Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU, enregistrée le 18 juillet 1994, la requête présentée pour M. Rachid X…, qui demeure …, par Me Y…, avocat ; M. X… demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 8905586/2 en date du 29 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté partiellement sa demande en décharge des compléments d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1983, 1984 et 1985, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
3°) de prononcer en sa faveur le sursis à exécution du jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU la Convention franco-algérienne du 2 octobre 1968 ;
VU la Convention franco-algérienne du 17 mai 1982 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 septembre 1997 :
– le rapport de Mme TANDONNET-TUROT, conseiller,
– et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par décision du 14 mars 1997 postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Paris sud a prononcé un dégrèvement de 1.379.143 F en droits et pénalités ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête sont devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne le principe de l’assujettissement :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 4 A du code général des impôts applicable aux années en litige : « Les personnes qui ont en France un domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus … » ; qu’aux termes de l’article 4 B du même code, applicable aux mêmes années : « 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques … » ;
Considérant d’autre part, qu’aux termes de l’article 2.1 de la Convention franco-algérienne du 2 octobre 1968 applicable à l’année 1983 : « Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son « foyer permanent d’habitation » … Si cette personne possède un foyer permanent d’habitation dans les deux Etats, elle est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle a le centre de ses activités professionnelles et, à défaut, où elle séjourne le plus longtemps » et qu’aux termes de l’article 2 de la Convention franco-algérienne du 17 mai 1982 applicable aux années 1984 et 1985 : « 1. Au sens de la présente convention, l’expression « résident d’un Etat » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme un résident de l’Etat où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent ; si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) Si l’Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l’Etat où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux, elle est considérée comme un résident de l’Etat dont elle possède la nationalité » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que M. X… exerçait en France les fonctions de président directeur général de la société Edouard VI pour lesquelles il a perçu au cours des années en cause des salaires importants et que sa femme exerçait en France l’activité rémunérée de directrice de la société Hôtel Armor ; qu’il n’est pas établi par les éléments du dossier que ces activités auraient présenté un caractère accessoire ; qu’il en résulte que M. X… était, en application des dispositions précitées de l’article 4 B b) du code général des impôts, passible de l’impôt sur le revenu en France, pour l’ensemble des années en cause, à moins qu’il établisse un droit de se prévaloir de la qualité de résident d’Algérie au sens des stipulations précitées des conventions franco-algériennes ;
Considérant qu’en ce qui concerne l’année 1983, M. X… qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, exerçait à Paris l’activité salariée de directeur de la société Hôtel Edouard VI et était également administrateur et actionnaire de diverses sociétés hôtelières situées à Paris, possédait en France le centre de ses activités professionnelles au sens de la convention du 2 octobre 1968 ; qu’en ce qui concerne les années 1984 et 1985, il résulte de l’instruction que M. X…, lors de l’acquisition le 22 juillet 1983 d’un appartement sis …, a indiqué dans le contrat de prêt que ce logement constituait sa résidence principale, le foyer fiscal se composant de quatre personnes, lui-même, son épouse et ses deux enfants mineurs ; que le requérant, dont la femme était salariée en France au cours de ces années, et qui n’allègue pas qu’elle n’y élevait pas leur fille, n’apporte aucun élément probant de nature à établir que sa famille vivait en Algérie ; que la propriété d’un appartement à Paris, l’importance des revenus de source française perçus par M. X… ainsi que la possession de participations dans plusieurs sociétés françaises conduisent à regarder ce dernier comme ayant eu en France le centre de ses intérêts économiques ; qu’il résulte de tout ceci que le requérant avait en France, au cours des années 1984 et 1985, le centre de ses intérêts vitaux au sens de la convention du 17 mai 1982 ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. X… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort qu’il a été regardé comme résidant en France au cours des années 1983, 1984 et 1985 ; que, par suite, il devait, en vertu des dispositions précitées, être imposé en France à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de ses revenus ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
S’agissant de l’année 1983 :
Considérant qu’aux termes de l’article 92 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices … de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une catégorie de bénéfices ou de revenus » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par lettre du 17 novembre 1986, le vérificateur a demandé à M. X… de justifier l’origine des fonds ayant permis de financer le solde négatif de la balance de trésorerie établie par le service à partir des éléments du dossier ; que cette demande, adressée au domicile du requérant, étant revenue avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée », l’administration a notifié le 3 décembre 1986, dans la catégorie des revenus visés à l’article 92 du code général des impôts, en tant que revenus non dénommés et profits divers non rattachables à une autre catégorie, le redressement correspondant à l’écart constaté entre le montant des acquisitions effectuées par M. X… et les revenus que celui-ci avait déclarés ;
Considérant que l’administration n’établit pas, ainsi qu’il lui appartient de le faire lorsqu’elle entend fonder une imposition sur les dispositions précitées de l’article 92, en dehors de toute procédure d’évaluation d’office, que les sommes réintégrées dans les bases imposables de M. X… constituaient des revenus imposables ;
Considérant que si le ministre se prévaut, en appel, de ce que les sommes dont s’agit relèvent de la taxation d’office par application des dispositions de l’article L.69 du livre des procédures fiscales, il ne produit toutefois aucune pièce propre à justifier que le service a invité le contribuable, dans les conditions prévues à l’article L.16 du même livre, applicable en l’espèce, à fournir des justifications sur l’origine desdites sommes ; qu’à supposer même en effet que la lettre du 17 novembre 1986 puisse être regardée comme une demande d’éclaircissements ou de justifications, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’elle n’a pas été délivrée à M. X… ; que l’administration ne peut, dès lors, valablement soutenir que, faute de réponse à cette demande de justifications, elle était en droit de procéder par voie de taxation d’office en application des dispositions de l’article L.69 du livre des procédures fiscales ; qu’il suit de là que M. X… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande portant sur le complément d’imposition mis à sa charge au titre de l’année 1983, et à demander la décharge de ladite imposition ;
S’agissant des années 1984 et 1985 :
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que l’avis de vérification du 25 juillet 1986 adressé au requérant, mentionnait les revenus perçus par ce dernier en « 1983, 1984 et 19.5″ ; que si ce dernier chiffre ne comportait pas les dizaines, le contexte permettait à M. X… d’identifier aisément l’année 1985 ; qu’il n’est dès lors pas fondé à soutenir que le service aurait méconnu les dispositions de l’article L.47 du livre des procédures fiscales prescrivant que » … l’avis doit préciser les années soumises à vérification » ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X… ne soutient pas ne pas avoir reçu les demandes de justifications du 23 janvier 1987 relatives aux années 1984 et 1985 ; que, dans ces conditions, la circonstance que les accusés de réception de ces lettres, datés du 27 janvier 1987, auraient été signés par une personne qui n’était pas légalement habilitée pour ce faire est sans influence sur la régularité de la procédure ; que M. X… n’est en conséquence pas fondé à soutenir que le délai de trente jours courant à compter de la date de présentation de ces documents n’a pu commencer à courir et que la procédure de taxation d’office mise en oeuvre à son encontre serait irrégulière ; qu’il n’apporte aucune précision sur la documentation administrative qu’il invoque ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, que M. X… qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, n’établit pas que la gardienne de son immeuble ne lui transmettait pas le courrier qui lui était notifié en recommandé et dont elle accusait réception, n’est pas fondé à soutenir que la notification de redressements du 6 mars 1987 relative aux années 1984 et 1985 n’aurait pas valablement interrompu la prescription ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X…, régulièrement taxé d’office par application des dispositions de l’article L.69 du livre des procédures fiscales, supporte la charge de prouver l’exagération des impositions contestées, conformément aux dispositions de l’article L.193 du livre des procédures fiscales ; que s’il soutient que les flux importants relevés par l’administration entre l’Algérie et ses comptes bancaires auraient pour origine des prêts de son associé, M. Z…, il n’établit pas, à défaut de tout contrat de prêt ou déclaration à la recette des impôts, la nature de prêts ainsi allégués ; que, notamment, les requêtes à fin de saisie-arrêt introduites par M. Z… à l’encontre du requérant ne permettent pas d’identifier les crédits bancaires auxquels elles se rapportent ; qu’au surplus, il est constant que M. Z… et M. X… étaient en relations d’affaires tant à Paris qu’en Algérie ; que le requérant ne peut ainsi être regardé comme justifiant le caractère non imposable des sommes taxées d’office ; que la mesure d’expertise qu’il sollicite doit dès lors être écartée comme ayant en l’espèce un caractère frustratoire ; qu’en l’espèce, il ne saurait invoquer l’article 2.1 de la Convention franco-algérienne dès lors qu’il a son domicile fiscal en France ;
En ce qui concerne la prise en compte d’un dégrèvement :
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et qu’il n’est pas contesté, que le dégrèvement prononcé le 24 mars 1989 pour un montant de 755.146 F a été comptabilisé par le trésorier principal le 11 août 1989 ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. X… n’est que partiellement fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Il est accordé à M. X… décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l’année 1983 ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le jugement n 8905586/2 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.