Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 18/10/2013, 12PA03533, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 18/10/2013, 12PA03533, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée pour la société Financière des pins, dont le siège est 6 place de la Madeleine à Paris (75008), par Me B…et MeC…, de la société d’avocats C/M/A… / bureau Francis Lefebvre ; la société Financière des pins demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1010599 du 20 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a assujettie au titre des années 2003 et 2004, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

– c’est à tort que le tribunal a considéré qu’elle avait échoué à démontrer que les opérations litigieuses n’étaient pas constitutives d’un abus de droit, alors que l’administration supporte la charge de la preuve en matière de pénalités pour abus de droit ;

– l’administration a saisi tardivement, en janvier 2009, le comité consultatif pour la répression des abus de droit, alors que la réponse à ses observations, que l’administration lui avait adressée le 1er février 2007, lui impartissait un délai de trente jours pour demander que le litige soit soumis à l’avis de ce comité ;

– en examinant le litige dans sa séance du 19 mars 2009, alors qu’elle lui avait demandé d’attendre l’entrée en vigueur, le 1er avril 2009, des dispositions de l’article 1653 C du code général des impôts, relatives à la composition du comité, dans sa rédaction issue du IV de l’article 35 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, le comité consultatif pour la répression des abus de droit a statué dans une composition contraire au droit à un procès équitable garanti par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– c’est à tort que le tribunal a considéré que les opérations litigieuses caractérisaient un abus de droit alors qu’elle n’a pas recherché le bénéfice d’une application littérale des articles 145 et 216 du code général des impôts à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur et que ces opérations n’ont pas poursuivi un but exclusivement fiscal ; l’administration ne prouve pas que les opérations litigieuses n’ont été inspirées par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale de la société ; l’argument selon lequel la filiale considérée devrait avoir conservé une activité pour que les dividendes distribués à sa mère puissent être exonérées en application du régime des sociétés mères ajoute à la loi et ne repose sur aucun fondement ;

– la décision prise par l’administration fiscale, dans une affaire comparable, de renoncer à contester, sur le fondement de l’abus de droit, l’application du régime fiscal des sociétés mères, constitue une prise de position formelle qui lui est opposable dans le présent litige sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2012, présenté par le ministre de l’économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu’aucun des moyens invoqués n’est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 septembre 2013, présenté pour la société financière des pins, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que, si l’interprétation de l’intention du législateur retenue par le Conseil d’État dans la décision qu’il a rendue le 17 juillet 2013 sous le n° 352989 devait être retenue par la Cour, la portée des articles 145 et 216 du code général des impôts ainsi donnée à ces dispositions se révélerait alors contraire aux dispositions communautaires, à savoir celles de la directive n° 2011/96/UE du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, qui ne permettent pas d’écarter du bénéfice du régime d’exonération de dividendes les sociétés n’exerçant pas, le cas échéant, une activité industrielle et commerciale ou économique ; ainsi, l’activité de la société distributrice ne saurait constituer un critère d’application du régime des sociétés mères ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 octobre 2013:

– le rapport de M. Couvert-Castéra, président assesseur,

– les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

– et les observations de MeB…, de la société d’avocats C/M/A… / bureau Francis Lefebvre, avocat de la société Financière des pins ;

1. Considérant que la société Financière des pins, dont l’activité consiste dans la gestion d’un portefeuille de participations et de valeurs mobilières de placement, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité puis d’une procédure de redressement contradictoire à l’issue desquelles elle a été assujettie, au titre des exercices clos le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi qu’à des pénalités pour abus de droit ; qu’elle fait appel du jugement du 20 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur les conclusions à fin de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt :

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses :  » 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu’il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions

ci-après : a. les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l’administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (…) ; c. les titres de participation doivent avoir été souscrits à l’émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l’engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. (…)  » ; qu’aux termes de l’article 216 du même code :  » I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères et visées à l’article 145, touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges (…)  » ; qu’aux termes du I de l’article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable :  » (…) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s’appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d’un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l’exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (…). Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s’appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l’actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l’activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. Pour l’application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même (…) des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, (…) si ces (…) titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (…)  » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable :  » Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses : (…) b) (…) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (…) L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis rendus feront l’objet d’un rapport annuel. Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement.  » ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration use de la faculté qu’elles lui confèrent dans des conditions, telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, le 11 août 2003, la société Financière des pins a acquis la totalité du capital social de la société de droit belge Dual Invest pour un montant de 33 250 000 euros ; qu’elle s’est engagée le 27 octobre 2003 à conserver ces titres pendant une durée de deux ans à compter de leur acquisition et les a inscrits en comptabilité à son actif en tant que valeurs mobilières de placement ; que la société de droit belge Dual Invest a versé le

28 octobre 2003 à la société Financière des pins des dividendes d’un montant de 32 millions d’euros puis, le 2 mars 2004, des dividendes d’un montant de 6 400 000 euros ; que la société Financière des pins a appliqué à ces dividendes le régime des sociétés mères prévu par les dispositions précitées des articles 145 et 216 du code général des impôts en retranchant leurs montants de son bénéfice net total, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges égale à 5 % du montant perçu ; que, parallèlement, la société Financière des pins a déduit de ses résultats imposables des provisions pour dépréciation des titres litigieux, à hauteur de 26 659 815 euros au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2003 et de 6 172 192 euros au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2004 ; qu’elle a ainsi dégagé au titre de chacun de ces exercices un déficit fiscal qui lui a permis de réaliser une économie immédiate d’impôt sur les sociétés de 1 922 881 euros en 2003 et de 307 940 euros en 2004 ainsi que de générer un déficit de plus de 24 millions d’euros reportable sur les exercices ultérieurs ;

5. Considérant que l’administration a estimé que les opérations susmentionnées étaient constitutives d’un abus de droit au sens des dispositions précitées de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales et a, en conséquence, remis en cause les déductions de dividendes que la société Financière des pins avait opérées au titre des exercices clos le 31 décembre 2003 et le

31 décembre 2004 sur le fondement du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Considérant que, saisi par l’administration fiscale, le comité consultatif pour la répression des abus de droit a, en sa séance du 19 mars 2009, estimé que celle-ci était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que seul un vice de forme ou de procédure de nature à entacher d’irrégularité l’avis de ce comité peut être utilement invoqué pour en contester la validité ou pour faire obstacle aux conséquences, quant à la charge de la preuve, que la loi attache à la conformité entre l’avis émis par ce comité et les impositions établies à raison de l’opération litigieuse ;

7. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 64-1 du livre des procédures fiscales :  » La décision de mettre en oeuvre les dispositions prévues à l’article L. 64 est prise par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur départemental qui vise à cet effet la notification de la proposition de rectification  » ; et qu’aux termes de l’article R. 64-2 du même livre :  » Lorsque l’administration se prévaut des dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 64, le contribuable dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l’administration à ses observations pour demander que le litige soit soumis à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit  » ;

8. Considérant que ni ces dispositions, ni les dispositions précitées de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales selon lesquelles en cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement de cet article l’administration peut soumettre le litige à l’avis du comité, ne fixent de délai dans lequel l’administration doit, à peine d’irrecevabilité, saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit ; qu’il s’ensuit qu’est sans incidence sur la régularité de cet avis et l’attribution de la charge de la preuve la circonstance, alléguée par la société requérante, que l’administration a saisi ce comité en janvier 2009 alors que la réponse en date du 1er février 2007 aux observations du contribuable impartissait à celui-ci un délai de trente jours pour demander que le litige soit soumis à l’avis de ce comité ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient qu’en examinant le litige dans sa séance du 19 mars 2009, alors qu’elle lui avait demandé d’attendre l’entrée en vigueur, le 1er avril 2009, des dispositions de l’article 1653 C du code général des impôts, relatives à la composition du comité, dans sa rédaction issue du IV de l’article 35 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, le comité consultatif pour la répression des abus de droit a statué dans une composition contraire au droit à un procès équitable garanti par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant que la société requérante ne saurait utilement invoquer à l’appui des conclusions susanalysées la méconnaissance des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’avis rendu par le comité consultatif pour la répression des abus de droit n’a d’incidence sur l’attribution de la charge de la preuve qu’en ce qui concerne le bien-fondé des impositions supplémentaires en litige, qui ne résultent ni d’une accusation en matière pénale, ni d’une contestation sur des droits et obligations de caractère civil au sens de ces stipulations ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, l’imposition ayant été établie conformément à l’avis, régulièrement émis, du comité consultatif pour la répression des abus de droit, la charge de la preuve incombe à la société requérante ;

En ce qui concerne l’existence d’un abus de droit :

S’agissant de la loi fiscale :

Quant au but exclusivement fiscal des opérations litigieuses :

12. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société de droit belge Dual Invest dont la société Financière des pins a acquis, de deux sociétés appartenant au même groupe informel, la totalité du capital social le 11 août 2003, avait cessé toute activité et que ses actifs étaient constitués uniquement d’obligations émises par la société de droit luxembourgeois SFO ; que la société

Dual Invest a procédé à une distribution de dividendes au profit de la société Financière des pins dès le 28 octobre 2003 sous forme de remise de ces obligations pour un montant de 32 millions d’euros puis, le 2 mars 2004, pour un montant de 6 400 000 euros ; que ces distributions ont eu pour effet de priver définitivement la société Dual Invest de tout moyen susceptible de lui permettre de retrouver une activité ; que la société Financière des pins n’établit pas que ces opérations ont entraîné pour elle un gain de trésorerie réel alors qu’elles ont été réglées non au moyen de liquidités mais au moyen d’obligations privées émises ou souscrites par des sociétés appartenant au même groupe informel qu’elle, ainsi que l’administration l’a relevé sans être contredite dans sa réponse du 1er février 2007 aux observations du contribuable ; que la société requérante n’établit pas dans ces conditions que les opérations litigieuses auraient présenté pour elle un intérêt économique ou financier ; qu’il résulte de l’instruction que ces opérations ont, en revanche, grâce à la déduction immédiate de provisions correspondant à la dépréciation des titres et à l’exonération d’impôt dont ont bénéficié, à l’exception d’une quote-part, les dividendes reçus de la société Dual Invest en application du régime des sociétés mères, permis à la société financière des pins de dégager un important déficit fiscal ainsi qu’il a été dit au point 4 ; qu’il s’ensuit que les opérations litigieuses doivent être regardées comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal ;

Quant à la recherche du bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs :

13. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l’article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l’exercice 1920, de l’article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l’article 45 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des article 20 et 21 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l’article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l’origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d’impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu’elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l’implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l’économie française ; que le fait d’acquérir des sociétés ayant cessé leur activité initiale et liquidé leurs actifs dans le but d’en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d’impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, sans prendre aucune mesure de nature à leur permettre de reprendre et développer leur ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle, va à l’encontre de cet objectif ;

14. Considérant qu’il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que la société Financière des pins n’a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement de la société Dual Invest qu’elle venait d’acquérir et ne s’est pas comportée à son égard comme une société mère, mais a au contraire favorisé sa disparition ; qu’il s’ensuit que les opérations litigieuses ont contrevenu aux objectifs du régime fiscal des sociétés mères, de sorte qu’en se plaçant sous le bénéfice de ce régime pour exonérer d’impôt sur les sociétés, à l’exception d’une quote-part, les dividendes reçus de la société Dual Invest, la société financière des pins doit être regardée comme ayant recherché le bénéfice d’une application littérale des articles 145 et 216 du code général des impôts à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

S’agissant de l’interprétation administrative de la loi fiscale :

15. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales :  » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. (…)  » et qu’aux termes de l’article L. 80 B du même livre :  » La garantie prévue au premier alinéa de l’article

L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal (…)  » ;

16. Considérant que si la société requérante fait valoir que la décision prise par l’administration fiscale, dans une affaire comparable, de renoncer à contester, sur le fondement de l’abus de droit, l’application du régime fiscal des sociétés mères, constitue une prise de position formelle qui lui est opposable dans le présent litige, elle n’est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l’appréciation portée par l’administration sur la situation de fait d’un autre contribuable ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du droit de l’Union européenne :

17. Considérant que la société requérante ne saurait utilement soutenir que les dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts méconnaissent les dispositions de la directive n° 2011/96/UE du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, dès lors que les impositions en litige ont été établies non sur le fondement de ces dispositions du code général des impôts mais sur celles de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Sur les conclusions à fin de décharge des pénalités pour abus de droit :

18. Considérant, d’une part, que le VI de l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 a substitué aux dispositions de l’article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige, qui prévoyaient une majoration de 80 % si le contribuable s’était rendu coupable d’abus de droit, les dispositions suivantes :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : (… ) / b. 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (…)  » ;

19. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales :  » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (…) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration  » ;

20. Considérant qu’il résulte des circonstances exposées aux points 12 à 14, dont elle se prévaut pour justifier les pénalités pour abus de droit, que l’administration établit que la société Financière des pins rentre dans les prévisions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales et qu’elle doit être regardée comme étant le principal bénéficiaire des opérations litigieuses, au sens du b) de l’article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 ; que, par suite, le taux de 80 % a pu être lui légalement appliqué, au titre des pénalités pour abus de droit ;

21. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Financière des pins n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Financière des pins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière des pins et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Île-de-France Ouest.

Délibéré après l’audience du 4 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

– Mme Driencourt, président de chambre,

– M. Couvert-Castéra, président assesseur,

– M. Lemaire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 octobre 2013.

Le rapporteur,

O. COUVERT-CASTÉRALe président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 12PA03533


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