Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 20/09/2013, 12PA03206, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 20/09/2013, 12PA03206, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 24 juillet 2012, présentée pour Mme A…C…, demeurant…, par Me B… ; Mme C… demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1018199 en date du 21 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 septembre 2013 :

– le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

– et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C…a souscrit, le 3 juillet 1996, dans le cadre d’un plan d’épargne en actions, vingt actions de la société Caravelle ; que, par une décision du 28 avril 2006, l’assemblée générale de cette société a procédé à une réduction de son capital non motivée par des pertes par voie de rachat d’actions ; qu’ainsi, le 9 juin 2006, la société Caravelle a racheté à Mme C…dix-huit des vingt actions qu’elle détenait ; qu’à l’issue d’un contrôle sur pièces, le service a estimé que l’intéressée avait, à cette occasion, perçu un revenu distribué, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

2. Considérant que Mme C…relève appel du jugement en date du 21 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre de l’année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme C…, en l’absence de tout dégrèvement d’impositions mises en recouvrement et contestées devant lui, le tribunal n’était pas tenu, à peine d’irrégularité de son jugement, de faire référence à un quelconque dégrèvement, ni, par ailleurs, de  » constater l’abandon  » de rectifications notifiées par l’administration à l’occasion d’une procédure de contrôle distincte de celle ayant abouti aux impositions en litige, un tel abandon étant par lui-même sans incidence sur le litige dont le tribunal était saisi ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

4. Considérant que si la proposition de rectification notifiée à Mme C… le 23 mai 2009 est datée du 18 mai 2008, alors qu’elle a été établie à l’issue d’un contrôle sur pièces diligenté à compter du 25 mars 2009, date d’une demande de renseignements adressée à la contribuable sur le fondement de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, cette simple erreur matérielle est par elle-même sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

5. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts :  » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (…) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (…)  » ; qu’aux termes de l’article 161 de ce code :  » Le boni attribué lors de la liquidation d’une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n’est compris, le cas échéant, dans les bases de l’impôt sur le revenu que jusqu’à concurrence de l’excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d’acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l’apport. (…). / Les dispositions de la première phrase du premier alinéa sont applicables dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires  » ; qu’aux termes de l’article 157 du même code :  » N’entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : / (…) / 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d’épargne en actions défini à l’article 163 quinquies D ; toutefois, à compter de l’imposition des revenus de 1997, les produits procurés par des placements effectués en actions ou parts de sociétés qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé (…) ne bénéficient de cette exonération que dans la limite de 10 % du montant de ces placements ; / (…)  » ;

6. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 161 du code général des impôts que, lorsqu’une société rachète, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, les droits sociaux qu’ils détiennent, notamment sous forme d’actions, l’excédent éventuel du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d’acquisition de ces droits, mais dans la mesure seulement où ce prix d’acquisition est supérieur au montant de l’apport remboursable en franchise d’impôt, constitue, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain net en capital relevant du régime d’imposition des plus-values de cession, mais un boni de cession qui a la même nature qu’un boni de liquidation, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

7. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 1, il est constant que, le 9 juin 2006, la société Caravelle a racheté à Mme C… dix-huit de ses propres actions en vue d’une réduction de son capital non motivée par des pertes ; qu’en application de l’article 161 du code général des impôts, le service était dès lors fondé à regarder comme un revenu distribué à Mme C…, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le boni de cession qu’elle avait ainsi perçu ; que dès lors, en application des dispositions précitées du 5° bis de l’article 157 du même code, ce boni de cession, qui constituait l’ultime produit des dix-huit actions rachetées, dont il est constant, d’une part, qu’elles avaient été acquises et qu’elles étaient détenues dans le cadre d’un plan d’épargne en actions et, d’autre part, qu’elles n’étaient pas admises aux négociations sur un marché réglementé, n’était exonéré d’impôt sur le revenu qu’à concurrence de 10 % du montant des placements correspondants ;

8. Considérant que Mme C… soutient que l’article 20 de la loi du 30 décembre 1997 susvisée, qui a complété les dispositions du 5° bis de l’article 157 du code général des impôts pour limiter à 10% du montant des placements l’exonération d’impôt sur le revenu des produits procurés par les placements effectués dans le cadre d’un plan d’épargne en actions lorsque ceux-ci ont été  » effectués en actions ou parts de sociétés qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé « , méconnaît l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe communautaire de confiance légitime ;

9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :  » Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes  » ;

10. Considérant qu’une personne ne peut prétendre au bénéfice des stipulations précitées de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que si elle peut faire état de la propriété d’un bien qu’elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu’à défaut de créance certaine, l’espérance légitime d’obtenir une somme d’argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que lorsque le législateur modifie pour l’avenir des dispositions fiscales adoptées sans limitation de durée, il ne prive les contribuables d’aucune espérance légitime au sens de ces stipulations ;

11. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 8, par l’article 20 de la loi du 30 décembre 1997, le législateur a partiellement remis en cause, à compter de l’imposition des revenus de l’année 1997, l’exonération totale d’impôt sur le revenu dont bénéficiaient précédemment, en application du 5° bis de l’article 157 du code général des impôts, les produits procurés par les placements effectués, dans le cadre d’un plan d’épargne en actions, en actions ou parts de sociétés qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ; qu’en modifiant ainsi pour l’avenir des dispositions fiscales adoptées sans limitation de durée, le législateur n’a privé Mme C… d’aucune espérance légitime au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et n’a, par suite, pas méconnu cet article ;

12. Considérant, en second lieu, que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s’appliquer dans l’ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’article 20 de la loi du 30 décembre 1997 méconnaîtrait ce principe est inopérant ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme C…n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

14. Considérant que les conclusions présentées par Mme C…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C…est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A…C…et au ministre de l’économie et des finances.

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N° 12PA03206


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