Cour Administrative d’Appel de Paris, 5ème chambre – Formation B, 05/03/2007, 04PA01688, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Paris, 5ème chambre – Formation B, 05/03/2007, 04PA01688, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2004, présentée pour la société anonyme RESIMMO, représentée par le président de son conseil d’administration, M. Nabil Al , ayant son siège social 61 rue de Ponthieu à Paris (75008), par Me Cavaillé ; la SA RESIMMO demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement nº 9711675 et 9711680 en date du 18 mars 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d’impôts sur les sociétés mis en recouvrement le 31 octobre 1995, et du rappel de retenue à la source mis en recouvrement le 23 juin 1995, au titre de l’année 1990, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 4 500 euros, au titre des frais irrépétibles ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 février 2007 :

– le rapport de M. Privesse, rapporteur,

– les observations de Me Cavaillé, pour la société requérante,

– et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Et connaissance prise de la note en délibérée présentée le 12 février 2007 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société anonyme RESIMMO, alors SARL RESIMMO, qui avait comme activité la gestion locative d’un ensemble immobilier dénommé « Tour Pariferic » à Aubervilliers, a déduit en charges une commission de 8 MF versée le 16 mars 1990 à la société de droit libanais Libco SARL à la suite de la cession de cet ensemble le 15 mars 1990 pour un prix total de 310 MF, ainsi que des honoraires et frais pour un montant total de 1 365 099 F versés à la société Meoc ayant également son siège au Liban, pour une prestation de services finalement admise par le service, dans un souci de conciliation, à hauteur de 700 000 F ; qu’à la suite d’une vérification de comptabilité, ces commission, honoraires et frais ont été notamment réintégrés dans le résultat imposable de la société au titre de l’année 1990, avec les intérêts de retard y afférents, par une première notification de redressements du 14 mai 1993 ; que par ailleurs, l’actionnaire majoritaire de la société requérante, à savoir la société de droit britannique Resico Ltd ayant été désigné comme bénéficiaire de la distribution des sommes en question, soit pour un montant total de 8 665 099 F, celles-ci ont fait l’objet d’une retenue à la source de 5 %, appliquée à la société RESIMMO au moyen d’une seconde notification du 15 octobre 1993 ; que la société requérante relève appel du jugement susmentionné, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés correspondant à ces redressements ainsi que de la retenue à la source, en faisant notamment valoir qu’elle était tenue au versement d’une commission à la société libanaise en vertu du mandat exclusif de vente qu’elle avait signé, et que la prestation de services rendus par la société Meoc a été admise par l’administration, celle-ci ne démontrant pas l’inadéquation du prix payé ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant d’une part, qu’il n’est pas contesté que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a visé la note en délibéré émanant de la société RESIMMO, enregistrée au greffe le 19 février 2004 à la suite de l’audience tenue ce même jour ; que dès lors, cette note doit être présumée avoir été examinée par les premiers juges ; que s’il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision, il n’est tenu de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments qui y sont contenus, seulement si cette note contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office ; qu’en l’espèce, il n’est ni établi ni allégué que cette note aurait comporté des éléments de fait ou de droit nouveaux dont le demandeur n’aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture d’instruction ; que par suite, le tribunal n’était pas tenu de rouvrir l’instruction et de soumettre cette note au débat contradictoire, à peine d’irrégularité de sa décision ;

Considérant d’autre part, que le commissaire du gouvernement a pour mission d’exposer, au cours de l’audience publique, les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’affaire et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient ; qu’en l’espèce, en admettant même que le commissaire du gouvernement aurait exposé un argument nouveau pour contester l’obligation dans laquelle se serait trouvée la société RESIMMO de verser une commission à M. , venant aux droits de la société Libco Sarl, et que cet argument n’aurait pas été soumis au débat contradictoire, il ressort de l’examen du jugement qu’en tout état de cause, les premiers juges n’ont pas entendu s’approprier cet argument ; que par suite, le jugement attaqué n’est pas entaché d’irrégularité ;

Sur le fond :

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : 1° Les frais généraux de toute nature … » ; qu’en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu’en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis, notamment des factures, portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en aurait retirée ; que dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que les éléments produits ne sont en réalité pas probants, le contribuable pouvant dans ce cas encore démontrer qu’il a effectivement bénéficié de la livraison de bien ou de la prestation de service ayant donné lieu à la déduction en cause ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que la cession susmentionnée de la tour Pariferic à un groupe d’investisseurs parmi lesquels la SA Financière Bassano, s’est opérée par l’intermédiaire du cabinet Sedimo rétribué au moyen d’une commission d’environ 5,9 MF fixée par un mandat simple de vente du 18 juillet 1989 ; que cependant, la société requérante verse au dossier une lettre en date du 19 juin 1989, adressé à « M. » et authentifié par un notaire libanais le 23 juin 1989, par laquelle elle s’était engagée à recourir aux services de la société de droit libanais dénommée « Libco SARL » par un mandat exclusif dans le but d’assurer cette vente, moyennant une commission de 5 % versée lors de celle-ci ; qu’il est constant que cette société ne possédait en France ni bureau ni établissement stable ; qu’un premier courrier émanant de cette société libanaise du 30 juin 1989, versé au dossier mais non authentifié, rappelle à la société requérante son obligation de verser ladite commission, tandis qu’un second courrier du 1er août 1989, non produit, a admis une réduction de celle-ci à hauteur de 8 MF, cet échange s’achevant par l’émission par « Libco Sarl » d’une facture du 5 mars 1990 de ce montant ;

Considérant en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la société requérante, l’administration ne s’est prévalue, même implicitement et à aucun stade de la procédure, du caractère fictif du mandat exclusif de vente accordé au plus tard le 23 juin 1989 à la société « Libco SARL », non plus qu’elle n’a prétendu qu’un tel acte avait eu pour seul but d’éluder les impositions à la charge de la société requérante ; qu’elle s’est bornée à réintégrer la commission de 8 MF versée à cette société libanaise en contestant le caractère juridique et les effets du mandat conclu le 19 juin 1989 avec celle-ci, et notamment son opposabilité à l’administration ; que ce faisant, même si l’administration a écarté ledit mandat, source, selon la société RESIMMO, de son obligation de payer une commission à la société libanaise, elle ne s’est pas placée sur le terrain de l’abus de droit ; que par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été privée des garanties prévues aux articles L. 64 et R. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant en deuxième lieu, que pour justifier la charge litigieuse de 8 MF, la société RESIMMO présente la facture susmentionnée du 5 mars 1990, émanant de la société « Libco SARL » à Beyrouth, dépourvue de toute mention légale relative à l’enregistrement de celle-ci auprès des autorités libanaises ; que l’administration affirme, sans être utilement contestée, que cette société libanaise n’avait pas d’existence avérée, les documents produits par la société requérante ne faisant état que d’un enregistrement en 1982 au registre du commerce libanais d’une entreprise individuelle dirigée par M. Bachar sous la simple dénomination de Libco ainsi que de la circonstance que celui-ci s’est acquitté jusqu’en 1991 de l’impôt sur le revenu au titre de cette enseigne commerciale ; qu’au demeurant, par un courrier de 14 ans postérieur à l’époque des faits, M. ne fait que confirmer l’inexistence juridique de la société « Libco SARL », déclarant qu’étant en cours de formation entre les mois de février et d’octobre 1989, elle n’a pas été constituée ; que si celui-ci ajoute, dans ce même courrier de février 2004, que les actes signés sous cette dénomination ont été repris par lui conformément aux statuts, il ne ressort d’aucune pièce authentifiée contemporaine des faits, qu’un lien ait pu alors exister entre « Libco SARL » et lui, les statuts évoqués n’étant d’ailleurs pas produits ; qu’à l’inverse, le seul document pouvant avoir valeur authentique, à savoir le courrier du 19 juin 1989, était adressé à « M. », tandis que les courriers précédemment mentionnés ne comportent jamais de référence à M. ; qu’enfin, les attestations de l’attaché commercial près l’ambassade de France au Liban du 18 novembre 1996, et de M. du 19 octobre 2000, outre leur caractère récent par rapport aux faits de l’espèce, n’apportent aucun élément nouveau relatif à l’existence d’un lien entre M. et la dénomination « Libco SARL » ; que dès lors, la société requérante n’établit pas avoir effectivement versé la commission litigieuse à une société ou une personne physique nettement identifiée, l’administration ayant à juste titre mis en cause la réalité dudit versement ;

Considérant également, que cette même facture de la société « Libco SARL » a été établie « à titre de commission d’introduction entre le vendeur et l’acheteur », alors que la société RESIMMO reconnaît elle-même que la vente de la tour a procédé de la seule intervention du cabinet Sedimo, implanté en France ; qu’aucun document n’atteste de démarches effectuées par la société libanaise dans le cadre de la vente de l’ensemble immobilier dont s’agit ; que la société requérante ne justifie pas davantage de la compétence de la société libanaise, lui ayant permis d’intervenir sur le marché immobilier parisien, les attestations récentes du dossier, qui font état de participations à des programmes immobiliers au Liban, ne pouvant, en tout état de cause, être prises en compte à l’époque des faits ; que par suite, l’administration fiscale pouvait à bon droit estimer que la commission litigieuse n’avait pas de contrepartie établie et ne correspondent pas à un mandat effectif ;

Considérant en troisième lieu, que la société requérante n’apporte pas davantage en appel d’éléments permettant d’établir la nature et l’importance des services rendus par la société libanaise Meoc en contrepartie de la commission de 1 MF prévue par le mandat de recherche d’investissements signé le 30 avril 1990, et versée le 18 décembre suivant, pour un montant total frais compris de 1 365 099 francs réintégré aux résultats de la société de l’exercice 1990 ; que sur cette dernière somme, un montant de 700 000 F a été admis par l’administration, à titre seulement gracieux ; que notamment, l’existence de la société Meoc n’a pu être établie par la société requérante, tandis que l’étude qu’elle a fournie ne comporte que des informations générales sur la situation économique du Liban, le paiement n’étant pas lié à ses résultats au demeurant incertains ; que par suite, l’administration était fondée à remettre en cause le caractère déductible de la somme susmentionnée, dépourvue de contrepartie sinon d’intérêt pour le contribuable, tout du moins en sa partie excédant le montant admis par l’administration ;

Considérant en quatrième lieu, qu’en se bornant à reproduire dans les mêmes termes les moyens présentés devant le tribunal administratif, relatifs à la retenue à la source consécutive à la réintégration des commissions versées aux sociétés Libco SARL et Meoc, la société RESIMMO ne conteste pas utilement les motifs par lesquels les premiers juges ont rejeté ces moyens, qu’il convient dès lors d’adopter ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA RESIMMO n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d’impôts sur les sociétés mis en recouvrement le 31 octobre 1995, et du rappel de retenue à la source mis en recouvrement le 23 juin 1995, au titre de l’année 1990, et des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à la SA RESIMMO la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société anonyme RESIMMO est rejetée.

2

N° 04PA01688


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