Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 13/04/2012, 10PA04502, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre , 13/04/2012, 10PA04502, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2010, présentée pour Mme Anne A, demeurant …, par Me Delpeyroux ; Mme A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0718891 en date du 6 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2004, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de l’imposition litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mars 2012 :

– le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

– les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

– et les observations de Me Devillières, substituant Me Delpeyroux, pour Mme A ;

Considérant que, par un contrat de bail commercial du 4 janvier 1999, la société en nom collectif  » MSEB et Cie  » a loué des locaux à usage de parking, sis au 30, boulevard Raspail à Paris, à la société  » Le garage de l’Abbaye « , pour une durée de trois, six ou neuf années à compter rétroactivement du 1er janvier 1998 ; que, lesdits locaux ayant été loués à un autre locataire à compter du 1er septembre 2004, ce contrat a été résilié ; qu’à l’issue de la vérification de comptabilité dont la société  » MSEB et Cie  » a fait l’objet, l’administration fiscale a, d’une part, réintégré aux résultats de l’exercice clos en 2004 la somme de 250 000 euros, déduite au titre des charges exceptionnelles et présentée comme une indemnité allouée à la société  » Le garage de l’Abbaye  » en réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation, et, d’autre part, assujetti Mme A à une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu, majorée de l’intérêt de retard et d’une pénalité pour mauvaise foi, à raison de sa quote-part des bénéfices de la société  » MSEB et Cie  » ; que Mme A relève appel du jugement en date du 6 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts :  » Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (…)  » ; que si, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que, dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment de la décision en date du 10 mars 2005 par laquelle les actionnaires de la société  » Le garage de l’Abbaye  » ont  » accept[é] la proposition faite par la société  » MSEB et Cie  » de mettre un terme, à effet du 1er septembre 2004 au bail commercial en date du 4 janvier 1999 et de verser une indemnité d’éviction de 250 000 euros en compensation du préjudice subi « , que la résiliation de ce contrat a été faite à l’amiable et avant son terme, en contrepartie d’une indemnité d’éviction ;

Considérant, en premier lieu, que la société  » MSEB et Cie « , qui se prévalait de cette décision, a justifié de la nature de la charge qu’elle avait déduite, ainsi que de l’existence et de la valeur de la contrepartie qu’elle en avait retirée ; que Mme A est dès lors fondée à soutenir que c’est à tort que le service vérificateur a estimé que la charge litigieuse n’était pas appuyée de justifications suffisantes ;

Considérant, en second lieu, que l’administration, qui soutient que la charge était en réalité dépourvue de contrepartie, fait valoir, d’une part, que la résiliation du bail de la société  » Le garage de l’Abbaye  » n’a entraîné pour elle aucun préjudice et, d’autre part, que la décision d’allouer l’indemnité litigieuse n’a pas été prise pour permettre de relouer le bien à de meilleures conditions ; que l’administration se prévaut de ce qu’aucune disposition du code de commerce ou stipulation du contrat de bail n’impliquait le versement d’une indemnité d’éviction et de ce que la société  » Le garage de l’Abbaye « , qui se trouvait en situation chronique de déficit, donnait congé à ses clients lorsque son bail a pris fin et cessait progressivement son activité, ce que Mme A ne pouvait ignorer en sa qualité de co-gérant et actionnaire des sociétés  » MSEB et Cie  » et  » Le garage de l’Abbaye  » ; que l’administration soutient également qu’après la résiliation du contrat de bail, la société  » Le garage de l’Abbaye  » ne s’est pas réinstallée et n’a procédé à aucune démarche en vue de l’acquisition ou de la location d’un autre fonds pour la poursuite de son activité, que le versement de l’indemnité, comptabilisée au passif de la société  » MSEB et Cie  » le 31 janvier 2005, a été décidé plusieurs mois après le changement de locataire et que seule une somme de 81 698,70 euros a été effectivement versée à la société  » Le garage de l’Abbaye « , cette société n’ayant accompli aucune démarche en vue du règlement du solde de l’indemnité qui lui avait été allouée ; que, toutefois, la résiliation du bail qui la liait à la société  » MSEB et Cie  » a nécessairement entraîné un préjudice économique pour la société  » Le garage de l’Abbaye « , qui jouissait, en application des dispositions du code de commerce, ainsi que le fait valoir à bon droit la requérante, d’un droit au maintien du bail, qu’elle aurait pu céder à un tiers ; que, dans ces conditions, l’administration, qui ne conteste pas le montant de l’indemnité allouée, n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que cette indemnité était dépourvue de contrepartie pour la société  » MSEB et Cie  » et procédait ainsi d’un acte anormal de gestion ; que, par suite,

Mme A est fondée à soutenir que c’est à tort que le service vérificateur a réintégré la charge correspondante aux résultats de l’exercice clos en 2004, dont elle avait été déduite ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme A d’une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0718891 du Tribunal administratif de Paris en date du 6 juillet 2010 est annulé.

Article 2 : Mme A est déchargée de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2004, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L’Etat versera à Mme A une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

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N° 10PA04502

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