Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 12 mars 2010, présentés pour la SOCIETE TOWERCAST, dont le siège est 46/50 avenue Théophile Gautier à Paris (75016), représentée par ses représentants légaux, par la SCP Boutet ; la SOCIETE TOWERCAST demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0706026/6-1 du 30 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation, d’une part, de la délibération du Conseil de Paris en date des 12 et 13 février 2007 autorisant le maire de Paris à signer avec la SA Télédiffusion de France (TDF) une convention relative à l’occupation et à l’exploitation de locaux situés avenue Gustave Eiffel et de divers emplacements sur la Tour Eiffel pour la diffusion hertzienne de programmes audiovisuels depuis ce site et, d’autre part, de la convention susmentionnée ;
2°) d’annuler la délibération et la convention susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement d’une somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 janvier 2012 :
– le rapport de M. Boissy, rapporteur,
– les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
– et les observations de Me Boutet, pour la SOCIETE TOWERCAST, de Me Falala, pour la Ville de Paris, et celles de Me Guillaume, pour la SA Télédiffusion de France (TDF) ;
Considérant que la Ville de Paris a lancé, le 21 mars 2006, un appel à candidatures en vue du renouvellement du contrat, dénommé convention d’occupation domaniale, dont était titulaire la SA Télédiffusion de France (TDF) et ayant pour objet » la diffusion hertzienne de programmes de radio-télévision depuis le site de la Tour Eiffel » ; qu’après négociation, l’offre de la SOCIETE TOWERCAST a été rejetée et celle de la SA TDF retenue ; que, par une délibération en date des 12 et 13 février 2007, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a approuvé le projet de convention qui lui était proposé et a autorisé le maire à procéder à sa signature ; que cette convention a été signée le 13 février 2007 ; que la SOCIETE TOWERCAST fait appel du jugement du 30 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération des 12 et 13 février 2007 et de la convention du 13 février 2007 susmentionnées ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la SOCIETE TOWERCAST soutient qu’en ne statuant pas sur son moyen tiré de ce que la convention du 13 février 2007 a été signée en méconnaissance de l’ordonnance du même jour par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Paris lui a ordonné de suspendre la signature de ce contrat, les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d’une insuffisance de motivation ;
Considérant, d’une part, que si la SOCIETE TOWERCAST soutient que la convention litigieuse ne constitue pas une convention d’occupation domaniale mais une délégation de service public, elle n’apporte toutefois à l’appui de cette argumentation, déjà soulevée devant le Tribunal administratif de Paris, aucun élément qui serait susceptible de remettre en cause l’appréciation que les premiers juges ont à bon droit portée sur cette argumentation ; que, dès lors, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, la convention en litige constitue bien une convention d’occupation domaniale ;
Considérant, d’autre part, que la procédure de l’article L. 551-1 du code de justice administrative n’est pas applicable aux conventions d’occupation domaniale ; qu’en signant la convention en litige avec la SA TDF, la Ville de Paris ne peut donc pas, en tout état de cause, être regardée comme ayant méconnu l’effectivité du recours au juge des référés précontractuels ; que, dès lors, la circonstance, à la supposer même établie, que la signature de cette convention, le 13 février 2007, serait en réalité intervenue en méconnaissance de l’injonction prononcée par le juge des référés de différer la signature de ce contrat reste par elle-même sans incidence sur la validité de la convention contestée ; que, par suite, le moyen de la SOCIETE TOWERCAST soulevé devant le Tribunal administratif de Paris était inopérant ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en ne statuant pas expressément sur ce moyen inopérant, les premiers juges n’ont entaché le jugement attaqué d’aucune insuffisance de motivation ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S’agissant de la délibération des 12 et 13 février 2007 :
Considérant que, dans le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SOCIETE TOWERCAST tendant à l’annulation de la délibération des 12 et 13 février 2007 en estimant qu’elle n’était pas recevable à exercer cette action dès lors qu’elle avait également formé un recours de pleine juridiction, recevable, contestant la validité de la convention signée le 13 février 2007 ;
Considérant qu’il n’appartient pas au juge d’appel, devant lequel l’appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d’office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit ;
Considérant que la SOCIETE TOWERCAST n’a pas contesté devant la Cour le motif retenu par les premiers juges pour rejeter comme irrecevable sa demande dirigée contre la délibération du 12 et 13 février 2007 ; que, par suite, elle n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a rejeté cette demande ;
S’agissant de la convention signée le 13 février 2007 :
Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été ci-dessus, la convention en litige constitue une convention d’occupation domaniale et non une convention de délégation de service public ; que les conventions d’occupation domaniale n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les circonstances dans lesquelles, le 13 février 2007, Mme , directrice des finances de la Ville de Paris, par ailleurs titulaire d’une délégation de signature du maire de Paris régulièrement publiée, a signé la convention en litige, ne peuvent, en tout état de cause, être regardées comme révélant la volonté de la Ville de Paris de » contourner la procédure de référé précontractuel » et de porter ainsi atteinte à son droit au recours effectif au juge chargé de contrôler le respect des règles de mise en concurrence ; que, dès lors, dans les circonstances de l’espèce, la SOCIETE TOWERCAST ne peut utilement contester la validité de la convention en litige à ce titre ;
Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 420-2 du code du commerce, est notamment prohibée » l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci » ; qu’il incombe à l’autorité administrative, affectataire du domaine public, lorsque celui-ci est le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération, pour la gestion de ce domaine, non seulement l’intérêt du domaine et l’intérêt général, mais encore les diverses règles, tels que le principe d’égalité et l’interdiction de l’abus de position dominante prévue par les dispositions précitées du code de commerce, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ; qu’aux termes de l’article 2.6.2 du cahier de consultation : » Le futur occupant précisera les délais d’installation prévus et le dispositif envisagé pour prévenir toute interruption de service ou baisse de qualité pour la population actuellement couverte par les installations situées au sein de la Tour Eiffel. Il précisera à cet effet un planning d’installation coordonné avec celui de l’éventuel retrait des installations existantes. L’occupant prendra les lieux libres de toutes les installations appartenant à l’occupant précédent sauf accord passé avec ce dernier. Compte tenu du contexte nouveau d’ouverture à la concurrence, il est attendu du précédent occupant qu’il négocie de bonne foi la cession des actifs dont il entendrait se défaire dans des conditions permettant la continuité du service public sans aucune interruption » ;
Considérant que la SOCIETE TOWERCAST soutient que la Ville de Paris, en n’empêchant pas la SA TDF d’abuser de sa position dominante, a en l’espèce méconnu ses obligations de mise en concurrence ;
Considérant, tout d’abord, qu’il résulte de l’instruction que, quelles qu’aient pu être les réticences initiales de la SA TDF à communiquer certaines informations qu’elle détenait, la SOCIETE TOWERCAST, grâce au concours des services de la Ville de Paris, a en définitive obtenu l’ensemble des informations qu’elle avait demandées et qui étaient nécessaires non seulement à la présentation de son offre mais également à l’amélioration de celle-ci ; qu’en particulier, la SOCIETE TOWERCAST n’établit pas que la SA TDF se serait livrée à des pratiques ou des manoeuvres, dans la transmission des informations demandées, telles qu’elles l’auraient empêcher d’améliorer l’ » offre ultime » qu’elle a proposée le 21 décembre 2006 ;
Considérant, ensuite, que la SA TDF a évalué le prix d’acquisition de l’ensemble des équipements nécessaires aux missions fixées par la convention d’occupation domaniale à 27 millions d’euros en se fondant sur une méthode d’amortissement économique dont elle justifie le recours en versant au dossier une étude de la société Tera consultants ; qu’en se bornant à faire valoir en appel que le prix de rachat du matériel a été fixé à une somme exorbitante, injustifiée et inéquitable, sans apporter aucun élément susceptible de remettre en cause la méthode retenue par la SA TDF et le montant obtenu, la SOCIETE TOWERCAST ne conteste pas sérieusement l’évaluation des actifs qui a été portée à sa connaissance ; que si l’Autorité de la concurrence a désigné un expert, le 6 décembre 2011, dans le cadre du dossier qui lui est soumis, dont la mission porte notamment sur la valorisation des actifs de la SA TDF sur le site de la Tour Eiffel, cette seule circonstance n’est pas de nature, par elle-même, à jeter le discrédit sur la méthode retenue par la SA TDF ou à remettre sérieusement en cause la valorisation des actifs qui a été faite par la SA TDF ;
Considérant, enfin, qu’il ne résulte pas des stipulations de l’article 2.6.2 du cahier de consultation que la Ville de Paris ait entendu imposer au futur occupant de la concession domaniale le rachat de l’intégralité des équipements de la SA TDF ; qu’il ne résulte pas davantage de l’instruction que la SOCIETE TOWERCAST aurait demandé à la Ville de Paris ou à la SA TDF d’examiner des options alternatives au rachat du matériel déjà présent sur le site, tels le sous-hébergement, la cession partielle ou la location ou que de telles solutions n’étaient économiquement pas pertinentes ;
Considérant, dès lors, que la SOCIETE TOWERCAST n’est pas fondée à soutenir que les stipulations précitées de l’article 2.6.2 du cahier de consultation et les agissements de la Ville de Paris ont eu pour effet de placer la SA TDF dans une situation d’abus de position dominante au sens des dispositions de l’article L. 420-2 du code du commerce ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la SOCIETE TOWERCAST n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation, d’une part, de la délibération du Conseil de Paris en date des 12 et 13 février 2007 autorisant le maire de Paris à signer avec la SA TDF la convention relative à l’occupation et à l’exploitation de locaux situés avenue Gustave Eiffel et de divers emplacements sur la Tour Eiffel pour la diffusion hertzienne de programmes audiovisuels depuis ce site et, d’autre part, de la convention susmentionnée ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SOCIETE TOWERCAST au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE TOWERCAST le versement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais respectivement exposés par la Ville de Paris et la SA TDF et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE TOWERCAST est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE TOWERCAST versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La SOCIETE TOWERCAST versera à la SA TDF une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA00316