Cour administrative d’appel de Paris, du 12 décembre 1989, 89PA00218, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, du 12 décembre 1989, 89PA00218, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU l’ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 8e sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la re-quête présentée au Conseil d’Etat par M. Henri X… ;

VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Henri X… demeurant …, par Me Bruno Z…, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 22 mai 1987 et le 22 septembre 1987 ; M. X… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 61 624-2 du 12 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 dans les rôles de la commune de SAINT-MANDE (Val de Marne) ;

2°) de lui accorder la décharge réclamée ;

3°) à titre, subsidiaire, de lui accorder une réduction des droits dus à partir d’une expertise à ordonner ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience du 28 novembre 1989 ;

– le rapport de M. JEAN-ANTOINE, conseiller ;

– les observations orales de Me Z… avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, représentant M. X… ;

– et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de l’imposition :

Considérant qu’aux termes de l’article 160 du code général des impôts alors en vigueur : « Lorsqu’un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts cède à un tiers pendant la durée de la société tout ou partie de ses droits sociaux l’excédent du prix de cession sur le prix d’acquisition – ou la valeur au 1er janvier 1949 si elle est supérieure – de ces droits est taxé exclusivement à l’impôt sur le revenu au taux de 15 %. L’imposition de la plus-value ainsi réalisée est subordonnée à la seule condition que les droits détenus directement ou indirectement dans les bénéfices sociaux par le cédant ou son conjoint, leurs ascendants ou leurs descendants aient dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années… » ;

Considérant que l’administration a écarté la convention occulte du 27 octobre 1977 entre M. X… et la société anonyme Meublicis relative à la cession de 7999 actions de la société anonyme X… faute qu’elle ait été avisée de son existence par le cédant, alors que par ailleurs la justification de l’inscription sur les registres de la société du nouveau propriétaire des actions nominatives cédées pour l’application de l’article 265 de la loi du 24 juillet 1966 n’a en l’état jamais été apportée ; qu’elle a taxé la plus-value afférente à la cession en cause au titre de 1980 pour 3833 actions restées à la date du 2 février 1980 propriété de M. X… et cédées à cette date à la société anonyme Meublicis selon les termes d’une transaction également occulte de ce jour entre les mêmes parties que ci-dessus et, pour le solde des 7999 actions, par différence entre les actions selon elle détenues au 31 décembre 1978 et celles cédées en 1980 ;

Considérant que pour contester la taxation opérée dans les conditions et pour les motifs sus-rappelés, M. X… se borne à faire valoir en premier lieu que la cession devait être regardée comme intervenue en 1977 et que l’action de l’administration était prescrite à la date de la notification de redressement du 27 novembre 1983, en second lieu que l’administration n’apporte pas la preuve que le registre des transferts n’avait pas enregistré la totalité de la cession le 27 octobre 1977 et que la non présentation de ce registre était imputable aux nouveaux dirigeants de la société à compter de cette date et non à lui-même qui se serait trouvé en présence d’un cas de « force majeure », en troisième lieu que le service a pu prendre connaissance de l’accord de cession lors de la vérification de la société anonyme X… en 1978, et en quatrième lieu qu’il ne disposait plus après le 27 octobre 1977 de droits sur les bénéfices sociaux ;

Considérant, en premier lieu, qu’à supposer même que la convention occulte du 27 octobre 1977 comportât transfert de propriété et partant cession des titres nominatifs dès son intervention, le service était en droit de l’écarter dès lors, qu’en l’absence de justification de l’inscription des nouveaux propriétaires des titres cédés sur les registres de la société, le contribuable ne l’avait pas portée à sa connaissance au cours de ladite année ni postérieurement ;

Considérant, en second lieu, qu’il n’appartient pas au service pour qu’il puisse se prévaloir de la possibilité dont il a usé d’apporter la preuve que le registre des transferts n’avait pas enregistré la cession le 27 octobre 1977 mais que bien au contraire le contribuable qui n’a pas signalé au service la convention occulte intervenue n’est pas lui-même fondé à se prévaloir de ce qu’il aurait été privé postérieurement à la cession de l’accès aux documents sociaux pour s’exonérer des conséquences de sa carence en soutenant qu’il se serait trouvé placé ainsi dans un cas de « force majeure » ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X… n’établit pas, en tout état de cause, que le service aurait pu, comme il le prétend, prendre connaissance de la convention occulte dès 1978 au cours de la vérification de la S.A. X… ; que, par suite, la prescription n’était pas davantage acquise de ce chef au 27 novembre 1983 ;

Considérant en quatrième lieu que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 160 précité du code général des impôts est seulement subordonnée à la condition que les droits détenus dans les bénéfices sociaux aient dépassé 25 % « à un moment quelconque » des cinq dernières années, que M. X… n’est donc pas fondé à soutenir qu’il n’était pas imposable du fait que la convention du 27 octobre 1977 écartait sa « participation aux aléas sociaux à compter de ce jour » et ce alors même que pour la détermination des années d’imposition le service avait, comme il a été dit, écarté cette convention occulte ;

Considérant, enfin, que si cette dernière n’était pas opposable au service jusqu’à sa découverte en 1983 celui-ci était en l’espèce fondé, comme il l’a fait, d’une part à l’écarter, d’autre part à tenir compte de la transaction postérieure, du 2 février 1980, également demeurée occulte et également non portée à sa connaissance, pour en premier lieu imposer au titre de 1980 la cession des 3833 actions qui selon les termes mêmes de la transaction demeuraient à la date de sa signature « la propriété de Monsieur et Madame Henri X… », en second lieu imposer au titre de 1979 première année non couverte par la prescription à la date de la notification de redressement le solde des 7999 actions qui auraient été cédées par M. X… le 27 octobre 1977 dont il n’est ni établi ni même allégué qu’elles demeurassent sa propriété au 1er janvier 1980 et dont il n’est pas établi que le transfert de propriété iofut intervenu antérieurement à 1978 ;

Sur le calcul de la plus-value :

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 160 du code général des impôts que la plus-value est calculée en fonction de l’excédent du prix de cession sur le prix d’acquisition ou sur la valeur au 1er janvier 1949 des titres cédés si cette dernière est supérieure ;

Considérant que M. X… ne conteste ni le prix de cession ni le nombre d’actions pris en compte par le vérificateur pour déterminer la valeur moyenne pondérée d’acquisition ; qu’il se borne à demander pour la première fois de façon circonstanciée en appel que pour évaluer au 1er janvier 1949 la valeur réelle des titres cédés, il soit fait application de la méthode de la valeur mathématique ou que celle-ci soit corrigée par divers éléments tirés de la réalité de l’exploitation antérieurement au 1er janvier 1949 ou encore que les titres soient évalués par rapport à une valeur actualisée, supérieure à celle retenue ; que si le service fait valoir que la fiabilité de certaines au moins des méthodes envisagées serait hypothéquée par l’impossibilité où se trouverait le requérant de fournir le bilan de la SARL H. X… au 31 décembre 1948 et si certains calculs paraissent opérés par le requérant sans tenir compte des distributions d’actions gratuites faites postérieurement au 1er janvier 1949 dont il ne conteste pourtant pas la prise en compte par le vérificateur pour la détermination de la valeur moyenne pondérée d’acquisition, la cour ne trouve néanmoins pas au dossier d’éléments suffisants pour lui permettre de conclure en l’état que la valeur des droits cédés au 1er janvier 1949 n’était en quelque mesure supérieure à la valeur pondérée des valeurs d’apport et d’attribution d’actions gratuites retenue par le service ; qu’il y a lieu dans ces conditions comme le demande le requérant d’ordonner une expertise pour déterminer la valeur réelle au 1er janvier 1949 des titres cédés ;

ARTICLE 1er : Les conclusions principales du pourvoi de M. Henri X… sont rejetées.

ARTICLE 2 : Il sera avant de statuer sur les conclusions subsidiaires du pourvoi procédé à une expertise contradictoire d’une part en vue d’apprécier les éléments fournis par M. X… pour justifier la valeur qui aurait été selon lui au 1er janvier 1949 celle des titres cédés pris en compte dans le calcul de la plus-value de cession qui a fait l’objet des impositions litigieuses ; d’autre part d’évaluer ladite valeur à ladite date.

ARTICLE 3 : La cour désigne comme expert M. Raymond Y… ….

ARTICLE 4 : L’expert prêtera serment par écrit sur la formule reçue du greffe. Le rapport d’expertise sera déposé en trois exemplaires dans le délai de trois mois courant à compter de la prestation du serment.

ARTICLE 5 : Tous droits et moyens des parties sont réservés pour autant qu’il n’y est pas expressément statué par le présent arrêt.

ARTICLE 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X… et au ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, chargé du budget.


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