Cour Administrative d’Appel de Paris, 5ème chambre – Formation B, 29/01/2007, 04PA04072, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Paris, 5ème chambre – Formation B, 29/01/2007, 04PA04072, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2004, présentée pour la société COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN, dont le siège social est situé 18 avenue d’Alsace à Courbevoie (92400), par Me Laureau ; la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 9710415 en date du 3 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1988 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

…………………………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 janvier 2007 :

– le rapport de M. Privesse, rapporteur,

– et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN, fiscalement admise au régime du bénéfice consolidé prévu à l’article 209 quinquiès du code général des impôts, a inscrit parmi ses charges, une somme de 168 669 800 F correspondant au versement à effectuer par l’une de ses filiales détenue pour la quasi-totalité de son capital, la société Spafi, du chef d’une convention de garantie de passif prévue par un accord signé le 7 mars 1988 avec la Compagnie Générale des Eaux (CGE) ; que la société requérante et sa filiale ayant fait l’objet de contrôles fiscaux, cette somme a été réintégrée par le vérificateur, d’abord dans les résultats imposables de la société Spafi, puis dans les résultats consolidés de la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN au moyen de deux notifications de redressements des 27 novembre et 17 décembre 1991 ; que la société COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN fait appel de la partie du jugement susmentionné par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande quant à ce chef de redressements, en faisant notamment valoir que l’accord du 7 mars 1988 liait également sa filiale Spafi, et que la charge dont s’agit était déductible car certaine dans son principe et son montant ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;

Sur la portée du litige :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : «… Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu’il a visées dans sa réclamation à l’administration… » ; qu’il résulte de ces dispositions que le contribuable est irrecevable à contester devant le juge de l’impôt des impositions différentes de celles qu’il a visées dans sa réclamation préalable ou à prétendre à un dégrèvement supérieur à celui demandé dans sa réclamation ; que la société requérante a demandé la décharge du complément d’impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre de l’exercice 1988, résultant de la réintégration dans ses bases imposables de la somme de 168 669 800 F correspondant à la quote-part de sa filiale, la société Spafi, au titre de la garantie de passif qu’elle avait souscrite ; qu’elle n’est dès lors recevable qu’à demander la déductibilité de cette seule quote-part, et non de la charge intégrale de la susdite garantie d’un montant estimé à 362 812 000 F ;

Sur la garantie de passif :

Considérant qu’aux termes de l’article 38-2 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code, le bénéfice net imposable « est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt … L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ; qu’aux termes de l’article 39-1 du même code, « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment … 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précises et que des événements en cours rendent probables … » ; que la déductibilité de ces charges ou frais est, en toute hypothèse, subordonnée à la condition d’être appuyée de justifications suffisantes de nature à établir leur caractère certain dans leur principe et leur montant pour les exercices ultérieurs ;

Considérant qu’à la suite d’un accord signé le 7 mars 1988 par la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN et par la CGE ayant notamment pour objet, au moyen d’une augmentation du capital de la Société Générale d’Entreprise (SGE), le transfert de son contrôle aux actionnaires du groupe CGE, il a été convenu que la partie cédante garantirait notamment le passif général non inventorié de la société cédée, dont corrélativement la gestion a cessé d’être assurée le 30 juin 1988 par la société Spafi ; qu’en application de l’accord en question dont le caractère juridique de convention de garantie de passif n’est pas contesté, la société Spafi, après inventaire contradictoire entre elle et les actionnaires de la CGE des pertes et contentieux engageant la responsabilité du gestionnaire, a inscrit en charges à payer la somme 168 669 800 F résultant de sa quote-part de participation au capital de la SGE ; que le vérificateur a considéré que cette somme devait être analysée comme un élément du prix de revient de la participation détenue par la société Spafi, compte tenu de ce que les dépenses qui ont pour contrepartie l’entrée d’un nouvel élément dans l’actif de l’entreprise ou l’augmentation de la valeur d’un élément d’actif ne constituent pas des charges déductibles pour la détermination du bénéfice imposable ;

Considérant en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que l’accord du 7 mars 1988 portait cession au groupe CGE, indépendant du groupe SAINT-GOBAIN, de la société SGE, dont la gestion était alors assurée par la société Spafi ; que cet accord ainsi que les autres actes en découlant, notamment l’approbation de cette cession formulée lors de l’assemblée générale extraordinaire du 30 juin 1988 des actionnaires de la SGE, les concertations avec les nouveaux actionnaires dans le but d’évaluer le passif relevant de la garantie, l’inscription de celle-ci dans ses comptes de l’exercice 1988 ainsi que la lettre du 9 janvier 1989 désignant la société Spafi pour garantir une partie du passif, engageaient par là même la société gestionnaire, filiale de la compagnie requérante à près de 100 % de son capital, à réparer le préjudice subi par les nouveaux actionnaires du fait d’une sous-estimation du passif de la société cédée, à hauteur de la quote-part qu’elle en détenait ; que par suite, bien que n’ayant pas été partie directe à l’accord du 7 mars 1988, et alors que la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN avait été fiscalement admise au régime du bénéfice consolidé, la société Spafi doit être regardée comme ayant été pleinement associée à cet accord, et n’ayant d’autre alternative que d’exécuter la garantie de passif litigieuse, à la mesure de sa participation et de sa responsabilité de gestion ;

Considérant en deuxième lieu, que la circonstance que la garantie de passif dont s’agit constituait l’une des conditions de la cession de la société SGE au groupe CGE, ne pouvait avoir pour effet de lui conférer le caractère d’un élément du prix de vente et, par voie de conséquence de lui ôter la nature de charge déductible des résultats de l’exercice au cours duquel la susdite cession a été effectuée ; qu’en outre, la somme représentative de la garantie de passif réclamée à la société Spafi ne peut davantage être regardée comme un élément du prix de revient de la participation de cette dernière dans le capital de la société cédée en raison de l’absence d’un avantage patrimonial mais présentait le caractère de dommages et intérêts, du fait de sa responsabilité dans la gestion de la SGE jusqu’à la date de la cession ; que de tels dommages et intérêts constituent également en principe une charge déductible des résultats de l’exercice concerné ;

Considérant en troisième lieu, que ne peuvent être portées dans un compte de charges à payer que les charges, non encore payées, se rattachant à l’exercice en cours, lorsqu’elles sont certaines dans leur principe et leur montant ; que la garantie de passif en question résultait de l’accord du 7 mars 1988 ainsi que de tous les actes ultérieurs précédemment énumérés, dont l’existence et la réalité ne sont pas contestés par l’administration ; que cette charge était dès lors devenue certaine dans son principe ;

Considérant toutefois qu’il résulte de l’instruction que, si le montant du passif à garantir a été discuté dans des réunions mixtes entre les deux groupes signataires du susdit accord, notamment les 20 septembre et 25 octobre 1988, il apparaît sur le document final du 30 décembre 1988 relatif aux dossiers retenus par la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN, que le chiffre de 362 793 KF « est accepté, le cas échéant avec réserve et en tenant compte des observations générales formulées au § 1, au titre de la garantie générale … », ce chiffre étant ensuite estimé à 362 812 KF, et la lettre susmentionnée du 9 janvier 1989 ne faisant mention à ce sujet d’aucun chiffre ; que cette évaluation ne pouvait, dans ces conditions, être qualifiée de définitive ; qu’il en résulte que la charge représentative de la garantie de passif ne présentait pas, selon les pièces produites au dossier, un caractère définitif pour pouvoir être comptabilisée en clôture d’exercice en tant que dette certaine dans son montant, dans un compte de charges à payer et ne pouvait donner lieu, comme le fait valoir l’administration, qu’à constatation d’une provision que la société s’est abstenue de constituer ; qu’en outre, si la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN évoque dans ses écrits l’exécution partielle de cette garantie au moyen d’une première échéance semestrielle le 31 décembre 1988, elle ne l’établit pas ;

Considérant dès lors, que la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande concernant la réintégration, au titre de l’exercice 1988, dans les bases imposables de l’impôt sur les sociétés consolidé de sa société filiale Spafi, d’une somme de 168 669 800 F correspondant à l’exécution d’une convention de garantie de passif ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN est rejetée.

2

N° 04PA04072


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