Cour administrative d’appel de Paris, 2ème chambre , 27/05/2014, 13PA01448, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 2ème chambre , 27/05/2014, 13PA01448, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2013, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Brebislait, dont le siège est au BP 498 à Voh (98833), Nouvelle-Calédonie, représentée par son président-directeur général en exercice, par Me B… ; la société Brebislait demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1103175 du 20 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 5 août 2010 du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État refusant le bénéfice du régime de faveur prévu à l’article 199 undecies B du code général des impôts ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Et connaissance prise de la note en délibéré du 19 mai 2014 présentée pour la société Brebislait ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 mai 2014 :

– le rapport de Mme Appèche, président,

– les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

– et les observations de MeA…, substituant MeB…, pour la société Brebislait ;

1. Considérant que, par un courrier du 20 août 2009, la société Brebislait, établie en Nouvelle-Calédonie, a sollicité de l’autorité ministérielle le bénéfice des dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts pour un programme d’investissements d’un montant global de 4 214 295 euros (502 899 198 F CFP) prévoyant, dès l’année 2010, la construction d’installations à usage de bergerie à Ouaco, ainsi que la construction d’une fromagerie à Koné et, dès l’année 2011, la construction à Pocquereux d’une autre bergerie ; que, par la décision querellée du 5 août 2010, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État a refusé de faire droit à cette demande ; que la société Brebislait, ayant en vain demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler pour excès de pouvoir cette décision, relève appel du jugement n° 1103175 du 20 février 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 199 undecies B du code général des impôts :  » I. Les contribuables domiciliés en France (…) peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu’ils réalisent (…) en Nouvelle-Calédonie (…) II. Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 1 000 000 d’euros ne peuvent ouvrir droit à réduction que s’ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l’article 217 undecies (…)  » ; qu’aux termes du III de l’article 217 undecies alors en vigueur de ce code :  » 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs (…) de l’agriculture (…) doivent avoir reçu l’agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l’outre-mer. L’organe exécutif des collectivités d’outre-mer compétentes à titre principal en matière de développement économique est tenu informé des opérations dont la réalisation le concerne. L’agrément est délivré lorsque l’investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé (…) ; b) Poursuit comme l’un de ses buts principaux la création ou le maintien d’emplois dans ce département ; c) S’intègre dans la politique d’aménagement du territoire, de l’environnement et du développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers (…)  » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1649 nonies du même code :  » I. Nonobstant toute disposition contraire, les agréments auxquels est subordonné l’octroi d’avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre de l’économie et des finances. Sauf disposition expresse contraire, toute demande d’agrément auquel est subordonnée l’application d’un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l’opération qui la motive (…)  » ;

4. Considérant que, pour refuser, après que le ministre de l’outre-mer et la commission prévue à l’article 46 quaterdecies W de l’annexe III au code général des impôts, consultés sur le dossier de la société Brebislait, eurent donné un avis défavorable, de délivrer l’agrément sollicité par cette société, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État s’est fondé sur un premier motif tiré de ce que la protection des investisseurs et des tiers n’était pas garantie, dans la mesure où la viabilité du projet n’était pas assurée, des doutes sérieux subsistant, selon lui, quant à la faculté d’acclimatation des ovins devant être importés d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, compte tenu notamment des risques parasitaires auxquels ils seraient exposés en Nouvelle-Calédonie ainsi que l’ont, selon lui, démontré de précédentes tentatives faites en 1987 et 2009 ; que la décision attaquée évoque en outre un second motif pris de la fermeture définitive de la quarantaine de Koutio, programmée pour le 23 juillet 2010, devant interdire pour au moins dix-huit mois toute importation d’animaux vivants sur le territoire néo-calédonien, alors que, sur les 400 brebis prévues au projet pour assurer l’exploitation et la rentabilité des investissements, seules un peu plus de 200 têtes importées se trouvaient sur le territoire néo-calédonien, en cours de quarantaine ; qu’enfin, et s’agissant des installations projetées sur le site de Ouaco, le ministre justifie également son refus d’agrément par un troisième motif pris de ce que, contrairement à l’exigence posée à l’article 1649 nonies susénoncé, les investissements en cause étaient déjà réalisés ;

5. Considérant, en premier lieu, que la société Brebislait soutient que la référence au précédent de 1987 est dénuée de toute pertinence en raison des progrès importants réalisés depuis lors en matière d’acclimatation et faute de porter sur les mêmes races ovines que celles prévues au projet dont s’agit et que, s’agissant de la référence au précédent de 2009, l’euthanasie de la totalité de son premier troupeau, composé de 105 têtes, n’était pas justifiée, selon certains vétérinaires, dès lors que seul un mouton était contaminé par la para-tuberculose, le doute n’étant permis que pour trois autres animaux ; qu’elle relève également que les premiers juges, pour corroborer le risque parasitaire inhérent à son projet, se sont fondés sur des résultats comparatifs de coproscopies quantitatives de décembre 2010 qui n’étaient pas significatifs ; que si, d’une part, le projet en cause de la société Brebislait présentait des caractéristiques différentes des expériences antérieures susévoquées, si, d’autre part, l’écart entre le nombre d’oeufs de strongles constatés dans les fèces des brebis locales et celui constaté dans celles des brebis importées de race Assaf n’était effectivement pas révélateur d’une difficulté d’adaptation de ces dernières, eu égard à la faible amplitude de cet écart et à la date de prélèvement, trop proche de celle de l’importation des animaux et si, enfin, l’état sanitaire du second troupeau, arrivé en 2009, s’est finalement avéré satisfaisant, les documents versés au dossier par la société requérante ne démontrent toutefois pas, faute notamment d’expérimentation antérieure à 2009 ayant conduit à des résultats favorables, notamment parasitaires, concernant les facultés d’adaptation, en milieu comparable à la Nouvelle-Calédonie, d’animaux issus des mêmes croisements de races, que les éléments dont disposait le ministre à la date de la décision attaquée permettaient de lever suffisamment les incertitudes qui étaient réelles quant à l’acclimatation, sur le territoire calédonien, des brebis Assaf destinées à être croisées avec des brebis locales ; qu’à cet égard, la circonstance qu’avaient été réalisés avec succès en Australie des croisements de brebis Awassi avec des brebis Pool-dorset ne suffisait pas à faire regarder le projet de la société requérante d’élevage sur le site de Ouaco d’animaux issus du croisement de brebis de race Assaf importées de Nouvelle Zélande avec ses brebis à viande de race Texel présentes sur ledit site, comme ne présentant pas un risque excessif eu égard à la condition posée au d) du III de l’article 217 undecies du code général des impôts ; que, par suite, l’autorité ministérielle a pu légalement estimer que la protection des investisseurs et des tiers ne pouvait être tenue, à la date de la décision attaquée, comme garantie de manière acceptable au sens de cet article ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société Brebislait, qui conteste les autres motifs du refus litigieux, soutient, d’une part, que les installations concernant le site de Ouaco n’avaient pas été réalisées à la date à laquelle elle a déposé sa demande d’agrément, soit le 20 août 2009 ; qu’elle produit des documents concordants, constitués du dossier de demande d’agrément comportant un descriptif et un échéancier prévisionnel de réalisation des installations, et des factures émises postérieurement au 20 août 2009 corroborant ces documents et l’absence de réalisation de l’opération en cause à cette date ; qu’elle soutient, d’autre part, qu’à la date de la décision contestée du 5 août 2010, un troupeau de 240 têtes, et non pas de 210 têtes, entré en quarantaine depuis le 22 juillet précédent, offrait, eu égard à sa provenance néo-zélandaise, toutes les garanties au niveau phytosanitaire permettant de prévoir une absence d’obstacle à leur sortie de quarantaine ; qu’en outre, elle relève que, contrairement aux allégations du ministre, le projet sur le site Ouaco n’a bénéficié d’aucune subvention de la part de la Province Nord, seul un prêt lui ayant été consenti par la société Sofinor, dont la province Nord est actionnaire à hauteur de 75 % du capital ;

7. Considérant, en tout état de cause, qu’il ressort des pièces du dossier que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État aurait pris la même décision de refus d’agrément en se fondant sur le seul premier et principal motif tiré de ce que le projet en cause ne garantissait pas la protection des investisseurs et des tiers, motif qui était, ainsi qu’il a été dit au point 5 ci-dessus, fondé ; que, par suite, et sans qu’il soit utile pour la Cour de se prononcer sur le bien-fondé des autres motifs par lesquels le ministre a justifié son refus, la société Brebislait n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l’annulation du jugement et de la décision ministérielle contestée doivent, par suite, être rejetées ; qu’il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, l’État n’ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ; qu’aucune circonstance particulière ne justifie qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de l’article 1635 bis Q du code général des impôts et des articles R. 411-2 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Brebislait est rejetée.

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7

N° 11PA00434

2

N° 13PA01448


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