Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, I, sous le n° 04NT01033, la requête, enregistrée le 9 août 2004, présentée pour M. Laurent X, demeurant …, par Me Magguilli ; M. Laurent X demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement nos 00-268, 02-2594, 03-3057 du 17 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 à 1998, ainsi que des pénalités y afférentes, d’autre part, des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 à 1998, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu, II, sous le n° 05NT00742, la requête, enregistrée le 13 mai 2005, présentée pour M. Laurent X, demeurant …, par Me Magguilli ; M. Laurent X demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 04-1088 du 10 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 septembre 2006 :
– le rapport de M. d’Izarn de Villefort, rapporteur ;
– et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 04NT01033 et n° 04NT00742 présentées par M. X sont relatives à la situation d’un même contribuable et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité des jugements :
Considérant que la jonction de deux requêtes pendantes devant la même juridiction ne peut avoir d’influence sur le sens des décisions à prendre sur chacune d’entre elles ; qu’en statuant par un seul jugement du 17 mai 2004 sur plusieurs demandes présentées par M. X, le Tribunal administratif de Rennes n’a donc pas fondé sa décision sur un moyen relevé d’office mais a exercé un pouvoir qui lui était propre ; qu’ainsi, M. X n’est pas fondé à soutenir que les parties auraient dû, par application des dispositions de l’article R.611-7 du code de justice administrative, être mises en mesure de présenter leurs observations sur la jonction de ces demandes ;
Considérant que M. X soulevait en première instance le moyen tiré de ce que sa situation avait fait l’objet d’une nouvelle vérification de comptabilité, dès lors que le courrier du 25 mars 1997 le convoquant chez le chef de brigade pour être informé de la motivation d’une nouvelle notification de redressement portait en objet la mention vérification de comptabilité ; que le Tribunal administratif a écarté ce moyen au motif que cette seule mention n’établissait pas l’existence d’une double vérification de comptabilité ; qu’il a, en outre, écarté le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de la notification de redressements du 20 janvier 1997 en relevant qu’elle comportait le détail des éléments de calcul de la base d’imposition, et mentionnait, notamment, le montant des recettes brutes et celui de la déduction forfaitaire de 13 % ; que le Tribunal administratif de Rennes a, ainsi, motivé son jugement du 17 mai 2004 de façon suffisante ; qu’il n’était tenu de répondre, ni dans ce jugement, ni dans celui du 10 mars 2005, à tous les arguments invoqués à l’appui des moyens tirés de l’application des dispositions de l’article L.80 B du livre des procédures fiscales et de ce que les travaux dont le coût avait été déduit par M. X en tant qu’exploitant individuel devaient être regardés comme des travaux d’entretien ou de réparation ;
Sur les impositions contestées ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ( ) ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, la notification de redressements n° 2120 du 20 janvier 1997 adressée à la société civile immobilière (SCI) L’Anneau d’Or comporte un tableau explicitant le mode de calcul du rehaussement envisagé de 680 864 F ; qu’en l’espèce, la qualification des travaux litigieux retenue par le service résultant de l’examen de l’ensemble des factures présentées par le contribuable, cette notification n’avait pas à inclure la liste des factures examinées ; que la notification n° 2120 du 14 avril 1997, adressée à M. X en sa qualité d’associé de la SCI L’Anneau d’Or, se borne à rectifier celle qui lui a été adressée le 20 janvier 1997 en cette qualité et à tirer les conséquences au niveau du revenu global de l’année 1995 du redressement notifié à cette société ; qu’elle se réfère à la notification du même jour ainsi adressée à la SCI L’Anneau d’Or, dont elle rappelle le motif du rehaussement ; qu’elle comporte un tableau exposant le calcul du revenu imposable ; que, par suite, ces notifications permettaient à M. X de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation, conformément aux exigences posées par l’article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que la notification n° 3924 du 14 avril 1997 adressée à M. X rectifie celle du 17 décembre 1996 ; qu’elle ne concerne que les bénéfices industriels et commerciaux perçus en 1994 et 1995 ; qu’à défaut de remise en cause de tout autre élément concourant à la détermination de son revenu net global imposable à l’impôt sur le revenu, cette notification intéressait nécessairement tant les revenus de M. X imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux que son revenu global ; que, dès lors, la circonstance que l’administration fiscale n’ait pas procédé à l’envoi d’une notification relative au redressement du revenu global au titre de ces années n’a pas rendu la procédure d’imposition irrégulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que, par acte en date du 20 décembre 1994, la SCI L’Anneau d’Or, dont les associés sont M. et Mme X, lesquels exploitaient l’établissement depuis 1984, a acquis les murs d’un hôtel situé à Saint-Cast-le-Guildo (Côtes-d’Armor), dont les deux derniers étages et la toiture avaient été détruits par un incendie survenu au mois d’avril 1994 ; que d’importants travaux achevés en juillet 1995 ont permis la réouverture de cet hôtel ; que l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité des dépenses engagées pour la réalisation de ces travaux ;
Sur les charges déduites par la SCI L’Anneau d’Or :
Considérant qu’aux termes de l’article 31 du code général des impôts : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a. Les dépenses de réparation et d’entretien ( ) ; b. Les dépenses d’amélioration afférentes aux locaux d’habitation, à l’exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement ( ) ; que doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d’habitation, ainsi que les travaux ayant pour effet d’apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d’habitation existants ou les travaux d’aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des factures produites, que les travaux dont le montant a été déduit par la SCI L’Anneau d’Or ont porté sur la démolition puis la reconstruction de la façade du 3ème étage, de la dalle d’assise et du balcon du 2ème étage ; que la dalle d’assise du 3ème étage a été exécutée en remplacement des planchers détruits par l’incendie ; que la charpente et la toiture ont été refaites, selon une forme différente de celle de la charpente et de la toiture initiales ; que les fenêtres ont été changées et que celles des deux derniers étages ont été modifiées en oriels, imposant d’ailleurs la modification de la façade ; que l’aménagement intérieur des étages détruits a été entièrement reconstitué ; que ces travaux, qui ont apporté une modification importante au gros oeuvre, n’ont pas eu pour effet la simple remise en état de l’immeuble dont s’agit mais doivent être regardés au contraire comme des travaux de reconstruction non déductibles du revenu net au sens des dispositions précitées de l’article 31 du code général des impôts ; qu’il est constant que l’administration fiscale a extourné les indemnités d’assurances d’un montant total de 887 607 F déclarées par la SCI L’Anneau d’Or au titre des recettes réalisées en 1995 ; que si ces indemnités ne sont venues que partiellement compenser le montant de 1 453 083 F de travaux engagés, cette circonstance ne saurait rendre déductibles des charges qui ne le sont pas par nature ;
Considérant que si l’hôtel a fait l’objet de travaux destinés à assurer le respect des normes de sécurité, à faciliter l’accès des personnes handicapées et à conserver son classement dans la catégorie trois étoiles, ces travaux ne sont pas dissociables de l’opération de reconstruction en cause, même si la réouverture de l’établissement après reconstruction était subordonnée à l’exécution de la majorité d’entre eux ; qu’il en est de même des travaux effectués au rez-de-chaussée et aux étages qui n’avaient pas été atteints par l’incendie mais qui ont été endommagés par l’eau déversée par les pompiers ;
Considérant que les réponses ministérielles dont l’appelant se prévaut ne concernent que des hypothèses de travaux de remise en état résultant de dommages provoqués par des événements naturels et non par un incendie ; que la lettre du 27 décembre 1996 qui lui a été adressée par le centre des impôts fonciers de Dinan est relative à l’assujettissement à la taxe foncière et non à l’imposition de revenus fonciers à l’impôt sur le revenu ; qu’il ne saurait donc invoquer le bénéfice des dispositions des articles L.80 A et L.80 B du livre des procédures fiscales ;
Considérant que, par suite, c’est à bon droit que le directeur des services fiscaux des Côtes-d’Armor a remis en cause le déficit en matière de revenus fonciers perçus par la SCI L’Anneau d’Or en 1995 et son report sur les années 1996 à 2000 ;
Sur les charges déduites par M. X :
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que M. X a déduit au cours des exercices clos en 1994 et 1995, à hauteur, respectivement, de 50 355 F et 642 221 F, le montant de travaux et de dépenses de locations effectués à la suite de l’incendie, préalablement à la réouverture de l’hôtel qu’il exploite ; que ces travaux ont consisté à évacuer les objets et déblais résultant du sinistre, à remplacer des éléments de plomberie et de serrurerie, les sols, la décoration ; qu’ils ont également affecté l’ascenseur ; que des plafonds suspendus ont été installés ; que l’ensemble des dépenses engagées a donc porté en l’espèce sur le remplacement d’agencements et d’installations techniques diverses, afin de rendre les locaux conformes à l’usage pour lesquels ils avaient été loués, et de permettre ainsi la réouverture de l’hôtel ; qu’elles ont nécessairement entraîné une augmentation de la valeur de l’actif du bilan ; que d’ailleurs, le ministre soutient sans être contredit que la valeur des agencements intérieurs inscrits à l’actif du bilan après le 31 décembre 1994 n’était plus que de 7 440 F contre 2 173 296 F avant le sinistre ; que, par suite, ces dépenses ne pouvaient être regardées comme des charges immédiatement déductibles des résultats de l’exercice au cours duquel elles ont été réalisées ; qu’elles pouvaient seulement faire l’objet d’amortissements dans les conditions prévues à l’article 39 D du code général des impôts, applicable à l’entreprise qui édifie des constructions ou des aménagements sur le sol d’autrui ou dans des locaux pris à bail ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant a constaté, au titre de l’exercice clos en 1994, une provision pour grosses réparations d’un montant de 604 738 F, correspondant aux aménagements à réaliser dans l’établissement dans le domaine de la sécurité et de la décoration, ainsi qu’au remplacement de l’équipement téléphonique et de la literie ; que, pour le motif susexposé, ces dépenses devant également aboutir à une augmentation de la valeur de l’actif du bilan, elles ne pouvaient donner lieu qu’à amortissement et non venir en déduction des résultats de l’entreprise ;
Considérant qu’ainsi, M. X ne pouvait régulièrement déduire ces charges des bénéfices industriels et commerciaux réalisés au cours des exercices clos en 1994 et 1995 ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes ;
Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes susvisées de M. X sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent X et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
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