Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 2 mars 2000, 96PA01443, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 2 mars 2000, 96PA01443, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(2ème chambre A)

VU la requête, enregistrée le 20 mai 1996 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris, présentée pour M. Martial X… demeurant …, par Me Y…, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; M. X… demande à la cour :

1 ) d’annuler l’ordonnance n 9501267/2 du 12 décembre 1995 par laquelle un président de section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1986, 1987 et 1988 dans les rôles de la ville de Charenton ainsi que des pénalités y afférentes ;

2 ) de lui accorder la décharge des impositions contestées ainsi que des pénalités y afférentes ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU la loi n 85-98 du 25 janvier 1985 ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 février 2000 :

– le rapport de M. DIDIERJEAN, premier conseiller,

– et les conclusions de M. MORTELECQ, commissaire du Gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que, pour déclarer irrecevable la demande de M. X…, l’ordonnance du président de section du tribunal administratif de Paris s’est fondé sur un premier motif tiré du défaut de capacité à agir du requérant qui, mis en liquidation judiciaire, avait produit devant le tribunal administratif un mandat du liquidateur ne l’autorisant à engager une action que devant le Conseil d’Etat et avec le ministère d’un avocat ;

Considérant, toutefois, que si, conformément aux dispositions de l’article 152 de la loi n 85-98 du 25 janvier 1985 le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens et que les droits et actions de celui-ci concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, la règle ainsi posée n’est édictée que dans l’intérêt de la masse des créanciers ; qu’ainsi, seul le liquidateur peut se prévaloir du défaut de capacité à agir de M. X… ; qu’en l’absence d’une telle contestation du liquidateur, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé, pour déclarer irrecevable la demande du requérant, sur l’absence de mandat régulier donné par le liquidateur ;

Considérant, en second lieu, qu’il résulte de son contenu que le mémoire introductif d’instance déposé par M. X… devant le tribunal administratif était suffisamment motivé au regard des dispositions de l’article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; que, par suite, c’est à tort que l’ordonnance attaquée s’est fondée sur un second motif, tiré de l’absence d’exposé des faits et moyens de la demande dans les délais du recours contentieux, pour la déclarer irrecevable ;

Considérant, enfin, que si l’ordonnance attaquée s’est fondée également pour rejeter le pourvoi de M. X… sur le défaut de production, dans les délais impartis par deux mises en demeure, du mémoire ampliatif que le requérant avait annoncé dans sa demande introductive d’instance, cette circonstance, même si elle avait été exacte, aurait seulement conféré au juge le pouvoir de constater le désistement d’office de l’intéressé ; qu’au surplus, il ressort de l’instruction qu’une seule mise en demeure avait été adressée à M. X… et qu’elle ne fixait pas de délai régulier pour la production de son mémoire ampliatif ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’ordonnance du 12 décembre 1995, d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif de Paris ;

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :

Considérant que M. X… fait valoir que l’avis de vérification de comptabilité qui lui a été adressé le 7 mars 1989 serait irrégulier pour n’avoir pas été signé par un agent compétent et pour n’avoir pas mentionné le nom et l’activité de son entreprise ; que, toutefois, il ressort de l’instruction que le signataire de l’avis de vérification est un inspecteur des impôts d’une brigade de vérification territorialement compétente ; que, par ailleurs, la seule mention du nom du redevable légal de l’impôt, sans l’indication de l’activité de l’entreprise, n’est pas de nature à vicier la procédure ;

En ce qui concerne la régularité des notifications de redressement :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les notifications de redressement en date du 11 septembre 1989 concernant les bénéfices industriels et commerciaux pour la période du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1987 et pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1988 comportent des indications suffisantes, pour chacun des exercices examinés, sur les motifs du rejet de la comptabilité tirés, notamment, de l’absence ou des lacunes des documents comptables ainsi que de la confusion des comptes de l’entreprise individuelle du requérant et de ceux de la société à responsabilité limitée DTS PROMOTION dont il était le gérant majoritaire ; que les notifications en cause mentionnent de façon suffisamment précise, notamment en ce qui concerne les salaires et les charges sociales, les modalités selon lesquelles le vérificateur dans le cadre de la procédure d’évaluation d’office a chiffré le montant des bénéfices industriels et commerciaux pour les périodes concernées ; qu’ainsi, les moyens tirés par M. X… de ce que les notifications de redressements litigieuses n’auraient pas donné lieu pour la reconstitution des bénéfices, à un examen particulier pour chacun des exercices et seraient insuffisamment motivées doivent être écartés ;

En ce qui concerne les autres moyens concernant la procédure d’imposition :

Considérant que le requérant soutient que l’administration, pour évaluer son bénéfice industriel et commercial de l’exercice 1986, entaché selon lui d’une erreur de chiffrage, aurait irrégulièrement rattaché à ses bénéfices industriels et commerciaux des revenus précédemment redressés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, en premier lieu, que l’administration ayant, par sa notification n 3924 du 11 septembre 1989 comme par la notification de redressement concernant le revenu global n 2120 du même jour, fixé à la même somme de 537.233 F le montant des bénéfices industriels et commerciaux de l’exercice 1986, c’est par une simple erreur de plume n’affectant ni le montant, ni la régularité de l’imposition qu’il a été fait mention d’un chiffre différent dans la déclaration n 2120 ; qu’en second lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, l’administration, dans le cadre de la procédure d’imposition d’office, était en droit comme elle l’a fait de procéder à une substitution de base légale pour ranger dans la catégorie des bénéfices non commerciaux des ressources tirées de bénéfices réputés distribués ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition :

Considérant, en premier lieu, que si M. X… soutient que l’administration n’a pas tenu compte du caractère déficitaire des bilans dans ses deux sociétés, ce moyen, qui n’est assorti d’aucune précision, ne peut qu’être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : 1 ) Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2 ) Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » et qu’aux termes de l’article 111 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés, directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes » ; qu’en application des dispositions précitées de l’article 111 du code général des impôts, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d’une société au nom de ses associés ou actionnaires ; que le requérant n’apporte aucun élément de nature à combattre la présomption posée par ledit article ;

En ce qui concerne les pénalités de retard :

Considérant que l’administration a fait application au requérant des pénalités prévues par l’article 1733-1 du code général des impôts pour l’année 1986 et, pour les années 1987 et 1988, par l’article 1728-3 du code général des impôts issu de l’article II-2 de la loi n 87 502 du 8 juillet 1987 ;

Considérant, en premier lieu, que, si le requérant pour contester les pénalités litigieuses se réfère à l’article 641 du code général des impôts auquel renvoie le troisième alinéa de l’article II-2 susmentionné de la loi n 87 502 du 8 juillet 1987, ledit alinéa qui se borne à préciser les conditions spécifiques d’application des pénalités de retard pour les seules mutations en cas de décès n’est pas applicable au litige ; qu’ainsi ce moyen doit être écarté comme inopérant ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international … » ; que ces stipulations ne portent pas atteinte au droit que détient chaque Etat, conformément aux termes mêmes du second alinéa de cet article, de mettre en oeuvre les dispositions qu’il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts dus par les contribuables ; que, par suite, contrairement à ce qu’il est soutenu, les dispositions susmentionnées des articles 1733-1 et 1728-3 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées ;

Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté que M. X… s’est abstenu de souscrire ses déclarations de revenu global dans les trente jours suivant une seconde mise en demeure ; qu’ainsi, c’est à bon droit que les pénalités prévues par les dispositions des articles 1733-1 et 1728-3 du code général des impôts lui ont été appliquées ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir invoquée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, que M. X… n’est pas fondé à demander la décharge ou la réduction de l’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1986, 1987 et 1988 dans les rôles de la ville de Charenton ;

Article 1er : L’ordonnance du président de section du tribunal administratif de Paris en date du 12 décembre 1995 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.


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