Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2012, présentée pour M. et
Mme B… A…, demeurant…, par
Me Tachnoff-Tzarowsky ; M. et Mme A… demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0809201, 0809202, 0809246, 0809247, 0809248 et 0809249 du 10 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2004, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
………………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée pour M. et
MmeA…, par Me Tachnoff-Tzarowsky ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 décembre 2013 :
– le rapport de M. Couvert-Castéra, président assesseur,
– les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,
– et les observations de Me Tachnoff-Tzarowsky, avocat de M. et Mme A… ;
1. Considérant qu’à la suite, d’une part, de vérifications de la comptabilité des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin, dont M. A…était le gérant et détenait la totalité des parts avec son épouse et, d’autre part, d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et MmeA…, au titre des années 2002, 2003 et 2004, ceux-ci ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2004, au titre de revenus d’origine indéterminée, selon la procédure de taxation d’office, ou dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, selon la procédure de rectification contradictoire, ainsi qu’à des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des mêmes années ; qu’ils relèvent appel du jugement en date du 10 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure de visite et de saisie prévue à l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales :
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure de visite en litige : » I. Lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (…) L’ordonnance mentionnée au premier alinéa n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n’est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l’ordonnance (…) » ;
3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du IV de l’article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 : » 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l’inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l’ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l’objet d’un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d’appel dans les cas suivants : (…) d) Lorsque, à partir d’éléments obtenus par l’administration dans le cadre d’une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu’elles font ou sont encore susceptibles de faire l’objet, à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi, d’une réclamation ou d’un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée (…) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2 l’administration informe les personnes visées par l’ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l’existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l’ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie (…) » ;
4. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie que la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales peut être contestée non devant le juge de l’impôt mais devant le premier président de la cour d’appel ; qu’il appartient en revanche au juge du fond, qui ne saurait porter lui-même d’appréciation sur la régularité du déroulement des opérations de saisie, de rechercher si l’administration avait informé les personnes visées par les opérations de visite et de saisie des voies et délais de recours qui leur sont ouvertes par les dispositions citées plus haut de l’article 164 de la loi du 4 août 2008, le recours contre ces opérations pouvant s’exercer sans condition de délai en cas d’absence d’information de la part de l’administration ;
5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par une ordonnance du 5 octobre 2004, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé l’administration des impôts, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à visiter certains lieux qu’il a désignés et à saisir les pièces et documents s’y trouvant et de nature à démontrer l’existence d’agissements frauduleux de la part de M. A… ; que, par ordonnance du 12 octobre 2010, le Premier président de la Cour d’appel de Paris a rejeté les recours formés contre les opérations de visite domiciliaire et de saisies du 7 octobre 2004 autorisées par l’ordonnance susmentionnée en date du 5 octobre 2004 prise par le juge des libertés et de la détention ; que, par décision du 13 décembre 2011 la Cour de cassation a validé la procédure de visite et de saisie réalisée sur le fondement de l’ordonnance du
5 octobre 2004 ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. et Mme A…ne peuvent utilement contester devant le juge de l’impôt la régularité des opérations de visite et de saisies ainsi effectuées sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu’il s’ensuit, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que les requérants ont formé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à la suite de la décision rendue par la Cour de cassation le 13 décembre 2011, que doit être écarté comme inopérant le moyen tiré par les requérants de ce que l’administration aurait, lors des opérations de visite domiciliaire et de saisies du 7 octobre 2004, procédé à la saisie irrégulière de documents auprès de personnes qui n’étaient pas visées par l’ordonnance du 5 octobre 2004 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris ;
En ce qui concerne la communication aux contribuables de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels l’administration s’est fondée pour établir l’imposition :
6. Considérant que M. et Mme A…soutiennent que l’administration ne leur a pas communiqué, malgré leur demande, les noms des sociétés qu’elle a utilisées comme éléments de comparaison pour reconstituer les recettes et les bénéfices des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin, reconstitution dont procèdent les revenus distribués qui ont été imposés entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2001 à 2004 ;
7. Considérant que les moyens contestant la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard des sociétés susmentionnées, soumises au régime d’imposition des sociétés de capitaux, et qui a donné lieu à l’encontre de ces sociétés à des rehaussements d’impôt sur les sociétés, sont inopérants au regard de la procédure d’imposition à l’impôt sur le revenu suivie à l’égard de M. et MmeA… ;
8. Considérant, en tout état de cause, que s’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, cette obligation, qui s’applique à des renseignements provenant de tiers et relatifs à la situation particulière du contribuable, ne s’étend pas aux données utilisées par l’administration lorsqu’elle assoit des redressements en procédant à une comparaison entre, d’une part, la situation du contribuable et, d’autre part, celle d’une ou plusieurs autres personnes, celle du secteur d’activité dont le contribuable relève ou encore celle d’un secteur d’activité voisin ou analogue ;
9. Considérant, au surplus et en tout état de cause, qu’il résulte de l’instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’administration n’a pas assis les redressements des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin sur des éléments de comparaison avec d’autres entreprises mais sur des données propres à ces sociétés ;
Sur le bien-fondé des impositions :
10. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (…) / 2. Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. » ;
11. Considérant que l’administration, à la suite de vérifications de la comptabilité des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin a, d’une part, notifié à ces sociétés des compléments d’impôt sur les sociétés, et, d’autre part, notifié à M. et MmeA…, à l’issue d’un examen contradictoire de leur situation personnelle, des redressements à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ;
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin :
S’agissant de l’application de la loi fiscale :
Quant à la comptabilité de la société LTHT :
12. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société LTHT n’a pas pu présenter les tickets Z journaliers pour l’année 2001 et que ceux qui ont été présentés au titre des années 2002 à 2004 ne sont pas détaillés et ne permettent pas d’opérer une ventilation selon les modes de règlement des clients ; que les documents comptables présentés dans le cadre de la vérification de comptabilité font apparaître des résultats très largement minorés par rapport aux pièces comptables saisies dans le bureau de M.A…, gérant de la société ; que, dans ces conditions, l’administration était fondée à regarder la comptabilité de la société LTHT comme dépourvue de valeur probante ;
Quant à la comptabilité de la société Jas » Le Tropic » :
13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les tickets Z journaliers présentés par la société JAS dans le cadre du contrôle n’étaient pas numérotés ; que ces tickets n’ont pas été présentés pour la période du 19 juillet au 30 septembre 2004 ; que la comptabilité présentée lors des opérations de contrôle ne comprenait pas de justificatifs du détail des recettes et de leur ventilation par modes de règlement ; que, si la société a produit lors du contrôle des bandes de caisse faisant seulement apparaître les quantités vendues par type d’articles, elle n’a cependant pas présenté de documents retraçant les opérations par journée ou mentionnant les mémoires des grands totaux cumulés, ni de cumul des tickets édités ; que, par ailleurs, les documents découverts lors de la visite au domicile de M. A…, gérant de la société, et notamment les fiches de recettes journalières pour les mois de juillet à septembre 2004 et hebdomadaires pour la période du 1er janvier au 3 octobre 2004 ont fait apparaître des écarts de 46 % à 52 % entre les montants de recettes portés en comptabilité et ceux figurant sur les documents saisis pour les mois d’avril, juillet et septembre 2004 ; que, dans ces conditions, l’administration était fondée à regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante, ainsi que l’a d’ailleurs estimé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires dans son avis en date du 22 janvier 2007, et à reconstituer le chiffre d’affaires et le bénéfice de la société Jas » Le Tropic » ;
Quant à la comptabilité de la société Saint-Valentin :
14. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les tickets Z journaliers présentés par la société Saint-Valentin dans le cadre du contrôle n’étaient pas numérotés chronologiquement et ne récapitulaient pas l’ensemble des encaissements quotidiens ; que, par ailleurs, à l’exception de bandes de caisse faisant seulement apparaître les quantités vendues par type d’articles, la société n’a pu présenter ni bande de caisse retraçant les opérations par journée ou mentionnant les mémoires des grands totaux cumulés, ni de cumul des tickets édités ; que les ventes de café apparaissaient anormalement faibles ; que, par ailleurs, les documents découverts lors de la visite au domicile de M. A…, gérant de la société, et notamment les fiches de recettes hebdomadaires pour les années 2002 et 2003, ont fait apparaître des écarts de 46 % à 51 % entre les montants de recettes portées en comptabilité et ceux figurant sur les documents saisis ; que, dans ces conditions, l’administration était fondée à regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante, ainsi d’ailleurs que l’a estimé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires dans son avis en date du 17 octobre 2006, et à reconstituer le chiffre d’affaires et les bénéfices de la société Saint-Valentin ;
S’agissant de l’interprétation administrative de la loi fiscale :
15. Considérant que les requérants invoquent, en soutenant que les conditions qu’elle fixe n’étaient pas remplies en l’espèce, l’instruction 4 G-3342 du 15 mai 1993 selon laquelle l’administration peut écarter une comptabilité comme non probante en cas notamment d’une insuffisance du taux de bénéfices bruts calculés à partir des données de comptabilité ou au regard du train de vie et de l’enrichissement de l’exploitant ; qu’il ne résulte en tout état de cause pas des termes de cette instruction, qui ne contient au demeurant pas d’interprétation formelle de la loi fiscale mais constitue une simple recommandation, qu’elle ait entendu limiter le rejet d’une comptabilité à ces deux seules situations ;
En ce qui concerne la méthode de reconstitution du bénéfice des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin :
16. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que le service a reconstitué le chiffre d’affaires et les bénéfices de la société LTHT au cours des années 2001, 2002 et 2003 à partir des tableaux récapitulatifs du chiffre d’affaires et des agendas, qui retraçaient les résultats hebdomadaires de l’exploitation, saisis dans les locaux de M. A… ;
17. Considérant, d’autre part, que le service a reconstitué le chiffre d’affaires de la société Jas » Le Tropic » à partir des fiches hebdomadaires de recettes obtenues lors de la visite des locaux de M. A…, pour la période du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2004, en estimant le chiffre d’affaires des derniers mois de l’année par application au chiffre d’affaires déclaré, qui correspondait aux seuls encaissements réalisés au moyen de cartes de crédit, d’un coefficient correspondant à la moyenne des paiement effectués par carte telle qu’elle ressortait de la comptabilité saisie, soit 26, 34 % ;
18. Considérant, enfin, que le vérificateur a reconstitué le chiffre d’affaires réalisé par la société Saint-Valentin au cours de l’année 2002 d’après le tableau des recettes mensuelles saisi au domicile de M.A… ; que, s’agissant de l’année 2003, ce tableau ne faisait apparaître que les recettes des mois de janvier et février ; que le service a toutefois saisi quatre états des recettes hebdomadaires pour le mois de décembre ; qu’à partir de ces documents, et en tenant compte de la part que représentent en moyenne les recettes des mois de janvier, février et décembre par rapport aux recettes totales de l’année, au vu du chiffre d’affaires des années 2001 et 2002, le service a reconstitué par extrapolation le chiffre d’affaires de l’année 2003 ; que la reconstitution ainsi effectuée a été faite à partir de données propres à l’année 2003 ;
19. Considérant, en premier lieu, que les requérants n’établissent pas que les méthodes de reconstitution susmentionnées, utilisées par l’administration, sont radicalement viciées ou excessivement sommaires en se bornant à alléguer, sans produire d’éléments à l’appui de ces allégations, que les montants auxquels elles ont abouti sont totalement irréalisables dans des établissements comme ceux en cause et sont supérieurs à la moyenne des résultats habituellement observés dans le secteur d’activité de la restauration ; que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir à cet égard de la circonstance que les deux établissements exploités par les sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin ont, lorsque la gérance de ces établissements a été confiée à des sociétés tierces, réalisé au cours des années 2008 à 2012 des chiffres d’affaires moindres que ceux reconstitués par l’administration pour les années 2002 à 2004 en litige, dès lors que les conditions d’exploitation de ces établissements et la conjoncture économique générale ne sauraient être regardées comme n’ayant subi, entre les deux périodes en cause, aucune évolution susceptible d’expliquer une baisse du chiffre d’affaires et des bénéfices tirés de l’exploitation de ces établissements ;
20. Considérant, en second lieu, que les requérants n’établissent pas que les résultats calculés par eux selon la méthode des vins et champagnes, que l’administration avait utilisée lors d’une précédente vérification de comptabilité des sociétés LTHT et Saint Valentin et qu’ils proposent d’appliquer aux exercices en litige, seraient plus précis que ceux résultant de la méthode utilisée en l’espèce par l’administration et qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, se fonde sur des documents de la comptabilité occulte saisie lors de la visite des locaux de M. A… ;
En ce qui concerne la preuve de l’appréhension par M. A… des revenus distribués :
21. Considérant qu’en cas de refus des redressements par le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que, toutefois, le contribuable maître d’une affaire est réputé avoir appréhendé les distributions réalisées par la société qu’il contrôle ;
22. Considérant que si les requérants soutiennent que l’administration n’a pu indiquer avec précision le montant des espèces trouvées dans les coffres-forts de M. A…lors des opérations de visite domiciliaire et de saisie du 7 octobre 2004, ils ne contestent pas que celui-ci, qui détenait avec son épouse la totalité des parts des sociétés LTHT, Jas » Le Tropic » et Saint-Valentin et qui en était le gérant, était, au sein de chacune de ces sociétés, le seul maître de l’affaire ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 21 qu’il devait, du fait de cette qualité, être réputé avoir appréhendé les bénéfices dissimulés correspondant aux omissions de recettes constatées lors de la vérification de la comptabilité de ces trois sociétés ; que les requérants n’apportent aucun élément de nature à renverser cette présomption ;
23. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et MmeA…, qui n’invoquent aucun moyen tendant à remettre en cause le bien-fondé des rehaussements résultant de la réintégration dans leurs revenus au titre des années 2002 et 2003 de revenus d’origine indéterminée, ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis ;
Sur les pénalités :
24. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) » ;
25. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales : » Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable » ;
26. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration, qui a, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts, majoré les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A…ont été assujettis au titre des années 2001 à 2004, des pénalités prévues en cas de manquement délibéré, a suffisamment motivé les pénalités appliquées aux impositions supplémentaires procédant des rehaussements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en indiquant, après voir précisé le fondement légal et le taux de la pénalité, que, en sa qualité de gérant des sociétés LTHT, Saint-Valentin et Jas » Le Tropic « , M. A…, qui prenait en charge les dépôts en banque et était seul à disposer de la signature sur les comptes bancaires de ces sociétés, connaissait le montant de leurs recettes et ne pouvait ignorer qu’elles avaient des recettes supérieures à celles comptabilisées et déclarées au cours des différents exercices vérifiés ; qu’en revanche, l’administration a omis de préciser dans sa proposition de rectification en date du 8 décembre 2005 les considérations de fait justifiant l’application de la pénalité pour manquement délibéré aux impositions supplémentaires procédant des rehaussements portant sur des revenus d’origine indéterminée au titre des années 2002 et 2003 ; que cette justification ne figure pas davantage dans la réponse du service, en date du
24 mai 2006, aux observations de la société ; qu’ainsi, les pénalités en cause étaient insuffisamment motivées ;
27. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A…sont seulement fondés à demander l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui ont assorti les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003, en tant que ces pénalités se rapportent aux impositions supplémentaires procédant des rehaussements portant sur des revenus d’origine indéterminée ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante pour l’essentiel, la somme que M. et Mme A…demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. et Mme A…sont déchargés des pénalités pour manquement délibéré qui ont assorti les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003, en tant que ces pénalités se rapportent aux impositions supplémentaires procédant des rehaussements portant sur des revenus d’origine indéterminée.
Article 2 : Le jugement n° 0809201, 0809202, 0809246, 0809247, 0809248 et 0809249 du
10 juillet 2012 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A…est rejeté.
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N° 12PA03842