Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2006, présentée pour l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL, dont le siège est Place Jean-Jaurès à Bonneuil-sur-Marne (94380), par la selarl Gaia ; l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0305132/2 en date du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à sa demande en :
– condamnant solidairement M. B, Mme A, la société Berim et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à lui verser la somme de 5 347, 08 euros TTC,
– effectuant une répartition des garanties pour les condamnations solidaires entre
M. B et Mme A, architectes, la société Berim et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France ;
2°) de condamner in solidum la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France et la société Axa Assurances à lui verser la somme de 830 000 euros TTC au titre des travaux de reprise des réseaux encastrés d’eau chaude sanitaire, d’eau froide, de chauffage et de gaz, valeur septembre 2002 avec indexation à compter de cette date jusqu’à la date de règlement, sur indice BT 01 ;
3°) de condamner in solidum la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France et la société Axa Assurances à lui rembourser le coût des travaux de reprise des réseaux encastrés déjà effectués, non pris en charge par l’assureur dommages-ouvrages, soit la somme de
13 905, 93 euros TTC, au titre des réseaux de plomberie, sauf à parfaire ;
4°) de condamner in solidum la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la société Axa Assurances, Mme A, M. B et la société Berim à lui verser une somme de
12 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative incluant les frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
5°) de condamner les mêmes aux entiers dépens qui comprendront les honoraires de
M. Suraud, expert judiciaire, d’un montant de 12 199, 20 euros TTC ;
……………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 mai 2010 :
– le rapport de M. Piot, rapporteur,
– les conclusions de Mme Dely, rapporteur public,
– et les observations de Me Paquet, représentant la Selarl Gaia, pour l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL, de Me Carles, représentant la Selarl Fizellier et Associés, pour la société Entreprise Bouygues, de Me Cormier, représentant le cabinet d’avocat Montalescot-Aily-Lacaze, pour la Caisse industrielle d’Assurance Mutuelle (CIAM) et la société Bérim, et de Me Silva, représentant la SCP Naba, pour Axa France Iard ;
Considérant que l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL a, le 5 février 1990, confié à la société Bouygues, par un marché public de travaux, la réalisation d’un immeuble comprenant 96 logements, des commerces et des parkings et constituant l’îlot n° 1 de la ZAC de la Fosse aux Moines ; que la maîtrise d’oeuvre a été assurée par un groupement solidaire comprenant le cabinet d’architecture B et A et le bureau d’études techniques Berim ; que ledit office a souscrit une assurance dommages-ouvrages auprès de l’UAP, devenue Axa assurances ; que la réception a été prononcée avec réserves le 19 décembre 1991 avec effet au
26 novembre 1991 ; que lesdites réserves ont été levées le 20 janvier 1992 ; qu’à partir du mois de juillet 1994 sont apparues des fuites sur les canalisations d’eau chaude sanitaire, d’eau froide, de gaz, de chauffage ainsi que des remontées d’eau dans les fosses d’ascenseur, et des infiltrations par terrasse et en façade ; qu’à la suite de l’indemnisation d’une partie de ces désordres au titre de l’assurance dommages-ouvrages, l’office a, le 16 novembre 2001, saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun qui, par une ordonnance en date du
21 décembre 2001, a désigné M. Suraud en qualité d’expert ; qu’à la suite du dépôt de son rapport, l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL a demandé, le 19 décembre 2003 audit tribunal administratif, la condamnation de son assureur dommages-ouvrages, la société Axa Assurances, et des constructeurs précités et de leurs assureurs à réparer les préjudices résultant des désordres précités affectant cet immeuble ; que l’office demande, d’une part, la réformation du jugement en date du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à sa demande en condamnant solidairement M. B, Mme A, la société Berim et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à lui verser la somme de
5 347, 08 euros TTC au titre des préjudices résultant des remontées d’eau dans les cages d’ascenseur et des infiltrations sur les terrasses et en façade et, d’autre part, dans le dernier état de ses conclusions, la condamnation in solidum de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de la société Axa France Iard, de Mme A, de M. B et de bureau d’études techniques Berim, à lui rembourser le coût des travaux de reprise des réseaux encastrés déjà effectués et non pris en charge par l’assureur dommages-ouvrages, soit la somme de 18 956, 39 euros TTC, ainsi que la condamnation in solidum des intimés à lui verser la somme de 811 000 euros TTC au titre des travaux de reprise des autres réseaux encastrés d’eau chaude sanitaire, d’eau froide, de chauffage et de gaz, valeur septembre 2002 avec indexation à compter de cette date jusqu’à la date de règlement, sur indice BT 01 ainsi que la somme de 18 709, 37 euros TTC au titre du renforcement des quatre acrotères et de 1 814, 60 euros TTC au titre des mesures préventives à la suite du désordre survenu, le 26 août 2009, provenant du décollement du bandeau de l’acrotère situé sur la terrasse de l’immeuble ;
Sur les conclusions de l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL dirigées contre la Compagnie Axa France Iard :
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001 susvisée :
Les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant l’entrée en vigueur de la présente loi ; qu’il résulte de l’instruction que l’office appelant a, le 16 novembre 2001, saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun du litige l’opposant à son assureur dommage-ouvrage ; qu’ainsi en l’absence de saisine du juge judiciaire avant le
11 décembre 2001, le litige relève de la compétence du juge administratif par application des dispositions législatives précitées ; qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, a rejeté les conclusions de l’office public dirigées contre la Compagnie Axa France Iard comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Compagnie Axa France Iard :
Considérant qu’aux termes de l’article A. 243-1 du code des assurances : Tout contrat d’assurance souscrit pour l’application du titre IV du livre II doit obligatoirement comporter les clauses figurant : (…) A l’annexe II au présent article en ce qui concerne l’assurance de dommages. ; que l’annexe II de cet article, relative à la mise en oeuvre des garanties d’un contrat d’assurance de dommages souscrit par le maître d’ouvrage en vertu des dispositions de l’article L. 241-1 du code des assurances, dispose que : A.3° En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l’assuré est tenu d’en faire la déclaration à l’assureur ; que l’article L. 242-1 du même code relatif à l’assurance de dommages obligatoire en cas de travaux de bâtiment dispose que : (…) Toutefois, l’obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s’ applique ni aux personnes de droit public ni aux personnes morales exerçant une activité dont l’importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de bâtiment pour un usage autre que l’habitation ;
Considérant qu’il ressort des dispositions de l’annexe II de l’article A 243-1 du code des assurances auquel fait référence le contrat souscrit par l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL auprès de la compagnie Axa France Iard, que le maître d’ouvrage public qui entend mettre en oeuvre la garantie de l’assurance de dommages-ouvrages obligatoire est tenu de faire une déclaration de sinistre à l’assureur ; que ces stipulations du contrat d’assurance font obligation à l’assuré de former une déclaration de sinistre avant de pouvoir saisir une juridiction aux fins de désignation d’un expert ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’office public a présenté une demande à son assureur au titre de la police d’assurance dommages-ouvrages concernant les défectuosités des réseaux dans leur globalité avant de saisir le juge des référés du Tribunal administratif de Melun ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées par la Compagnie Axa France Iard, la demande de condamnation présentée à son encontre par ledit office ne peut qu’être rejetée comme irrecevable ;
Sur les conclusions de l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL dirigées contre les constructeurs :
En ce qui concerne les fuites affectant les réseaux d’eau chaude sanitaire, d’eau froide, de gaz, et de chauffage :
Considérant, d’une part, qu’il ne résulte pas de l’instruction ni du rapport d’expertise que les désordres survenus sur lesdits réseaux encastrés dans les dalles aient été généralisés et puissent avoir un caractère évolutif ; que, par suite, l’office public n’est pas fondé à demander la réformation sur ce point du jugement attaqué et à demander la condamnation solidaire des constructeurs à lui verser la somme de 811 000 euros TTC au titre des travaux de reprise des autres réseaux encastrés d’eau chaude sanitaire, eau froide, chauffage et gaz, valeur septembre 2002 avec indexation à compter de cette date jusqu’à la date de règlement, sur indice BT 01;
Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expert qu’au cours du délai de garantie décennale, seulement 20 fuites ont été constatées sur les réseaux d’alimentation en eau chaude sanitaire et en eau froide, qu’un seul incident a été signalé en 2000 sur les canalisations de chauffage central et enfin que le nombre d’incidents concernant les canalisations de gaz a été limité à cinq ; que, par suite, eu égard à leur caractère limité, ces désordres, qui ne rendent pas l’ouvrage impropre à sa destination, ne donnent pas lieu à la garantie qu’impliquent les principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; qu’ainsi l’office public n’est pas fondé à demander la réformation sur ce point du jugement attaqué et à demander la condamnation solidaire des constructeurs à lui rembourser le coût des travaux de réparation desdits réseaux déjà effectués et non pris en charge par l’assureur dommages-ouvrages, soit la somme de 18 956, 39 euros TTC ;
En ce qui concerne le décollement de l’acrotère survenu le 26 août 2009 :
Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 12 octobre 2009 que le bandeau de l’acrotère situé sur la terrasse de l’immeuble litigieux s’est désolidarisé ; que si l’office public soutient que ce désordre est de nature à rendre impropre l’immeuble impropre à sa destination et sollicite en appel la condamnation in solidum des constructeurs à lui verser les sommes de 18 709, 37 euros TTC au titre du renforcement des quatre acrotères et de 1 814, 60 euros TTC au titre des mesures préventives, il résulte de l’instruction, d’une part, que ce désordre est intervenu postérieurement au 26 novembre 2001, date d’expiration de la garantie décennale, et ne peut dès lors bénéficier de ladite garantie, d’autre part, et alors même qu’il aurait été dénoncé à l’intérieur du délai de ladite garantie, qu’il soit consécutif ou même en relation avec les désordres d’infiltration qui ont pu affecter très ponctuellement les terrasses ; que, par suite, les conclusions de l’office appelant tendant à la condamnation solidaire des constructeurs à l’indemniser de ce chef de préjudice ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions incidentes :
En ce qui concerne les désordres liés aux remontées d’eau dans les cages d’ascenseur :
Considérant que si les constructeurs soutiennent qu’il n’a pas été constaté d’eau dans la fosse de la cage d’ascenseur du 5 avenue de Verdun, lors des opérations d’expertise, il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise et du procès-verbal de constat d’huissier du
21 mars 2002, que les fosses des ascenseurs des n° 3, 5 et 7 de l’avenue de Verdun et du 1 rue Jean Moulin peuvent être inondées à l’occasion de remontées de la nappe phréatique et que cette seule présence d’eau, même si elle n’est pas continue, est de nature à rendre les ascenseurs inutilisables et donc impropres à leur destination ; que, par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que ces désordres donnent lieu à la garantie qu’impliquent les principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et a condamné solidairement M. B, Mme A, la société Berim et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à verser à l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL la somme d’un montant non sérieusement contesté de 3 218 euros TTC au titre de la réparation desdits désordres ;
En ce qui concerne les infiltrations sur les terrasses et en façade :
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les constructeurs, les désordres consistant en des infiltrations sur les terrasses et en façade sont survenus avant l’expiration du délai de garantie décennale, et alors même qu’ils seraient limités, sont de nature à nuire à la solidité de l’ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces désordres donnent lieu à la garantie qu’impliquent les principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et ont condamné solidairement M. B, Mme A, la société Berim et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à verser à l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL la somme d’un montant de 2 129, 08 euros TTC au titre de la réparation desdits désordres ;
Sur les frais d’expertise :
Considérant que les frais d’expertise ont été taxés et liquidés à la somme de
12 199, 20 euros TTC par une ordonnance en date du 12 novembre 2002 du président du Tribunal administratif de Melun ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu et de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a mis les frais d’expertise à la charge de l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL à raison des 5/6ème et, d’autre part, solidairement à la charge de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, du Berim, de M. B, de Mme A à raison de 1/6ème ;
Sur les appels en garantie de la Compagnie d’assurance Axa France Iard à l’encontre de l’ensemble des constructeurs et de leurs assureurs :
Considérant qu’aucune condamnation n’étant prononcée à l’encontre de la Compagnie d’assurance Axa France Iard, ses appels en garantie dirigés contre l’ensemble des constructeurs et de leurs assureurs sont sans objet et ne peuvent qu’être écartés ;
Sur les appels en garantie de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à l’encontre des architectes et de la société Berim concernant les fosses d’ascenseur et les terrasses et façades :
Considérant que la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France n’invoque à l’appui de son appel en garantie dirigé contre les architectes et la société Berim que des moyens déjà présentés devant le tribunal administratif ; que les premiers juges ont condamné, d’une part, solidairement Mme A, M. B et la société Berim à la garantir à hauteur de 80 % de la somme de 4 437, 90 euros au titre de la réparation des désordres affectant les fosses d’ascenseur et des frais d’expertise y afférents et, d’autre part, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à garantir Mme A, M. B et la société Berim à la garantir à hauteur de 80 % de la somme de 2 942, 38 euros au titre de la réparation des désordres affectant les terrasses et les façades et des frais d’expertise y afférents ; que lesdits moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif ;
Sur l’amende pour recours abusif demandée par la Compagnie Axa France Iard à l’encontre de l’office public :
Considérant qu’aux termes de l’article R.741-12 du code de justice administrative : le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ; que la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la Compagnie Axa France Iard tendant à ce que l’office public appelant soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de l’ensemble des parties tendant à l’application des dispositions de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Melun en date du 9 mars 2006 est annulé en tant qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître des conclusions présentées à l’encontre la compagnie Axa France Iard.
Article 2 : La compagnie Axa France Iard est mise hors de cause.
Article 3 : Les conclusions de l’OPHLM DE LA VILLE DE BONNEUIL tendant à la réformation du jugement attaqué et celles qu’il a présentées directement devant la cour ainsi que les conclusions incidentes présentées par M. B et Mme A et les sociétés Bouygues Bâtiments Ile-de-France et Berim sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par l’ensemble des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06PA01836