Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(4ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée le 13 mai 1996 au greffe de la cour, présentée par le PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :
1 ) d’annuler le jugement n 95010967/6 en date du 19 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal de Tremblay-en-France du 27 octobre 1994, ainsi que les articles 4-7 et 4-8 de la convention du 10 février 1995 passée avec la société d’aménagement de gestion et d’équipement (SAGE) ;
2 ) d’annuler ladite délibération ainsi que lesdits articles de ladite convention ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales ;
VU la loi n 82-6 du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983, et notamment son article 4 ;
VU la loi n 82-213 du 2 mars 1982 modifiée, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et notamment son article 5 ;
VU la loi n 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d’économie mixte locales ;
VU la loi n 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 février 1999 :
– le rapport de Mme ADDA, premier conseiller,
– les observations du cabinet PERU, avocat, pour la commune de Tremblay-en-France et la SAGE,
– et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité du déféré préfectoral en première instance :
Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 2 mars 1982 modifiée, applicable à la date du déféré : « Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l’article précédent qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission » ;
Considérant, d’une part, que le déféré du PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS a été introduit devant le tribunal administratif de Paris le 11 juillet 1995 ; qu’il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée a été reçue en sous-préfecture le 6 décembre 1994 ; qu’il en résulte que la commune de Tremblay-en-France et la SAGE sont fondées à soutenir que le déféré était tardif en tant qu’il était dirigé contre la délibération du conseil municipal du 27 octobre 1994 ;
Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que la convention du 10 février 1995 passée entre la commune de Tremblay-en-France et la SAGE a été reçue en sous-préfecture du Raincy le 10 février 1995 ; que, par lettre adressée le 17 février 1995 et reçue le 28 février 1995, soit dans le délai de recours à l’encontre de ladite convention, le sous-préfet du Raincy a demandé au maire de Tremblay-en-France de revoir les termes de la convention conformément aux dispositions légales en vigueur ; que, par lettre en date du 4 mai 1995, reçue le 12 mai 1995 en sous-préfecture, le maire de Tremblay-en-France a rejeté les observations formulées par le préfet relatives aux articles 4-7 et 4-8 de ladite convention ; que cette lettre doit être regardée comme le rejet du recours gracieux du préfet qui avait conservé le délai de recours contentieux ; qu’il suit de là que le déféré du préfet introduit le 11 juillet 1995 devant le tribunal administratif de Paris était recevable en tant qu’il était dirigé contre ladite convention ;
Sur la légalité des articles 4-7 et 4-8 de la convention du 10 février 1995 passée avec la SAGE :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 2 mars 1982 dans sa rédaction alors applicable : « la commune peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent article. I Lorsque son intervention a pour objet de favoriser le développement économique, la commune peut accorder des aides directes et indirectes dans les conditions prévues par la loi approuvant le Plan » ; qu’aux termes de l’article 4 de la loi susvisée du 7 janvier 1982, approuvant le plan intérimaire 1982-1983, « les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les régions peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l’extension d’activité économique, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises, dans les conditions ci-après ; les aides directes revêtent la forme de prime régionale à la création d’entreprise, de primes régionales à l’emploi, de bonifications d’intérêt ou de prêts et avances à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. Les aides directes sont attribuées par la région dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat ( …) Les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, ainsi que par les régions, seuls ou conjointement ( …) » ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée du 7 juillet 1983 : « Les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnus par la loi, créer des sociétés d’économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à d’autres personnes publiques pour réaliser des opérations d’aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d’intérêt général » ; et qu’aux termes de l’article 5 de la même loi : « I. Lorsqu’il ne s’agit pas de prestations de service, les rapports entre les collectivités territoriales ( …), d’une part, et les sociétés d’économie mixte locales, d’autre part, sont définies par une convention qui prévoit, à peine de nullité : ( …) 3 Les obligations de chacune des parties et, le cas échéant, le montant de leur participation financière, l’état de leurs apports en nature ainsi que les conditions dans lesquelles la collectivité ( …) fera l’avance de fonds nécessaire au financement de la mission ou remboursera les dépenses exposées pour son compte et préalablement définies » ;
Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu’une commune a confié une mission à une société d’économie mixte locale dont elle est actionnaire, elle peut lui consentir une avance de trésorerie pour l’exécution de cette mission ; qu’en dehors de ce cas, et sous réserve de celui dans lequel la société a agi en qualité de mandataire de la commune et obtient le remboursement de dépenses exposées pour le compte de la mandante et préalablement définies, la commune ne peut accorder légalement d’aides directes à une société d’économie mixte locale qu’en respectant les conditions fixées par les lois du 7 janvier 1982 et du 2 mars 1982 ;
Considérant que, par la délibération litigieuse du 27 octobre 1994, le conseil municipal de la commune de Tremblay-en-France a autorisé son maire à passer avec la SAGE, société d’économie mixte dont la commune est le principal actionnaire, une convention confiant à ladite société la réalisation d’un programme de construction de 14 logements PLA, rue de Bretagne à Tremblay-en France ; que les stipulations des articles 4-7 et 4-8 de cette convention, qui ont pour objet la prise en charge systématique des déficits d’exploitation de la SAGE, prévoient le versement de sommes qui ne peuvent être regardées ni comme des avances de trésorerie consenties pour l’exécution d’une mission, ni comme le remboursement de dépenses exposées pour le compte de la commune par un mandataire, mais sont constitutives d’aides directes dont il ne ressort pas des pièces du dossier, et dont il n’est d’ailleurs pas allégué, qu’elles viendraient en complément d’une aide de la région ; que lesdites sommes ont donc été accordées par la commune en méconnaissance des règles susrappelées ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté son déféré en tant qu’il tendait à l’annulation des articles 4-7 et 4-8 de la convention conclue le 10 février 1995 entre la commune de Tremblay-en-France et la SAGE ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande de la commune de Tremblay-en-France et de la SAGE présentée à ce titre ;
Article 1er : Le jugement n 95010967/6 du 19 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu’il a rejeté le déféré du PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS en tant qu’il tendait à l’annulation des articles 4-7 et 4-8 de la convention conclue le 10 février 1995 entre la commune de Tremblay-en-France et la société d’aménagement de gestion et d’équipement.
Article 2 : Les articles 4-7 et 4-8 de la convention conclue le 10 février 1995 entre la commune de Tremblay-en-France et la société d’aménagement de gestion et d’équipement sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS est rejeté.