Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 22/01/2016, 14PA02933-14PA03184, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 22/01/2016, 14PA02933-14PA03184, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Derom a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2004, ensemble les pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1311750/2-2 du 5 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a, par son article 1er, déchargé la société Derom, à concurrence d’un montant total, en droits et pénalités, de 14 311 euros, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2004 ; par son article 2, a condamné l’Etat à verser la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, par son article 3, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 14PA02933, le

4 juillet 2014 et le 5 octobre 2015, la société Derom, représentée par le bureau Francis Lefèbvre, demande à la Cour :

1°) d’annuler l’article 3 du jugement n° 1311750/2-2 du 5 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes, soit la somme de 64 339 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le tribunal administratif n’a pas répondu aux observations qu’elle avait formulées  » relativement au fait que l’administration fiscale considérait que la société Airin aurait en réalité été liquidée « , ni aux moyens présentés  » quant au fait que l’intention du législateur s’agissant du régime mère-filles, aurait nécessairement un champ d’application plus large  » ;

– il existe une contradiction dans les arguments présentés par l’administration fiscale ; c’est sur le seul point de savoir si la distribution constituait un acte fictif déguisant la dissolution de la société Airin qu’aurait dû se concentrer le débat sur l’existence de l’abus de droit, l’administration invoquant une liquidation déguisée de la filiale ;

– à titre subsidiaire, qu’il n’y a pas d’abus de droit ; compte tenu du gain financier procuré par l’opération, le but n’est pas exclusivement fiscal ; il n’est aucunement démontré que la société Airin, société à prépondérance financière avant et après la distribution, était privée de la possibilité de réaliser à raison des actifs résiduels qui figuraient à son bilan des arbitrages et de nouveaux investissements ; l’intention du législateur n’est pas celle qui a été retenue ; il est contraire aux principes, protégés par la Constitution et par les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de définition des infractions et des sanctions et d’intelligibilité des réglementations, a fortiori répressives, de sanctionner un contribuable pour n’avoir pas su, il y a près de dix ans, que le Conseil d’État interpréterait de manière aussi stricte en 2013 les liens entre l’objectif principal poursuivi par le législateur en 1920, 1936 ou 1965, et les limites devant être apportées au régime d’exonération des produits de participation au début du XXIème siècle ; l’interprétation par la décision Garnier Choiseul du

15 juillet 2013 des dispositions des articles 145 et 216 du CGI méconnaît les directives

n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 et n°2011/96/UE du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents ;

– la pénalité de 80 % n’a donné lieu à aucune motivation autonome ; la rétroactivité de l’évolution jurisprudentielle va à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur et ne pouvait reposer que sur le fondement du principe général de répression de fraude à la loi et non sur celui de l’article L 64 du livre des procédures fiscales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

– les conclusions sont sans objet, et par suite irrecevables, en ce qu’elles visent les impositions d’un montant de 14 311 euros qui ont fait l’objet d’un dégrèvement le 30 mai 2013 ;

– sur la régularité du jugement, le juge du fond n’est pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par les parties à l’appui de leurs moyens et conclusions, ni aux moyens inopérants ;

– les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l’avis du 19 mars 2009 du Comité consultatif pour la répression des abus de droit, la requérante supporte la charge de la preuve et les moyens ne sont pas fondés.

II- Par un recours enregistré sous le n° 14PA03184, le 21 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d’annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 1311750/2-2 du 5 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

– l’administration fiscale avait accordé un dégrèvement à hauteur de la somme de

14 311 euros avant l’introduction de la demande devant le tribunal administratif dans le cadre de la décision d’admission partielle de la réclamation du 30 mai 2013 ;

– la société Derom étant partie perdante, elle ne pouvait bénéficier des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2015, la société Derom, représentée par le bureau Francis Lefebvre, conclut au rejet du recours et à ce que le versement d’une somme de

3 000 euros soit mis à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’administration n’a exécuté ni la décision du dégrèvement annoncé dans la décision d’acceptation partielle de la réclamation, ni le jugement du tribunal administratif et elle n’a toujours pas été destinataire de l’avis de dégrèvement ;

– n’étant pas partie perdante, la condamnation au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative était fondée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

– la réclamation préalable ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

– les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

– et les observations de MeA…, du bureau Francis Lefebvre, avocat de la société Derom.

1. Considérant que la requête n° 14PA02933 et le recours n° 14PA03184 sont dirigés contre un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que la société Derom, dont l’activité consiste en la gestion d’actifs financiers, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au

31 décembre 2006, à l’issue de laquelle le service a, d’une part, mis à sa charge, au titre de l’exercice clos en 2004, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités pour abus de droit, et, d’autre part, réduit le montant des déficits fiscaux constatés par la société au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel des articles 1er et 2 du jugement en date du 5 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d’une part, déchargé la société Derom, à concurrence d’un montant total, en droits et pénalités, de 14 311 euros, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2004, et d’autre part, condamné l’Etat à verser à la société Derom une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la société Derom relève appel de l’article 3 de ce même jugement qui a rejeté le surplus de ses demandes en décharge ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que la société Derom soutient que le tribunal administratif n’a pas répondu aux observations qu’elle avait formulées  » relativement au fait que l’administration fiscale considérait que la société Airin aurait en réalité été liquidée « , que le tribunal ne s’est prononcé que sur l’éventuel abus de l’application du régime des sociétés mères sans prendre en compte ses observations sur l’objet des redressements opérés par l’administration, qui seraient fondés exclusivement sur la dissolution de fait de la société Airin, et qui l’aurait ainsi replacée dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait perçu les produits de la liquidation de sa filiale, alors que pour apprécier l’existence d’un abus de droit, le tribunal aurait dû se prononcer sur le point de savoir si les distributions de dividendes constituaient des actes fictifs déguisant une dissolution de la société Airin ; qu’il résulte toutefois de la proposition de rectification, qui retient que l’ensemble des circonstances  » constitue un faisceau d’éléments précis et concordants permettant d’affirmer que l’opération est une fraude à la loi puisque réalisée dans un but exclusivement fiscal  » et que  » la société Derom a acquis une société n’ayant plus d’activité et n’a manifesté aucune volonté de la réactiver économiquement « , et encore également des écritures en défense de l’administration, que le redressement n’était pas fondé sur l’existence d’actes fictifs ; que, par suite, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à un moyen inopérant, ni de répondre à tous les arguments présentés, n’a pas entaché son jugement d’irrégularité de ce chef ;

4. Considérant que si la société Derom soutient également que le Tribunal administratif n’a pas tenu compte de ses observations relatives à l’intention du législateur s’agissant du régime mère-filles  » qui aurait un champ d’application plus large « , le moyen soulevé était relatif à l’application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales sur lequel les premiers juges se sont prononcés ; que si la société Derom entend ainsi soulever une erreur de droit, un tel moyen ne relève pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé ; qu’il en est de même de l’ensemble des erreurs de droit que les premiers juges auraient commises, soulevées par la société Derom ;

Sur les conclusions du ministre des finances et des comptes publics :

5. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de la décision d’admission partielle du

30 mai 2013, en réponse à la réclamation préalable adressée par la société Derom, que l’administration fiscale a accordé à la société Derom un dégrèvement des impositions supplémentaires infligées à hauteur de la somme de 14 311 euros ; qu’en outre, l’administration fiscale a produit, devant les premiers juges, la copie d’un document interne adressé au comptable du service des impôts des entreprises pour l’exécution comptable du dégrèvement, daté du

30 mai 2013, intitulé  » suite comptable du dégrèvement  » faisant suite au dégrèvement prononcé dans la décision d’admission partielle de la réclamation ; que la circonstance invoquée par la société Derom qu’elle n’a pas encore reçu d’avis de dégrèvement est sans incidence sur la portée du dégrèvement qui lui été accordé par la décision d’admission partielle ; que, par ailleurs, la circonstance alléguée qu’elle n’a pas encore bénéficié de la décision de dégrèvement accordé par le Tribunal, relève d’une difficulté d’exécution ; qu’ainsi la société Derom a bien bénéficié d’un dégrèvement avant même l’introduction de sa demande en décharge devant le Tribunal administratif de Paris le 31 juillet 2013 ; qu’il n’y avait donc plus lieu, pour le tribunal, de statuer sur cette demande à hauteur du dégrèvement accordé ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, en son article 1er, a déchargé la société Derom, à concurrence d’un montant total, en droits et pénalités, de 14 311 euros, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2004 ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 000 euros, le ministre des finances et des comptes publics est également fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris, en son article 2, a mis à la charge de l’Etat le montant de cette somme ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

En ce qui concerne l’abus de droit :

7. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses :  » 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu’il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions

ci-après: a. les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l’administration; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (…) ; c. les titres de participation doivent avoir été souscrits à l’émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l’engagement de les conserver pendant un délai de deux ans (…)  » ; qu’aux termes de l’article 216 du même code :

 » I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères et visées à l’article 145, touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges (…)  » ;

8. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable :  » Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses: (…) b) (…) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (…) L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (…) Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du

bien-fondé du redressement »; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration use de la faculté qu’elles lui confèrent, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes revêtent un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Derom a acquis, le

14 décembre 2004, la totalité des titres de la société Airin pour un montant de 232 722 euros ; que, les 29 décembre 2004 et 19 septembre 2005, la société Derom a perçu de la société Airin des dividendes pour des montants respectifs de 147 450 euros et 100 000 euros ; que la société Derom a, d’une part, constitué une provision pour dépréciation des titres susmentionnés au titre de chacun des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, à hauteur respectivement de 107 654 euros, 107 573,86 euros et 8 142,59 euros, et, d’autre part, en conséquence de son option pour le régime d’exonération des dividendes perçus par les sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, déduit de son résultat imposable des exercices clos en 2004 et 2005, des sommes correspondant aux montants des dividendes par elle reçus de la société Airin, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges de 5 % ; que l’ensemble de ces opérations a permis à la société requérante de constater un résultat fiscal nul en 2004 et des déficits fiscaux reportables s’élevant respectivement à

112 865 euros et 18 580 euros pour les exercices clos en 2005 et 2006 ; que, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le service a remis en cause, sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, le bénéfice du régime des sociétés mères appliqué aux opérations en cause ; que le comité consultatif pour la répression des abus de droit ayant émis, le 19 mars 2009, un avis favorable aux rectifications litigieuses, il incombe à la société Derom d’établir que les opérations dont s’agit ne sont pas constitutives d’un abus de droit ;

10. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l’article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l’exercice 1920, de l’article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l’article 45 de la loi n°52-401 du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des article 20 et 21 de la loi n°65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l’article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l’origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d’impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu’elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l’implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l’économie française ; que le fait d’acquérir des sociétés ayant cessé leur activité initiale et liquidé leurs actifs dans le but d’en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d’impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, sans prendre aucune mesure de nature à leur permettre de reprendre et développer leur ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle, va à l’encontre de cet objectif ;

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Airin, qui n’employait aucun salarié et dont les actifs étaient exclusivement constitués de liquidités, avait cessé toute activité au moment de son acquisition par la société Derom ; que la société Derom ne fournit aucune indication sur les mesures qu’elle aurait prises pour favoriser le développement de la société Airin, cette dernière n’ayant, après l’acquisition de son capital par la société Derom, réalisé aucun chiffres d’affaires et déclaré à son bilan ni immobilisations, ni créances clients ; qu’ainsi, les distributions successives des dividendes apparaissent comme ayant eu pour effet de priver la société Airin des moyens susceptibles de lui permettre de retrouver une activité ; que si les distributions de dividendes auxquelles la société Airin a procédé au profit de la société Derom ont procuré à cette dernière un gain de trésorerie correspondant à la différence entre le montant des dividendes perçus et le coût d’acquisition des titres, soit 14 728 euros, dont elle n’a en outre bénéficié qu’en 2005, lors de la seconde distribution, ce montant est minime ; qu’elles ont, par ailleurs, également eu pour effet de priver définitivement la société Airin de tout moyen susceptible de lui permettre de retrouver une activité, faisant de celle-ci une structure dépourvue de substance ; que si la société Derom remplissait les conditions légales pour bénéficier du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts alors applicables, si elle a pris l’engagement de conserver les titres pendant deux ans, il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que la société Derom n’a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement de la société qu’elle venait d’acquérir et ne s’est pas comportée à son égard comme une société mère ; qu’ainsi, elle ne justifie d’aucune implication dans le développement économique de sa société fille pour les besoins et la structuration et du renforcement de l’économie française ; que les opérations litigieuses ont, en revanche, grâce à la déduction immédiate d’une provision correspondant à la dépréciation des titres et à l’exonération d’impôt dont bénéficiaient, à l’exception d’une quote-part, les dividendes reçus de la société Airin en application du régime des sociétés mères, permis à la société Derom, ainsi qu’il a été dit précédemment au point 10, non seulement de réaliser un gain immédiat d’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2004, d’un montant de 100 150 euros, mais également d’augmenter son déficit fiscal reportable au titre des exercices clos en 2005 et 2006 des montants respectifs de 102 754 euros

et 8 142 euros, la faisant ainsi bénéficier d’un avantage fiscal hors de proportion avec le gain de trésorerie qu’elle a pu retirer de ces opérations ; que si la société Derom fait état d’un  » gain financier  » de 24 080 euros, égal à la différence entre les dividendes qu’elle a perçus de la société Airin et le montant de la provision qu’elle a constituée pour tenir compte de la perte de valeur consécutive à cette distribution, une telle différence comptable ne peut être de nature à justifier le montant litigieux, dès lors qu’en l’absence de tout autre effet de l’opération, elle ne peut résulter que d’un partage de l’avantage fiscal entre le cédant et le cessionnaire de la société Airin ; que les opérations ont donc bien été inspirées par un but exclusivement fiscal ; que, par suite, c’est à bon droit que le service, qui n’a pas fondé son redressement sur la passation d’actes ayant le caractère fictif, ainsi qu’il résulte du point 4, a considéré que les opérations litigieuses avaient été inspirées par un but exclusivement fiscal et avaient méconnu les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères, et qu’elles constituaient, en conséquence, un abus de droit ;

12. Considérant, par ailleurs, que si la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui a prévu certaines dispositions anti-abus liées au régime des sociétés mères, n’a pas expressément interdit les opérations litigieuses, lesquelles n’ont été expressément prohibées que par la loi du

16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l’administration poursuive les redressements litigieux, qui se rapportent à des faits antérieurs, sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

13. Considérant, encore, que cette interprétation du régime fiscal des sociétés mères qui résulte des articles 145 et 216 du code général des impôts n’est pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, incompatible avec les objectifs de la directive 90/435/CEE, devenue la directive 2011/96/UE, dont elles assurent la transposition en ce qui concerne les transferts de dividendes réalisés entre sociétés mères et filiales basées dans des Etats membres différents de l’Union européenne ; que cette directive, dont les objectifs visent à assurer, dans l’Union européenne,  » l’établissement et le bon fonctionnement du marché commun  » et à  » permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché commun, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international « , ne saurait en effet avoir entendu permettre le bénéfice des avantages qu’elle prévoit à des montages purement artificiels destinés à éluder l’impôt normalement dû ;

14. Considérant, enfin, que la société Derom, qui, en outre, était à même d’apprécier le caractère d’abus de droit des opérations réalisées au regard de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, ne peut pas utilement se prévaloir pour contester les impositions litigieuses, lesquelles ne présentent pas le caractère d’une infraction, ni d’une sanction, des principes, protégés par la Constitution et par les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de définition des infractions et des sanctions et d’intelligibilité des réglementations,  » a fortiori répressives  » ;

En ce qui concerne la majoration de 80 % :

15. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt (…) entraînent l’application d’une majoration de: (…) b. 80% en cas (…) d’abus de droit au sens de l’article L.64 du livre des procédures fiscales (…)  » ;

16. Considérant que contrairement à ce que soutient la société Derom, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification qui reprend les termes de l’article 1729 du code général des impôts précités lequel prévoit une majoration de 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article

L. 64 du livre des procédures fiscales, que la majoration appliquée comporte une motivation autonome ;

17. Considérant qu’il résulte du point 12 que l’application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ne présente aucun caractère rétroactif ;

18. Considérant qu’il résulte de ce qui a été précédemment dit que les opérations litigieuses étaient constitutives d’un abus de droit ; que, par suite, les conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80 % ayant assorti le supplément d’impôt sur les sociétés mis à la charge de la

société Derom au titre de l’exercice clos en 2004 ne peuvent qu’être rejetées ;

19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Derom n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’article 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La requête de la société Derom est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Derom et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l’audience du 8 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

– Mme Driencourt, président de chambre,

– Mme Mosser, président assesseur,

– M. Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 janvier 2016.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURTLe greffier,

A-L. PINTEAULa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 »

 »

 »

 »

3

Nos 14PA02933-14PA03184


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