Cour administrative d’appel de Paris, 3e chambre, du 24 octobre 1991, 89PA00815, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 3e chambre, du 24 octobre 1991, 89PA00815, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU l’ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d’Etat par la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » ;

VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » dont le siège social est …, par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 11 janvier et 9 mai 1988 ; la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement en date du 14 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction du complément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1978 à 1980 et à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1978 au 31 décembre 1980 par avis de mise en recouvrement du 26 juillet 1983 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 octobre 1991 :

– le rapport de M. GAYET, conseiller,

– les observations de la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, pour la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE »,

– et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a réintégré, d’une part, dans les bases d’imposition de la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » les excédents qu’elle distribuait à ses adhérents, d’autre part, les ristournes qu’elle encaissait des fournisseurs et affectait dans ses écritures sur un compte dénommé fonds de garantie ; qu’elle estimait que le groupe ne pouvait bénéficier des exonérations prévues à l’article 214-1-1° du code général des impôts et que les ristournes étaient directement appréhendées par lui ;

Sur la procédure :

Considérant que la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » ne peut utilement se prévaloir de l’article R.205 du livre des procédures fiscales, lequel n’est pas applicable aux cours administratives d’appel ; que dès lors, l’administration, qui a produit son mémoire en défense avant la clôture de l’instruction, ne peut être réputée avoir acquiescé aux faits exposés par la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » dans sa demande à la cour ;

Considérant, en second lieu, que si la requérante paraît se prévaloir du bénéfice de l’article R.153 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel qui dispose que si, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, la partie défenderesse n’a produit aucun mémoire elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête, il est constant qu’aucune mise en demeure n’a été effectuée ;

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne les excédents d’exploitation :

Sur l’application de la loi fiscale :

Considérant que, pour la détermination du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés, sont, aux termes de l’article 214-1 du code général des impôts, admis en déduction : « 1°) en ce qui concerne les sociétés coopératives de consommation les bonis provenant des opérations faites avec les associés et distribués à ces derniers au prorata de la commande de chacun d’eux » ;

Considérant qu’il est constant que la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » ne revêt pas la forme de société coopérative au sens des lois des 10 septembre 1947, 24 juillet 1966, et 24 juillet 1972 ; que la société ne peut donc pas prétendre, au regard de la loi fiscale, à l’exonération de l’impôt sur les sociétés prévue par ces dispositions ;

Sur l’application de la doctrine administrative :

Considérant que, sur le fondement de l’article L.80 A du livre des procédures fiscales, la requérante se prévaut de la doctrine administrative, telle qu’elle résulte des réponses ministérielles aux questions écrites de trois parlementaires MM. X…, Z… et Y… en date, respectivement des 18 octobre 1957, 7 mars 1964 et 7 mars 1970 ; qu’à supposer que l’administration ait entendu faire bénéficier de l’exonération d’imposition les bonis réalisés par certaines sociétés anonymes, il ressort de ces réponses que ces sociétés avaient l’obligation de respecter les principes de la coopération ; qu’il résulte de l’instruction que les articles 39 et 43 des statuts et l’article 10 du règlement intérieur de la société laissent à l’Assemblée générale le soin de fixer la clef de répartition des excédents, sans mentionner que les actionnaires disposent de droits égaux ; que, dès lors, la société ne respectait pas les principes de la coopération ;

Considérant, enfin, que la circonstance que l’administration n’a pas opéré de rehaussements lors de précédents contrôles ne saurait être regardée comme une interprétation d’un texte fiscal par lequel l’administration aurait formellement admis l’exonération ;

Sur la double imposition allèguée :

Considérant que le moyen tiré d’une éventuelle double imposition des sommes litigieuses, au nom de la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » et entre les mains des bénéficiaires est inopérant ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que les excédents distribués par la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » ont été regardés comme des bénéfices ;

En ce qui concerne les ristournes spéciales :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » négocie les commandes préalables pour le compte de ses adhérents et effectue directement auprès de fournisseurs le paiement pour des marchandises qui sont livrées dans les entrepôts des adhérents ; qu’afin de limiter le risque de non remboursement par certains adhérents des sommes réglées en leur nom aux fournisseurs par le groupement requérant, ce dernier a mis en place un fonds de garantie mutuel constitué de comptes individuels ouverts au nom de chaque adhérent ; que chaque compte est alimenté au moyen, d’une part, de versements faits par son titulaire, d’autre part, de ristournes accordées par les fournisseurs en fonction des achats effectués ; que ces ristournes spéciales, bien qu’affectées contractuellement au fonds de garantie par le biais des divers comptes individuels, restent pour la part lui revenant la propriété de chaque bénéficiaire ; que chacun d’eux comprend le montant dans le compte d’exploitation de sa propre entreprise en vue de déterminer son revenu imposable et, en cas de sortie du groupement, en obtient le reversement ; que, dès lors, ces sommes ne pouvaient être regardées ni comme imposables dans les résultats de la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE », ni comme provenant d’opérations taxables à la taxe sur la valeur ajoutée au nom de ce dernier ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, par le jugement entrepris le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande en réduction des impositions litigieuses du chef des ristournes affectées au comptes constituant le fonds de garantie ;

En ce qui concerne les frais de congrès :

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1° Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature » ;

Considérant qu’à supposer même que la société persiste à contester les frais de congrès réintégrés pour partie dans ses exercices de 1978 à 1980, elle n’appuie pas ses allégations de justifications suffisantes permettant d’admettre la déductibilité desdits frais ;

Article 1er : La base imposable à l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée assignée à la société anonyme « GROUPE MOBILIER DE FRANCE » au titre des années 1978, 1979 et 1980 est réduite respectivement de 1.566.286 F, 1.863.393 F et 1.949.702 F.

Article 2 : La société est déchargée des droits, cotisations et pénalités correspondant à la réduction de la base d’imposition à l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée définie à l’article précédent.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


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