Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour les 6 juin et 10 août 1995, présentés pour la société Monin Automobiles, dont le siège est Z.I Bourg de Péage à Bourg de Péage (26300), les sociétés Etablissements Cesbron, Asia X… France et Europe Auto Services, dont le siège est …, Luxembourg, par la société civile professionnelle FOURGOUX, société d’avocats au barreau de Paris, et Me Y…, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;
Les requérantes demandent que la Cour :
1 ) annule le jugement n s 91-900 – 91-1395 – 91-1396 – 91-1448 du 6 avril 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l’Etat à réparer le préjudice qu’elles ont subi en raison du refus de les accréditer pour l’importation de véhicules japonais de certaines marques ;
2 ) condamne l’Etat à verser une somme de 8 000 000 F à la société
Monin Automobiles, une somme de 440 205 000 F à la société Etablissements Cesbron, une somme de 16 000 000 F à la société Asia X… France et une somme de 11 000 000 F à la société Europe Auto Services, lesdites sommes devant porter intérêts, et ces derniers étant eux-mêmes capitalisés ;
3 ) condamne l’Etat, au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, à verser à chacune une somme de 50 000 F au titre des frais exposés en première instance et une somme de 25 000 F au titre des frais exposés en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu le code de la route ;
Vu l’ordonnance n 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 décembre 1998 :
– le rapport de M. LEMAI, président,
– et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si, en soutenant que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l’illégalité des dispositions de l’article R.106 du code de la route au regard des stipulations de l’article 30 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, les sociétés requérantes doivent être regardées comme ayant entendu contester la régularité du jugement attaqué, cette contestation, fondée sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposent les moyens invoqués à l’appui de leur requête sommaire, constitue une demande nouvelle ; que celle-ci, ayant été formulée dans un mémoire ampliatif, enregistré seulement le 10 août 1995, postérieurement à l’expiration du délai d’appel, est irrecevable comme tardivement présentée ;
Sur la responsabilité de l’Etat ;
En ce qui concerne les décisions du ministre des transports rejetant implicitement les demandes d’accréditation :
Considérant qu’aux termes de l’article R.106 du code de la route, dans sa rédaction alors applicable : « Tout véhicule automobile ( … ) doit, avant sa mise en circulation, faire l’objet d’une réception par le service des mines, sous l’autorité du ministre des transports, destinée à constater que ces véhicules satisfont aux prescriptions des articles R.54 à R.64, R.69 à R.97 et R.103 à R.105 du présent code et des textes pris pour leur application. ( … ). – La réception peut être effectuée soit par type sur la demande du constructeur, soit à titre isolé sur la demande du propriétaire ou de son représentant. – Toutefois, en ce qui concerne les véhicules ou éléments de véhicules qui ne sont pas fabriqués ou montés sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté économique européenne, la réception par type n’est admise que si le constructeur possède en France un représentant spécialement accrédité auprès du ministre des transports. Dans ce cas elle a lieu sur demande dudit représentant. ( …) » ;
Considérant, en premier lieu, que le fait de soumettre à l’obligation de réception définie par les dispositions précitées de l’article R.106 du code de la route des véhicules importés d’un autre Etat membre où ils ont déjà été réceptionnés ou agréés n’est pas contraire aux stipulations combinées des articles 30 et 36 du traité instituant la Communauté européenne qui interdisent les mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation, sous réserve de la nécessité de protéger les intérêts visés à l’article 36 au nombre desquels figure la sécurité routière, dès lors qu’à la date des décisions en litige, il n’existait pas d’harmonisation européenne des systèmes de réception et dans la mesure où lesdites dispositions n’impliquent pas, en elles-mêmes, des frais ou des délais déraisonnables et ne font pas obstacle à ce que l’importateur puisse produire des documents établis dans l’Etat membre d’exportation pour remplacer, dans la mesure du possible, des opérations de contrôle ; que le représentant accrédité du constructeur désigné en application de l’article R.106 et dont le caractère exclusif des fonctions est limité aux opérations techniques de réception, ne peut, en tout état de cause, être regardé comme se trouvant placé dans une situation d’abus de position dominante prohibée par l’article 86 du même traité et par l’article 8 de l’ordonnance susvisée du 1er décembre 1986 ;
Considérant, en deuxième lieu, que saisie d’une demande d’accréditation, l’administration est en droit d’exiger les garanties, notamment la capacité de coopération technique avec le constructeur, qu’implique l’exercice des responsabilités conférées par l’accréditation qui comportent la délivrance des certificats de conformité des véhicules importés au type agréé prévus à l’article R.108 du code de la route ; que les entreprises requérantes ne contestent pas sérieusement les indications du ministre afférentes à l’insuffisance de leur expérience et de leurs moyens ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que les refus d’accréditation reposeraient sur une appréciation erronée des circonstances de l’espèce ;
Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne démontrent pas que les refus d’accréditation qui leur ont été opposés seraient entachés d’une illégalité constituant une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;
En ce qui concerne les délais anormaux de déroulement des opérations de réception à titre isolé :
Considérant que si les entreprises requérantes font état d’un certain nombre de cas dans lesquels leurs clients auraient rencontré des difficultés anormales dans le déroulement des opérations de réception à titre isolé de leur véhicule, elles n’établissent pas l’existence d’un lien de causalité direct entre les agissements de l’administration et le préjudice qu’elles invoquent résultant d’un manque à gagner ; que si une partie de l’indemnisation réclamée paraît également être fondée sur les préjudices directement causés par les conditions de déroulement des opérations de réception, les sommes demandées, à ce titre, sont totalement dépourvues de justification ; qu’il suit de là que les conclusions tendant à l’engagement de la responsabilité de l’Etat sur le fondement desdits agissements ne peuvent, en tout état de cause, qu’être rejetées ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’industrie, de la poste et des télécommunications, que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l’Etat à leur verser une indemnité en réparation des préjudices ci-dessus invoqués ;
Sur les conclusions tendant à l’allocation des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel font obstacle à ce que les sociétés requérantes qui succombent dans la présente instance, puissent obtenir le remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête des sociétés Monin Automobiles, Asia X… France, Europe Auto Services et Etablissements Cesbron est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Monin Automobiles, à la société Asia X… France, à la société Europe Auto Services, à la société Etablissements Cesbron, au ministre de l’équipement, des transports et du logement et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.