de maçonnerie devraient être entrepris pour un montant de 165.008 F qu’il a porté, dans son second rapport, à 193.630,19 F, honoraires d’architecte compris, somme que la région ne conteste pas utilement en se bornant à observer qu’elle lui paraît sensiblement supérieure à la première ; qu’en s’appuyant, en second lieu, sur un devis d’entreprise de 221.168,27 F prévoyant la réfection totale des peintures intérieures des appartements, l’expert a évalué, dans son premier rapport, à 66.527,53 F seulement le coût des travaux de peinture nécessaires pour réparer les seules dégradations directement liées aux fuites d’eau et à l’affaissement du terrain ; que si, dans son second rapport, il a porté ce chiffre à 214.053,99 F, c’est en prenant en compte, sans s’en expliquer, des désordres qu’il avait initialement écartés ; que le syndicat requérant ne justifie pas davantage l’inclusion de ces désordres dans son préjudice réparable ; qu’il convient, dès lors, de limiter à 66.527,53 F majorés des honoraires d’architecte, soit à 71.849,73 F l’indemnisation due au titre des travaux de peinture intérieurs ; qu’en troisième lieu l’expert ne s’est pas expliqué non plus sur les travaux de menuiserie d’un montant de 79.177,36 F qu’il n’avait pas fait figurer dans sa première évaluation et que, dans son second rapport, il a inclus dans le préjudice à réparer sur la seule foi d’une estimation, non critiquée par lui, émanant de l’architecte de la copropriété ; que le syndicat requérant ne justifie pas davantage de ce chef de préjudice qu’il n’y a pas lieu, dès lors, d’indemniser ; qu’enfin le préjudice comprend une somme non contestée de 20.755 F représentant le montant des travaux nécessaires à la remise en état d’un trottoir ; qu’il s’ensuit que le montant total du préjudice à réparer s’élève à 286.234,92 F ; que, la région ILE-DE-FRANCE ne devant supporter, comme il a été dit ci-dessus, que les deux tiers de ce préjudice, l’indemnité mise à sa charge devra être fixée, sans qu’il soit besoin d’ordonner le complément d’expertise sollicité, à 190.824 F ; que cette somme sera versée à la compagnie la Préservatrice, assureur du Syndicat des copropriétaires du …, dans les droits duquel elle est subrogée ;
Sur les intérêts :
Considérant que la compagnie la Préservatrice a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 190.824 F à compter du 18 août 1989, date d’enregistrement de la demande présentée au tribunal administratif par le Syndicat des copropriétaires du … ;
Sur l’appel en garantie formé par la région ILE-DE-FRANCE à l’encontre des sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… :
Considérant qu’il n’est pas contesté que la réception définitive des travaux exécutés par les sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… pour la construction de la canalisation d’eau froide et du collecteur d’eaux usées, qui sont à l’origine des dommages causés à l’immeuble du …, a été prononcée sans réserves antérieurement à l’enregistrement au greffe du tribunal administratif de Paris du mémoire par lequel la région ILE-DE-FRANCE a demandé que ces entreprises la garantissent de la condamnation prononcée contre elle ; que cette réception définitive a eu pour effet de mettre fin aux rapports contractuels résultant du contrat conclu par le maître de l’ouvrage avec lesdites entreprises ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’ordonner le complément d’expertise demandé par la région ILE-DE-FRANCE, l’appel en garantie formé par elle, et qui tend à mettre en cause la responsabilité des sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… pour mauvaise exécution de leurs obligations contractuelles, ne saurait en tout état de cause être accueilli ;
Sur les frais d’expertise :
Considérant que les frais d’expertise exposés en première instance, qui s’élèvent à la somme non contestée de 33.284,97 F, devront être mis à la charge de la région ILE-DE-FRANCE ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et de condamner la région ILE-DE-FRANCE à payer la somme de 2.500 F au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … la somme de 2.500 F à la compagnie La Préservatrice ; qu’il n’y a pas lieu, en revanche, de faire droit à la demande présentée en première instance par la région ILE-DE-FRANCE et tendant à la condamnation des sociétés Claisse et Nessi Bigeault X… à l’indemniser sur le fondement des mêmes dispositions ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 novembre 1990 est annulé.
Article 2 : La région ILE-DE-FRANCE est condamnée à payer à la compagnie la Préservatrice la somme de 190.824 F avec les intérêts au taux légal à compter du 18 août 1989.
Article 3 : Les frais d’expertise exposés en première instance, qui s’élèvent à 33.284,97 F, sont mis à la charge de la région ILE-DE-FRANCE.
Article 4 : La région ILE-DE-FRANCE versera une somme de 2.500 F au Syndicat des copropriétaires du … à la compagnie la Préservatrice au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions du Syndicat des copropriétaires du … est rejeté, ainsi que le surplus des conclusions de la région ILE-DE-FRANCE.