Cour administrative d’appel de Paris, du 12 juin 1990, 89PA01744, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, du 12 juin 1990, 89PA01744, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’ordonnance en date du 11 janvier 1989 par laquelle le président de la 9e sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d’Etat par M. DI PONIO ;

Vu la requête présentée pour M. DI PONIO, demeurant …, par Me BEER, avocat à la cour ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 10 avril 1987 ; M. DI PONIO demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 56752/2 du 12 février 1987 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974 à 1976, et de la majoration exceptionnelle au titre de l’impôt sur le revenu 1975 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu au cours de l’audience du 29 mai 1990 :

– le rapport de Mme CAMGUILHEM, conseiller,

– les observations de Maître PAILHES, avocat à la cour, substituant Maître KEROGUES, avocat à la cour, pour M. X… DI PONIO,

– et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu qui ont été assignées à M. DI PONIO au titre des années 1974 à 1976 procèdent d’une part de l’imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de distributions occultes, effectuées par les sociétés « Y… Gilbert » et « Sodegil » dont il était le dirigeant et l’actionnaire majoritaire, après qu’il se fut reconnu bénéficiaire desdites distributions en application de l’article 117 du code général des impôts, d’autre part de l’assujettissement par voie de taxation d’office en application des articles 176 et 179 du même code, de revenus dont il n’a pu justifier l’origine ;

Sur les revenus de capitaux mobiliers :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a réintégré dans les bénéfices des sociétés « Y… Gilbert » et « Sodegil » imposables à l’impôt sur les sociétés au titre notamment des années 1974 et 1975 des sommes correspondant à des achats comptabilisés à tort, à une discordance entre le chiffre d’affaires déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée et celui mentionné sur la déclaration afférente à l’impôt sur les sociétés, à des charges non déductibles, à des minorations de recettes, à des frais généraux réglés en espèces ; que l’administration a assujetti M. DI PONIO à des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle respectivement au titre des deux années ci-dessus et au titre de l’année 1975, en regardant ces sommes comme des excédents de distribution imposables au nom du bénéficiaire à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant que la notification en date du 21 décembre 1979 par laquelle l’administration a fait connaître à M. DI PONIO son intention de procéder à des redressements en matière d’impôt sur le revenu notamment au titre des années 1974 et 1975 basés sur les revenus distribués par les sociétés « Y… Gilbert » et « Sodegil » a comporté une motivation suffisante au regard des prescriptions du 2 de l’article 1649 quinquies A du code général des impôts des bases d’imposition envisagées ; que si les bases d’imposition qui ont été en définitive retenues ont été, pour tenir compte des dégrèvements accordés aux sociétés « Y… Gilbert », inférieures aux bases qui avaient été notifiées, cette circonstance n’ obligeait pas l’administration à procéder à une nouvelle notification ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que, sous la signature de M. DI PONIO son président-directeur général, la société « Y… Gilbert » a désigné ledit président-directeur général comme bénéficiaire des excédents de distribution allégués ; que, dès lors, M. DI PONIO, qui ne justifie en rien des pressions qu’il allègue avoir subies, ni du caractère soit-disant « conditionnel » de la désignation dont il s’agit, doit être regardé comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués sous réserve de son droit d’apporter la preuve contraire devant le juge de l’impôt ; que cette situation, dès lors que l’intéressé, pour son assujettissement à l’impôt sur le revenu, a refusé d’accepter les redressements, ne dispense pas l’administration de justifier de l’existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bénéfices sociaux ;

Considérant en premier lieu que les moyens tirés de l’irrégularité des procédures d’établissement des suppléments d’impôt sur les sociétés assignés aux sociétés « Y… Gilbert » et « Sodegil » sont inopérants au regard des suppléments d’impôt sur le revenu assignés à M. DI PONIO ;

Considérant en second lieu que la comptabilité respective des sociétés « Y… Gilbert » et « Sodegil » présentait au cours des années en cause de graves irrégularités et notamment l’existence de caisses créditrices et l’utilisation de factures fictives ; qu’elle ne saurait dès lors justifier l’exactitude des résultats déclarés au cours de ces exercices ;

Considérant en troisième lieu qu’en ce qui concerne les achats fictifs au nom de la société « Y… Gilbert », il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Créteil statuant en matière correctionnelle en date du 21 décembre 1979 qu’en 1975 des factures fictives étaient délivrées à ladite société ; que ces constatations qui portent, contrairement à ce que soutient le requérant, sur la matérialité des faits et non sur leur appréciation et qui sont le support nécessaire du dispositif ont l’autorité absolue de la chose jugée ; que M. DI PONIO ne conteste pas l’existence de ces pratiques en 1974 ; que s’il se borne à soutenir qu’il n’a pas appréhendé les bénéfices dont s’agit, il n’en justifie pas notamment en présentant des attestations rédigées en termes généraux et dépourvues de caractère probant d’employés de la société « Y… Gilbert » faisant état de ce que le secteur « fruits et légumes frais » de la société était sous la responsabilité de M. Z…, son directeur général ; qu’en ce qui concerne les frais financiers considérés comme revenus distribués, l’administration établit que les découverts bancaires qui y donnaient lieu procédaient des modalités de mise en oeuvre de l’opération de « camouflage » des achats fictifs susrappelés et que le requérant se borne à alléguer sans en justifier qu’ils s’expliquaient par les seules modalités de gestion de la société « Y… Gilbert » entraînant d’importants retards de paiement de ses clients ; que le montant des frais généraux retenu par l’administration – d’ailleurs non contesté par le requérant – correspond à des charges engagées dans l’intérêt exclusif de M. DI PONIO ; que les dépenses payées par caisse n’ayant pas été justifiées, une part forfaitaire pour tenir compte des « frais de halle » a été réputée distribuée ; qu’enfin l’administration établit l’existence et le montant d’un compte de passif fictif, et la discordance du chiffre d’affaires déclaré en matière de la taxe sur la valeur ajoutée et d’impôt sur les sociétés ;

Sur les revenus d’origine indéterminée :

Considérant qu’aux termes de l’article 176 du code général des impôts alors applicable : « En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration vérifie les déclarations de revenu global prévues à l’article 170. – Elle peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut en outre lui demander des justifications : a) au sujet de sa situation et de ses charges de famille ; b) au sujet des charges retranchées du revenu net global par application de l’article 156. – Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui ont fait l’objet de sa déclaration … Les demandes d’éclaircissements et de justifications doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à 30 jours » ; qu’aux termes de l’article 179 du même code : « Est taxé d’office à l’impôt sur le revenu tout contribuable qui n’a pas souscrit, dans le délai légal, la déclaration de son revenu global prévue à l’article 170 – Il en est de même … lorsque le contribuable s’est abstenu de répondre aux demandes d’éclaircissements et de justifications de l’administration » ;

Considérant qu’il est constant que la demande de justifications adressée à M. DI PONIO le 18 avril 1978, sur le fondement du 4° de l’article 176 du code, a été faite alors que celui-ci n’avait pas été remis en possession de l’ensemble des documents qu’il avait communiqués à l’administration à l’occasion de la vérification approfondie de sa situation fiscale ; que, par suite, elle a été formulée dans des conditions qui ne permettaient pas au contribuable de faire valoir pleinement ses droits ; que ladite demande est, dès lors, entachée d’une irrégularité de nature à vicier l’ensemble de la procédure d’imposition ; que la circonstance que des correspondances auraient été ultérieurement échangées entre l’intéressé et le service n’est pas de nature à couvrir cette irrégularité ; que M. DI PONIO est ainsi fondé à demander la décharge des impositions établies par voie de taxation d’office au titre des années 1974, 1975 et 1976 ;

Article 1er : M. DI PONIO est déchargé des impositions établies par voie de taxation d’office au titre des années 1974, 1975, 1976.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 février 1987 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d’appel de M. DI PONIO est rejeté.


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