Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2006, présentée pour la société anonyme TRANSFORMANCE, dont le siège social est boulevard Bineau 92300 (Levallois), venant aux droits et obligations de la société anonyme Référence conseil, par Me Bensaïd ; la SA TRANSFORMANCE demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 9900900/2 en date du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 1992, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
…
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 février 2008 :
– le rapport de M. Privesse, rapporteur,
– et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’à la suite d’une vérification de comptabilité de la société anonyme Référence conseil (RFC), créée le 21 septembre 1991 et absorbée le 24 décembre 1996 par la société requérante venant dès lors à ses droits et obligations, l’administration a remis en cause le régime d’exonération de l’imposition des bénéfices qu’elle avait réalisés durant ses deux premiers exercices, à savoir du 1er octobre 1991 au 31 décembre 1993, selon les modalités prévues par les dispositions de l’article 44 sexiès du code général des impôts sous lequel elle s’était placée, des redressements au titre de 1992 lui étant notifiés le 22 mars 1995 ; que la société anonyme TRANSFORMANCE relève régulièrement appel du jugement susmentionné du 18 février 2005, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’imposition supplémentaire mise à sa charge de ce fait, en raison de l’irrégularité de la procédure d’imposition suivie, et de ce qu’elle ne peut qu’être regardée comme ayant essentiellement des activités de nature commerciale, le reste de celles-ci en étant indissociable ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Sur la compétence territoriale du vérificateur :
Considérant qu’en vertu de l’article 376 de l’annexe II au code général des impôts, alors applicable, l’inspecteur territorialement compétent pour contrôler les déclarations d’un contribuable et lui notifier des redressements est celui qui est compétent pour recevoir ses déclarations, c’est-à-dire celui affecté dans un service dans le ressort duquel le contribuable doit être imposé ; qu’aux termes de l’article 218 A, 1 du même code : « L’impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. Toutefois l’administration peut désigner comme lieu d’imposition soit celui où est assurée la direction effective de la société soit celui de son siège social » ; que selon l’article 45 de l’annexe III audit code : « Les déclarations dûment signées sont remises ou adressées par les contribuables au service des impôts du lieu de leur résidence ou de leur principal établissement dans le délai prévu à l’article 175 du code général des impôts » ; qu’enfin, en vertu de l’article R. 85, 1 du livre des procédures fiscales, les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés doivent tenir leur comptabilité à la disposition du service à leur lieu d’imposition ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les agents de l’administration des impôts sont compétents pour vérifier la comptabilité des contribuables dont le principal établissement est situé, à la date de souscription de la déclaration de résultats, dans le ressort territorial du service où ils sont affectés ;
Considérant que la société anonyme TRANSFORMANCE soutient que la société RFC ayant transféré son siège social à Charenton-le-Pont, le vérificateur affecté à la direction des services fiscaux de Paris-Est ne devait pas être territorialement compétent pour assurer son contrôle ; qu’il est cependant constant que c’est auprès du service des impôts de la direction de Paris-Est, dans le ressort de laquelle se situait son siège social ainsi que son principal établissement antérieurement à son changement d’adresse au 1er janvier 1995, que la société anonyme RFC avait déposé ses déclarations de résultats pour les exercices litigieux ; qu’au surplus, il n’est pas établi que ce changement d’adresse ait été porté à la connaissance de l’administration antérieurement à la correspondance de la société datée du 7 janvier 1995 ; que dans ces conditions, l’agent qui a procédé aux redressements avait qualité pour ce faire, alors même que les opérations de contrôle se sont déroulées dans un autre département, en raison du changement d’adresse susmentionné ;
Sur la régularité de la notification de l’avis de vérification et de la notification de redressements :
Considérant d’une part, que la société anonyme TRANSFORMANCE reprend en appel le moyen tiré de l’absence de régularité de la notification de l’avis de vérification du 21 décembre 1994, reçu le 2 janvier 1995, au domicile du dirigeant alors en exercice de la société RFC ; que le jugement attaqué a correctement répondu au moyen sus-analysé ; qu’il y a lieu, dès lors, par adoption des motifs des premiers juges, de l’écarter, en observant en outre que le délai de dix jours situé entre la réception de l’avis vérification et le début des opérations de contrôle, s’est écoulé hors période de fêtes et que la société n’établit pas que la personne ayant signé l’accusé de réception de cet avis de vérification n’était pas habilitée à recevoir le pli ;
Considérant d’autre part, que s’agissant du moyen tiré de ce que les droits du contribuable vérifié auraient été violés en raison de la notification ultérieure, le 12 avril 1995, au dirigeant lui-même d’une copie de la notification de redressement du 22 mars 1995, la société anonyme TRANSFORMANCE ne présente en appel à l’appui de ce moyen aucune argumentation de nature à remettre en cause la motivation qu’ont retenu les premiers juges pour le rejeter et qu’il y a lieu d’adopter, alors au surplus que la société a effectivement bénéficié de toutes les garanties de procédure ;
Sur la modification de la motivation :
Considérant que, dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 12 mai 1995, l’administration a indiqué que la société anonyme RFC pouvait être regardée comme exerçant, pour partie, une activité commerciale, tout en maintenant une motivation analogue sur le caractère non commercial de l’ensemble de son activité ; que ce faisant, l’administration n’a pas modifié le motif du redressement non plus qu’elle n’a modifié les bases de l’imposition mise à la charge de la société, ni a fortiori procédé à des redressements supplémentaires ; qu’elle n’avait pas, par suite, à procéder à une nouvelle notification des redressements opérés ; qu’en tout état de cause, la société requérante ne saurait se prévaloir utilement du bénéfice d’une doctrine administrative sur le fondement de l’article L. 80 A, en matière de procédure d’imposition ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme TRANSFORMANCE n’est pas fondée à soutenir que la procédure d’imposition serait irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu’aux termes du I de cet article 44 sexiès : « Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale, au sens de l’article 34, sont exonérées d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu’au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l’article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l’impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu’ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d’exonération. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux entreprises qui exercent une activité bancaire, financière, d’assurances, de gestion ou de location d’immeubles » ; qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l’article 14 de la loi du 23 décembre 1988 dont elles sont issues, que le législateur a entendu réserver le régime prévu par l’article 44 sexies aux entreprises nouvelles dont l’activité est de nature industrielle, commerciale ou artisanale, à l’exception toutefois de celles qui exercent notamment une activité bancaire ou financière, et en exclure les entreprises nouvelles dont les bénéfices proviennent, en tout ou partie, d’activités d’une autre nature, du moins lorsque ces activités ne constituent pas le complément indissociable d’une activité exonérée ;
Considérant d’une part, que la société anonyme RFC, fondée par M. X qui en était le président-directeur général et le seul salarié de l’entreprise au cours de la période contrôlée, avait pour objet social une activité de conseil en management, développée à partir d’un concept mis au point par celui-ci et cédé à sa société, ayant pour but de créer un courant d’affaires entre les actionnaires de celle-ci et leurs clientèles ; que si la requérante fait valoir que tous les concepts commerciaux développés au travers de la société anonyme RFC principalement par ses actionnaires, dont M. X, étaient ensuite achetés par ceux-ci à la société et revendus à leurs clientèles, il est constant que l’activité de sous-traitance, que reconnaît l’administration à hauteur de 65 % environ du chiffre d’affaires de l’année litigieuse et sur laquelle s’appuie la société anonyme TRANSFORMANCE pour qualifier de « commerciale » la nature de son activité, procédait, à titre principal, de la participation personnelle à ce type de tâches des actionnaires, eux-mêmes conseils d’entreprise ou dirigeants de sociétés ; qu’ainsi, la majeure partie de la production de la société résultait non du travail de salariés, celle-ci n’en employant aucun à la date de clôture du premier exercice d’activité, mais de celui de ses actionnaires; que dès lors, dans les circonstances de l’espèce, l’activité de la société ne peut être regardée comme procédant à titre principal de la spéculation sur le travail d’autrui, et ne peut revêtir de ce fait un caractère commercial ;
Considérant d’autre part, que l’ensemble des activités exercées par la société anonyme RFC, consistait, à titre prépondérant, en des prestations à caractère intellectuel, relevant ainsi qu’il en a déjà été fait mention, de l’activité de conseil aux entreprises, activité libérale ; que l’intégration de la prestation réalisée par la société au sein du cycle d’activité du client n’est pas de nature à permettre de qualifier son activité de commerciale, pas davantage que la circonstance que son dirigeant avait un salaire fixe alors qu’il n’est pas contesté que près de 35 % du chiffre d’affaires de la société provenait, sous forme d’honoraires, des prestations de conseil réalisées par M. X, celles-ci ne relevant pas, par nature, d’une activité commerciale ; qu’ainsi, l’administration a pu, en se fondant sur ces éléments, en déduire à bon droit que ces activités n’entraient pas dans les prévisions des dispositions précitées de l’article 44 sexiès du code général des impôts ; que, dans ces conditions et en tout état de cause, le moyen tiré du caractère indissociable du complément d’activité apporté par M. X, ne peut qu’être sans incidence sur la qualification des activités exercées par sa société, et doit donc être écarté ; qu’il en sera de même du moyen fondé sur l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et relatif aux interprétations données par l’instruction du 5 novembre 2001 référencée 4 A-6-01 ainsi que par la réponse ministérielle Chabroux (Senat-29 juillet 1999-nº 16 303) s’agissant du complément indissociable d’une activité exonérée ;
Considérant en conséquence que la société anonyme RFC ne pouvait bénéficier du régime d’exonération prévu à l’article 44 sexiès du code général des impôts ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant qu’en se bornant à reproduire dans les mêmes termes les moyens présentés devant le tribunal administratif, visant à soutenir qu’elle remplit les conditions exigées par l’article 1732 pour se voir exonérée des intérêts de retard en litige, en raison de la mention expresse que la société anonyme RFC avait jointe en annexe à sa déclaration de résultats, la société requérante ne critique pas utilement les motifs par lesquels les premiers juges ont rejeté ces mêmes moyens, qu’il convient, dès lors, d’adopter ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que la SA TRANSFORMANCE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, sa demande tendant à mettre à la charge de l’Etat le remboursement de frais irrépétibles, ne peut qu’être rejetée ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société anonyme TRANSFORMANCE est rejetée.
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N° 06PA01826