Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 5 février 1998, 94PA01952, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 5 février 1998, 94PA01952, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(2ème chambre)

VU, enregistrée le 2 décembre 1994 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris, la requête présentée par M. et Mme Michel COURT, demeurant … ; M. et Mme X… demandent à la cour :

1 ) d’annuler le jugement n 9006194/2 du 14 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1982, 1983 et 1985 ainsi qu’au remboursement des frais exposés ;

2 ) de leur accorder la décharge sollicitée ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience :

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 janvier 1998 :

– le rapport de Mme TANDONNET-TUROT, conseiller,

– et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X… ont fait l’objet, en 1986 et 1987, d’une vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble de leur foyer fiscal portant sur les années 1982 à 1985 ainsi que d’une vérification de comptabilité de l’activité d’ingénieur-conseil exercée par M. COURT, portant sur les années 1983 à 1985 ; qu’ont également fait l’objet de vérifications de comptabilité l’activité d’élevage exercée en 1984 et 1985 par M. COURT ainsi que, pour les années 1981 à 1984, la société civile immobilière Parcola et, pour les années 1984 et 1985, la société à responsabilité limitée Slemia dont Mme COURT était la gérante ; que les requérants contestent les redressements mis à leur charge à la suite de la procédure de vérification de leur situation fiscale, au titre des années 1982 et 1983, ainsi que les redressements opérés au titre des bénéfices non commerciaux, à la suite de la vérification de comptabilité dont ils ont fait l’objet, et correspondant à la réintégration de frais de voiture déduits en 1983 et 1985 ; qu’ils contestent également la réintégration dans leur revenu imposable des années 1982, 1983 et 1985 de sommes déclarées au titre de la pension alimentaire servie à la mère de M. COURT, ainsi que le redressement, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 1982 et 1983, de sommes provenant de la société Slemia dont Mme COURT était la gérante ;

Sur la régularité de la procédure de vérification :

Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de la régularité de la procédure des vérifications de la société immobilière Parcola et de l’activité d’élevage exercée par M. COURT sont, en tout état de cause inopérants, les contrôles n’ayant entraîné aucun rappel d’impôt ; qu’il en est de même, pour le même motif, en ce qui concerne la vérification de comptabilité suivie à l’encontre de la société Slémia au titre des années 1984 et 1985 ;

Considérant, en deuxième lieu, que les irrégularités éventuelles d’une vérification de comptabilité d’une société sont sans incidence sur le bien-fondé des cotisations d’impôt sur le revenu assignées au bénéficiaire de distributions ; qu’en conséquence, la circonstance que la société Slemia aurait irrégulièrement fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les années 1982 et 1983 ne peut utilement être invoquée pour contester la régularité des redressements correspondant aux sommes prélevées par Mme COURT chez cette société et imposées entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, dès lors qu’il résulte de l’instruction que ces redressements procèdent de la vérification approfondie de situation fiscale de M. et Mme X… ;

Considérant, en troisième lieu, que M. COURT n’établit pas, en se bornant à faire état de divers entretiens avec le vérificateur qui sont intervenus dans le cadre de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble ainsi que de la remise à cet agent de divers documents comptables, que la vérification de comptabilité de son activité d’ingénieur-conseil se serait déroulée dans les locaux de l’administration et qu’il aurait ainsi été privé d’un débat oral et contradictoire ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que cette vérification serait, faute de l’envoi préalable d’un avis, irrégulière en ce qui concerne l’année 1982 est inopérant, le redressement notifié au titre de cette année, à la suite d’ailleurs d’un contrôle sur pièces, ayant été abandonné le 11 juillet 1988 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aucune disposition n’interdit à l’administration d’engager simultanément une vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble d’un contribuable et une vérification de comptabilité de son activité professionnelle ;

Considérant, en cinquième lieu, qu’en vertu de l’article L.16 du livre des procédures fiscales, l’administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que ce dernier dispose de revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment des demandes de justifications adressées le 20 octobre 1986 à M. et Mme X…, que le vérificateur avait constaté une importante discordance entre le montant total des crédits bancaires figurant sur les comptes bancaires du foyer de M. et Mme X…, soit 805.767 F en 1982 et 698.483 F en 1983, et les revenus déclarés par ceux-ci pour les mêmes années, soit respectivement 146.852 F et 158.057 F ; que le vérificateur était ainsi en droit de leur adresser la demande de justifications prévue par les dispositions susindiquées de l’article L.16 du livre des procédures fiscales ; que le moyen tiré de ce qu’aucun déséquilibre n’aurait été constaté entre les encaissements et les dépenses est inopérant ; qu’il en est de même du moyen tiré de ce que M. et Mme X… avaient rempli toutes leurs obligations fiscales ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’administration n’était pas tenue d’avoir recours à la procédure prévue par les dispositions combinées des articles L.63 du livre des procédures fiscales et 168 du code général des impôts qui ont trait à la taxation en fonction des éléments du train de vie ;

Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes de l’article L.69 du livre des procédures fiscales :  » … Sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L.16″ ; qu’il résulte de l’instruction qu’aux demandes de justifications adressées le 20 octobre 1986 par l’administration et reçues le même jour par les requérants concernant des sommes portées au crédit des comptes de M. Patrick Court pour les montants de 68.935 F en 1982 et de 184.370 F en 1983, les requérants se sont bornés, dans leur réponse du 19 novembre 1986 à indiquer que ces sommes consistaient en des « encaissements pour tierce personne » ; qu’en raison du caractère imprécis et invérifiable de cette réponse, les requérants ont été à bon droit regardés comme s’étant abstenus de répondre à la demande de l’administration et ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l’administration ne pouvait utiliser à leur encontre la procédure de taxation d’office prévue en ce cas par les dispositions précitées de l’article L.69 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en septième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l’article L.47 du livre des procédures fiscales qui imposent l’envoi d’un avis avant le début d’une vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité qu’a l’administration d’exercer son droit de communication auprès de tiers avant le début de la vérification ;

Considérant, en dernier lieu, que si l’article 9.IV de la loi de finances n 87-502 du 8 juillet 1987 a limité pour la première fois la durée des opérations de vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble en la fixant à un an, cette loi ne s’applique qu’aux opérations engagées après son entrée en vigueur ; qu’il résulte de l’instruction que la vérification de situation fiscale d’ensemble concernant M. et Mme X… a débuté, en ce qui concerne les années 1982 et 1983, par un avis de vérification du 1er avril 1986 que les requérants ne contestent pas avoir reçu le 5 avril suivant ; que la circonstance que la vérification de leur situation fiscale se serait étendue sur deux années est dès lors sans incidence sur la régularité de cette vérification ;

Sur la régularité de la procédure d’instruction de la réclamation :

Considérant que les éventuelles irrégularités qui entacheraient la procédure d’instruction de la réclamation présentée par M. et Mme X… devant l’administration sont sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige ; que le moyen ainsi invoqué ne peut donc qu’être rejeté ;

Sur le bien-fondé des redressements :

En ce qui concerne le rattachement de M. Patrick Court au foyer fiscal de M. et Mme X… :

Considérant qu’aux termes du paragraphe 2 bis de l’article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions établies au titre de l’année 1982 : « toute personne majeure âgée de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu’elle poursuit ses études, ou, quel que soit son âge, lorsqu’elle effectue son service militaire ou est atteinte d’une infirmité, peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions de l’article 156-II-2 , dernier alinéa, entre : 1 l’imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; 2 le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le chef de famille désigné au 1 l’accepte et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l’année entière par cette personne ; le rattachement peut être demandé à l’un ou à l’autre des parents lorsque ceux-ci sont imposés séparément … » ; qu’aux termes du paragraphe 3 du même article, dans sa rédaction applicable aux impositions établies au titre de l’année 1983 : « toute personne majeure âgée de vingt et un ans, ou de moins de vingt cinq ans lorsqu’elle poursuit ses études, ou, quel que soit son âge, lorsqu’elle effectue son service militaire ou est atteinte d’une infirmité, peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions de l’article 156-II-2 , dernier alinéa, entre : 1 l’imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; 2 le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le contribuable auquel elle se rattache accepte ce rattachement et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l’année entière par cette personne ; le rattachement peut être demandé à l’un ou à l’autre des parents lorsque ceux-ci sont imposés séparément … » ; qu’il résulte de l’instruction que, contrairement aux allégations des requérants, leurs fils Patrick Court a demandé par lettres du 22 avril 1983 et du 25 février 1984 à être rattaché à leur foyer fiscal au titre des années 1982 et 1983, et qu’ils l’ont mentionné comme étant à leur charge dans leurs déclarations de revenus de ces deux années ; que si M. et Mme X… demandent la révocation de cette option, ils ne sont plus recevables à le faire dès lors que cette demande est postérieure à l’expiration des délais de déclaration de revenus pour les années 1982 et 1983 ; qu’ils doivent, ainsi, être imposés sur les revenus perçus par leur fils au cours des deux années dont s’agit ;

En ce qui concerne les revenus d’origine indéterminée :

Considérant que M. et Mme X… ayant été, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, régulièrement taxés d’office au titre des années 1982 et 1983, ils supportent la charge d’établir l’exagération des redressements qu’ils contestent ; qu’ils n’apportent aucun document probant de nature à établir le caractère non imposable des sommes de 68.935 F et de 184.370 F perçues par leur fils au cours de ces années ; que s’ils font valoir que les sommes en cause ont simplement transité sur les comptes bancaires de leur fils, les pièces versées au dossier n’établissent ni la réalité de ces encaissements pour le compte d’une tierce personne, ni la réalité de leur reversement à celle-ci, l’attestation fournie par cette personne ainsi que les récapitulatifs établis par elle ne pouvant suffire à apporter cette preuve en l’absence de documents bancaires à l’appui ;

En ce qui concerne les frais de voiture réintégrés dans les bénéfices non commerciaux de M. COURT :

Considérant qu’aux termes de l’article L.80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun redressement d’impositions antérieures si la cause de remboursement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration » ;

Considérant que l’administration a réintégré dans les bénéfices réalisés par M. COURT dans le cadre de son activité libérale des frais de voiture non justifiés pour des montants de 7.500 F au titre de 1983 et de 6.100 F au titre de 1985 ; que la circonstance qu’elle n’aurait procédé à aucun rehaussement à ce titre pour l’année 1982 ne constitue pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une prise de position formelle de l’administration qui lui serait opposable ; que le moyen ainsi invoqué ne peut en conséquence être retenu ;

En ce qui concerne l’aide matérielle apportée à la mère de M. COURT :

Considérant qu’aux termes de l’article 156 du code général des impôts, « l’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé … sous déduction … II des charges ci-après … 2 … pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 du code civil … » ; qu’aux termes de l’article 205 du code civil, » les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » ; qu’aux termes de l’article 208 du même code, « les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit » ; que la seule circonstance invoquée par les requérants que la mère de M. COURT n’était pas imposable sur ses revenus des années 1982, 1983 et 1985 ne suffit pas à la faire regarder comme étant dans le besoin au sens des dispositions précitées ; que, dès lors, c’est à bon droit que le service des impôts a réintégré les sommes de 14.400 F, de 14.400 F et de 18.000 F dans les revenus imposables de M. et Mme X… ;

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 109 du code général des impôts :  » …Sont considérés comme revenus distribués : …2 ) Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en réponse aux demandes de l’administration de justifier de l’origine des sommes figurant sur leurs comptes bancaires des années 1982 à 1985, M. et Mme X… ont indiqué que les montants de 29.505 F en 1982 et de 11.748 F en 1983 constituaient le produit de la location de matériel par la société Slemia, dont Mme COURT assurait la gérance et dont elle détenait des parts ; que l’administration, qui a constaté, par l’examen du compte courant détenu par Mme COURT dans les écritures de la société, que ces sommes n’apparaissaient pas en prélèvements sur le compte associé mais avaient été perçues directement sur les comptes personnels de la gérante, a pu, à bon droit, les considérer comme des revenus distribués au sens de l’article 109.1.2 du code général des impôts, imposables en conséquence entre les mains de celle-ci dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que la circonstance que la société Slemia n’étant plus titulaire d’un compte bancaire depuis 1980, l’ensemble de ses recettes et dépenses était versé ou prélevé sur le compte personnel de Mme COURT est à cet égard sans influence ; que, par ailleurs, les sommes dont s’agit n’ayant pas été portées au débit du compte courant d’associé ouvert au nom de Mme COURT dans les écritures comptables de la société, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que lesdites sommes devraient venir en réduction des sommes dues par la société à sa gérante ;

Considérant enfin qu’il résulte de l’instruction que la notification de redressements concernant les années 1982 et 1983 a été reçue par M. et Mme X… le 16 décembre 1986, soit à l’intérieur du délai de répétition prévu par les dispositions, en vigueur pour chacune de ces années, de l’article L.169 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme X… ne sont dès lors pas fondés à soutenir que les redressements correspondant à ces années porteraient sur des années prescrites ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. et Mme X… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Article 1er : La requête de M. et Mme X… est rejetée.


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