Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 15 octobre 1992, 89PA01208, inédit au recueil Lebon

·

·

Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 15 octobre 1992, 89PA01208, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU l’ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d’Etat par M. Philippe JONGLEZ ;

VU la requête présentée par M. Philippe JONGLEZ demeurant chez Mme Y…, … ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 31 août 1988 ; M. X… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 67412/1 du 16 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé de lui accorder la réduction du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981, sous les articles 25088, 70024, 70025, et 70026 du rôle des cotisations individuelles de la ville de Paris, mis en recouvrement le 25 septembre 1984, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) d’ordonner le cas échéant, une expertise ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 1er octobre 1992 :

– le rapport de Mme TRICOT, conseiller,

– et les conclusions de M. GIPOULON, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition et sur la charge de la preuve :

Sur la mise en oeuvre des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts repris aux articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales au titre des années 1978, 1979 et 1981 :

Considérant qu’aux termes de l’article 176 du code général des impôts alors applicable aux impositions contestées : « En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration … peut demander au contribuable des éclaircissements … Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l’objet de sa déclaration. Les demandes d’éclaircissements et de justifications doivent … assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours » ; qu’aux termes de l’article 179 du même code également applicable : « Est taxé d’office à l’impôt sur le revenu tout contribuable qui n’a pas souscrit dans le délai légal la déclaration de son revenu global prévue à l’article 170. Il en est de même … lorsque le contribuable s’est abstenu de répondre aux demandes d’éclaircissements et de justifications de l’administration » ;

Considérant qu’il ressort de ces dispositions, que l’administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui ont fait l’objet de ses déclarations ; que le contribuable qui adresse une réponse non assortie des justifications suffisantes doit être regardé comme s’étant abstenu de répondre et que dans ce cas, l’administration est en droit de le taxer d’office ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction qu’à l’issue de la vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble de M. X… portant sur les années 1978 à 1981, l’administration qui avait constaté des discordances entre le total des crédits bancaires et le montant des revenus bruts déclarés a demandé à M. X… par lettre du 10 novembre 1982 en ce qui concerne l’année 1978 et par lettre du 11 juillet 1983 en ce qui concerne les années 1979 et 1981 de justifier l’origine des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires ainsi que du solde créditeur de la balance espèces établie pour 1978 ; que pour les années 1979 et 1981, M. X… s’est abstenu de répondre à la demande de justifications adressée par l’administration et que pour 1978, s’il a apporté une réponse appuyée de justifications pour une partie des sommes litigieuses, il n’a pas expliqué l’origine de sommes s’élevant à 454.398,27 F ; que si M. X… fait valoir qu’il n’était pas en mesure d’avoir accès aux documents lui permettant de justifier des crédits litigieux, il n’apporte en toute hypothèse aucun élément permettant de justifier qu’il aurait entrepris des démarches afin d’avoir accès aux documents nécessaires pour justifier sa réponse ; que, par suite, M. X… doit être regardé comme s’étant abstenu de répondre aux demandes d’éclaircissements et de justifications adressées par le service ; qu’il s’est ainsi mis, pour application des articles 176 et 179 précités du code général des impôts, en situation d’être taxé d’office à l’impôt sur le revenu au titre desdites années en ce qui concerne les sommes demeurées injustifiées et qui ont été considérées comme des revenus d’origine indéterminées ;

Sur la mise en oeuvre des dispositions de l’article 179 du code général des impôts repris à l’article L.66-1 du livre des procédures fiscales au titre de l’année 1980 :

Considérant qu’aux termes de l’article 179 du code général des impôts : « Est taxé d’office à l’impôt sur le revenu tout contribuable qui n’a pas souscrit dans le délai légal la déclaration de son revenu global prévue à l’article 170 … » ; qu’aux termes de l’article 1505 du même code : « les plus-value imposables sont déclarées dans les mêmes conditions que le revenu global et sous les mêmes sanctions … » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le contribuable qui s’abstient de déclarer une plus-value immobilière peut, à bon droit, faire l’objet d’une procédure de taxation d’office ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction que M. X… n’a au titre de l’année 1980 adressé la déclaration modèle 2042 qu’à la suite d’une deuxième mise en demeure et qu’il s’est abstenu de déclarer une plus-value immobilière réalisée en 1980 malgré deux mises en demeure adressées par le service ; que le requérant a donc été régulièrement taxé d’office au titre de l’année 1980 ; que dès lors que M. X… a fait l’objet d’une procédure régulière de taxation d’office, il ne peut obtenir par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des impositions contestées qu’en apportant la preuve de l’exagération des bases d’imposition retenues par l’administration ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur les revenus d’origine indéterminée des années 1978, 1979, 1980 et 1981 :

Considérant que pour justifier des revenus d’origine indéterminée décelés par le service et qui restent inexpliqués, M. X… invoque la vente ou la reprise d’éléments de son patrimoine (appartement à Paris, villa en province, véhicule automobiles, pierres précieuses), des prêts accordés par sa mère ou par des amies, des remboursements d’avances qu’il aurait consenties à d’autres amis, enfin des versements de la société Procore, dont il était alors le gérant, et qui constitueraient des compléments de salaires ou des remboursements de frais ; que toutefois M. X… ne produit pas de justificatifs suffisamment probants pour permettre d’admettre la réalité des opérations alléguées ; qu’en particulier, en ce qui concerne les sommes versées par la société Procore, il ne conteste pas que les salaires servis par cette société ont été identifiés en 1979 et en 1980 sur des comptes bancaires autres que le compte bancaire litigieux, alors qu’il est constant que M. X… n’a jamais fourni le relevé du compte courant ouvert à son nom dans ladite société ; que si M. X… critique l’évaluation de son train de vie par l’administration, il ne démontre pas que, compte tenu de ses revenus et de la composition de son patrimoine, ses dépenses en espèces aient été surévaluées par le service ; qu’enfin, au titre de l’année 1978, l’administration a admis les explications de M. X… en ce qui concerne des sommes à hauteur de 374.971,87 F ; que les conclusions relatives à ces sommes sont par suite irrecevables ;

Sur la plus-value immobilière réalisée en 1980 :

Considérant que M. X… a vendu le 14 octobre 1980 une villa située à Gassin dans le Var, réalisant une plus-value immobilière évaluée par le service à 538.800 F ; que sans contester le montant de cette évaluation, le requérant se prévaut des dispositions de l’article 150.C relatives à la première cession d’une résidence secondaire pour demander l’exonération de la plus-value à laquelle il a été assujetti ;

Considérant qu’aux termes dudit article : « Toute plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale est exonérée. Il en est de même pour la première cession d’une résidence secondaire lorsque le cédant ou son conjoint n’est pas propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée … Sont considérés comme résidences secondaires les autres immeubles ou parties d’immeubles dont le propriétaire a la libre disposition pendant au moins cinq ans. Aucune condition de durée n’est requise lorsque la cession est motivée par un changement de lieu d’activité, par un changement de résidence consécutif à une mise à la retraite ou par des impératifs d’ordre familial … » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le requérant a, en 1977, établi dans la villa en cause le siège social d’une de ses sociétés ; qu’à supposer que cette circonstance ne l’eût pas empêché d’avoir la libre disposition du bien, il n’a eu la possession de celui-ci que pendant une durée de 4 ans et 27 jours, inférieure au délai de 5 ans prescrit par les dispositions invoquées ; qu’en outre, M. X… qui ne justifie pas des demandes de remboursement dont il aurait fait l’objet de la part de ses créanciers, n’établit pas que la cession litigieuse fût motivée par des considérations professionnelles ou familiales ; que, par suite, il n’est pas fondé à demander le bénéfice de dispositions de l’article 150.C du code général des impôts ;

Sur les revenus de capitaux mobiliers :

Considérant qu’aux termes de l’article 109-1-2° du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a constaté que certaines dépenses personnelles de M. X… ont été prises en charge par la société Procore qui a payé en 1980 la cotisation d’impôt sur le revenu afférente à l’année 1977 par un chèque d’un montant de 89.105 F correspondant à la cotisation d’impôt à hauteur de 78.646 F et à la majoration de 10 % pour paiement tardif ; que ladite société a également payé une partie du prix de l’appartement acquis à titre personnel par M. X… à l’aide d’un chèque de 296.000 F tiré le 28 mars 1980 sur un compte CPB ; que faute de production du relevé du compte courant ouvert à son nom dans les écritures de ladite société et des pièces comptables de cette société qui auraient permis de s’assurer que, comme le soutient le requérant, les dépenses engagées par la société ont bien été imputées au débit du compte courant ouvert dans les écritures sociales, les sommes litigieuses qui n’étaient pas justifiées par l’intérêt de la société ont été à bon droit considérées comme des revenus mis à la disposition de M. X… et distribués à son seul profit ; que c’est dès lors à bon droit, qu’en application de l’article 109-1-2 du code général des impôts, lesdites sommes ont été imposées à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobilier entre les mains de M. X… au titre de l’année 1980 au cours de laquelle lesdites sommes ont été versées ;

Sur les primes d’assurance-vie afférentes aux années 1979 et 1980 :

Considérant que si M. X… conteste la réintégration dans son revenu imposable des années 1979 et 1980 des primes d’assurance-vie qu’il allègue avoir versées, il est constant qu’il ne fournit aucun justificatif permettant d’admettre la réalité desdits versements ; que par suite c’est à bon droit que ces charges n’ont pas été prises en compte pour la détermination de son revenu imposable au titre des années 1979 et 1980 ;

En ce qui concerne les revenus fonciers afférents à l’année 1981 :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a retenu un montant de 42.123 F au titre des intérêts d’emprunt dans les charges déductibles des revenus fonciers bruts ; que dès lors la demande du requérant tendant à la prise en compte des intérêts de l’emprunt souscrit pour acquérir l’appartement situé … est sans objet ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les années 1978 et 1979 :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a procédé à la substitution des intérêts de retard aux majorations atteintes par la prescription ; que dès lors les moyens invoqués et les conclusions présentées en ce qui concerne les années 1978 et 1979 sont irrecevables ;

En ce qui concerne les années 1980 et 1981 :

Considérant que pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due ; que les pénalités se prescrivent par le même délai que les impositions au principal ;

Considérant que M. X… soutient que les pénalités appliquées aux redressements litigieux étaient prescrites faute d’avoir été mentionnées dans les notifications de redressement qui lui ont été adressées les 20 janvier 1982, 30 novembre 1983 et 22 juin 1984 ; qu’il résulte de l’instruction que l’administration a notifié au requérant, le 29 mars 1984, une lettre de motivation des pénalités qui a régulièrement interrompu la prescription pour les pénalités afférentes aux années 1980 et 1981 ; que si M. X… se prévaut de la doctrine administrative résultant de l’instruction du 6 février 1980 selon laquelle une telle lettre doit être envoyée dans les trente jours de l’envoi de la notification de redressements, il ne peut utilement invoquer ladite instruction dès lors que celle-ci concerne la procédure d’imposition ; qu’il ressort de l’ensemble des dispositions du code général des impôts et du livre des procédures fiscales d’une part, que l’administration n’a pas l’obligation de suivre une procédure contradictoire pour l’application des pénalités, d’autre part, qu’il n’est nullement imposé à l’administration de donner au contribuable un délai de réponse ; qu’enfin, la lettre du 29 mars 1984 répond à l’obligation de motivation posée par la loi du 11 juillet 1979 sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de l’article 105-1 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 qui s’applique aux notifications de redressements intervenues depuis le 1er janvier 1985 alors qu’en l’espèce les notifications de redressements ont été adressées antérieurement à M. X… ; qu’enfin M. X… se borne à affirmer sa bonne foi et qu’en cet état l’administration établit qu’elle lui a appliqué à bon droit les pénalités de l’article 1729 du code général des impôts en ce qui concerne les redressements relatifs aux revenus d’origine indéterminée et les pénalités au taux de 25 % prévues à l’article 1733-1 du code général des impôts en ce qui concerne les redressements de l’année 1980, le requérant n’ayant adressé de déclaration de revenus que dans le mois suivant une deuxième mise en demeure ; que de même l’administration a appliqué, à bon droit, en vertu du même texte, la majoration de 100 % à la plus-value immobilière que le contribuable n’a jamais déclarée ;

Sur la demande d’expertise :

Considérant qu’une telle demande ne peut qu’être rejetée, M. X… ne fournissant aucune précision sur les éléments qui pourraient être examinés dans le cadre d’une telle mesure d’instruction ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. X… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de lui accorder la décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 ;

Article 1er : La requête de M. Philippe JONGLEZ est rejetée.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x