Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 15/06/2012, 10NT01698, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 15/06/2012, 10NT01698, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2010, présentée pour la SOCIETE SITEMAR, dont le siège est au 1, rue Jules Michelet à Granville (50400), représentée par son président-directeur général, par Me Agostini, avocat au barreau de Granville ; la SOCIETE SITEMAR demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 09-1721 du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 28 mai 2009 par lequel le maire de Granville a délivré un permis de construire à la société Vikings Hôtellerie ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 28 mai 2009 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Granville et de la société Vikings Hôtellerie une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 mai 2012 :

– le rapport de Mme Grenier, premier conseiller,

– les conclusions de M. d’Izarn de Villefort, rapporteur public ;

– et les observations de Me L’Hostis, substituant Me Cartron avocat de la SOCIETE SITEMAR ;

Considérant que, par un arrêté du 28 mai 2009, le maire de la commune de Granville a délivré à la société Vikings Hôtellerie SA un permis de construire un ascenseur extérieur, destiné à permettre aux personnes à mobilité réduite d’accéder directement à la plage du  » Plat Gousset « , située en contrebas de l’hôtel  » Le Grand large « , exploité par la société pétitionnaire ; que la SOCIETE SITEMAR, qui exploite une thalassothérapie dans le même immeuble, relève appel du jugement du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que dans ses écritures en première instance, la SOCIETE SITEMAR soutenait que la société Vikings Hôtellerie avait sciemment dissimulé la circonstance qu’elle n’avait pas qualité pour déposer la demande de permis de construire litigieuse, et que celle-ci était ainsi entachée de fraude ; qu’en relevant d’une part, que la société Vikings Hôtellerie avait attesté avoir qualité pour déposer une demande de permis de construire au regard des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l’urbanisme et que le maire de Granville n’avait, dès lors, pas à vérifier qu’elle remplissait effectivement cette qualité et d’autre part, que la circonstance que la société Vikings Hôtellerie ne remplirait pas cette qualité était sans influence sur la légalité du permis de construire délivré sous réserve des droits de tiers, le tribunal a omis de répondre au moyen, qui n’était pas inopérant, tiré de ce que cette attestation était entachée de fraude ; qu’ainsi, la SOCIETE SITEMAR est fondée à soutenir que le jugement attaqué n’est pas suffisamment motivé et doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée pour la SOCIETE SITEMAR devant le tribunal administratif de Caen ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 27 mars 2008, régulièrement affiché en mairie le 24 novembre suivant, le maire de Granville a donné délégation à M. Yves X, signataire de l’arrêté du 28 mai 2009, pour  » traiter les problèmes de l’urbanisme (…), suivre l’application du plan local d’urbanisme et délivrer toutes les autorisations correspondantes  » ; qu’il suit de là, que le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme :  » L’arrêté prévu au premier alinéa de l’article A. 424-1 : / (…) b) Vise la demande de permis ou la déclaration et en rappelle les principales caractéristiques : (…) objet de la demande (….)  » ; que l’article A. 424-9 du même code énonce que :  » Lorsque le projet porte sur des constructions, l’arrêté indique leur destination et, s’il y a lieu, la surface hors oeuvre nette créée (…)  » ; qu’il ressort des pièces du dossier, que l’arrêté du 28 mai 2009 précise que la demande a pour objet des  » travaux sur une construction existante  » ; que cette mention, qui n’est pas inexacte, satisfait aux prescriptions de l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme ; qu’à supposer même que le projet litigieux entraîne la création d’une surface hors oeuvre nette de 8 m², l’absence de mention de celle-ci dans l’arrêté portant délivrance du permis de construire est, eu égard à cette faible superficie, sans incidence sur la légalité du permis de construire attaqué ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » La demande de permis de construire précise : / (…) f) La surface hors oeuvre nette des constructions projetées, s’il y a lieu répartie selon les différentes destinations définies à l’article R. 123-9, ainsi que leur surface hors oeuvre brute lorsque le projet n’est pas situé dans un territoire couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu (…)  » ; que l’article R. 112-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que :  » La surface de plancher hors oeuvre nette d’une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : (…) / c) Des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments ou des parties de bâtiments aménagés en vue du stationnement des véhicules (…)  » ; qu’il ressort du plan de masse de la construction projetée qu’une aire de 8 m² destinée aux manoeuvres des véhicules utilisés par les personnes à mobilité réduite, est créée entre l’ascenseur et la sortie vers la promenade du  » Plat Gousset  » au niveau R-7 ; qu’il résulte des dispositions du c) de l’article R. 112-2 du code de l’urbanisme que cette surface n’avait pas à être prise en compte pour le calcul de la surface de plancher hors oeuvre nette du projet litigieux ; qu’ainsi, l’absence de mention de cette surface dans le formulaire de demande de permis de construire n’a, en tout état de cause, pas été de nature à induire l’administration en erreur ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-7 du code de l’urbanisme :  » Sont joints à la demande de permis de construire : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune (…)  » ; que l’article R. 431-8 du même code énonce que :  » Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L’état initial du terrain et de ses abords indiquant, s’il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l’insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L’aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L’implantation, l’organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions (…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 431-9 de ce code :  » Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions (…). / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d’équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l’alimentation en eau et l’assainissement (…)  » ; que l’article R. 431-10 de ce code énonce que :  » Le projet architectural comprend également : / (…) b) Un plan en coupe précisant l’implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l’état initial et l’état futur (…)  » ;

Considérant, d’une part, que le dossier de demande de permis de construire comportait un plan de situation permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune conformément aux dispositions de l’article R. 431-7 précité, un plan de masse de l’ascenseur projeté coté dans ses trois dimensions satisfaisant aux prévisions de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme et deux plans de coupe présentant respectivement l’état initial du terrain et l’état futur avec l’implantation de l’ascenseur extérieur ; que l’insuffisance alléguée de ces deux plans de coupe, qui permettaient d’apprécier l’ampleur du déroctage nécessaire à la réalisation du projet litigieux, n’est pas établie ; que ce projet s’inscrivant dans un immeuble existant déjà raccordé aux réseaux publics, les modalités de raccordement à ces réseaux n’avaient pas à être précisées ; qu’en conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 431-7, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l’urbanisme doivent être écartés ;

Considérant, d’autre part, que les photographies jointes au dossier de la demande de permis de construire, et en particulier la vue lointaine produite, permettaient à l’autorité administrative d’apprécier l’insertion du projet litigieux dans son environnement ; que la notice architecturale indiquait que la réalisation de l’ascenseur extérieur nécessitait de créer une trémie sur la terrasse actuelle au niveau R-5 ainsi qu’un déroctage en sous-oeuvre jusqu’au niveau du  » Plat Gousset « , déroctage apparaissant également dans le plan en coupe de ce projet ; qu’elle énonçait que les vues actuelles sur la terrasse du bâtiment seraient préservées, ce qui ressort également des documents photographiques joints au dossier ; qu’enfin, cette notice précisait que les matériaux utilisés pour cet ascenseur seraient similaires à ceux de son environnement proche, que les murs seraient enduits au niveau R-4 et recouverts d’un parement en briques au niveau R-5, que la couverture serait réalisée en zinc prépatiné, le kiosque en serrurerie prélaquée de tonalité gris brun et les vitrages en verre fumé ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l’environnement et la configuration des lieux seront profondément modifiés par les travaux de déroctage nécessaires à la réalisation de l’ascenseur projeté ; qu’ainsi, le dossier de demande de permis de construire est conforme aux dispositions de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme ;

Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public.  » ; que le projet litigieux ne portant pas sur une dépendance du domaine public, l’accord du gestionnaire n’avait pas à être joint au dossier de demande de permis de construire ;

Considérant, en sixième lieu, que le moyen tiré de ce que l’arrêté de permis de construire attaqué aurait été délivré selon une procédure irrégulière n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en septième lieu, qu’aux termes de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme :  » Les demandes de permis de construire (…) sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (…)  » ; que l’article R. 431-5 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, énonce que :  » (…) La demande comporte également l’attestation du ou des demandeurs qu’ils remplissent les conditions définies à l’article R. 423-1 pour déposer une demande de permis.  » ; qu’il est constant que la société Vikings Hôtellerie a attesté avoir la qualité pour présenter la demande de permis de construire litigieuse ; que s’il ressort de l’acte notarié des 6 et 7 août 1992 que la propriété du bien sur lequel sont autorisés les travaux est divisée en deux lots de volume, appartenant pour le lot de volume n° 1 à la SOCIETE SITEMAR et pour le lot de volume n° 2 à la société Sotelmar, qui a confié la gérance de l’hôtel du  » Grand Large  » à la société Vikings Hôtellerie, le maire de Granville était fondé à estimer que cette dernière avait qualité pour présenter la demande de permis de construire, dès lors qu’elle attestait remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme pour déposer sa demande ; qu’eu égard à l’imbrication des lots de volume du bien immobilier concerné et au litige en cours devant les juridictions judiciaires sur le droit de propriété de la surface  » rétrocédée  » au niveau R-4, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en attestant avoir qualité pour déposer la demande de permis de construire, la société Vikings Hôtellerie aurait procédé à une manoeuvre de nature à induire l’autorité administrative en erreur et que le permis de construire attaqué aurait ainsi été obtenu par fraude ; qu’il suit de là, que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 423-1 doit être écarté ;

Considérant, en huitième lieu, qu’aux termes de l’article UA 1 du règlement du plan local d’urbanisme de Granville, sont interdits  » (…) les exhaussements et affouillements autres que ceux mentionnés à l’article UA 2  » ; que l’article UA 2 admet  » les exhaussements et affouillements du sol indispensables à l’implantation des opérations et constructions autorisées dans la zone  » ; qu’il ressort des pièces du dossier, que la réalisation d’un ascenseur extérieur permettant aux personnes à mobilité réduite d’accéder directement à la promenade du  » Plat Gousset  » depuis l’hôtel  » Le Grand Large  » nécessite un déroctage en sous-oeuvre jusqu’au niveau du  » Plat Gousset  » ; que cet affouillement est, par suite, admis par les dispositions de l’article UA 2 du plan local d’urbanisme de Granville ;

Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.  » ; que la SOCIETE SITEMAR n’établit ni que le terrain d’assiette du projet litigieux est situé dans une zone exposée au risque d’éboulement et de mouvements de terrains, ni que les opérations de déroctage nécessaires à sa réalisation seraient d’une ampleur telle qu’elles seraient de nature à fragiliser la structure du bâtiment concerné ; qu’il suit de là, qu’en délivrant le permis de construire attaqué, le maire n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il y ait lieu de surseoir à statuer jusqu’à ce que les juridictions judiciaires se soient prononcées sur les délimitations respectives des propriétés de la SOCIETE SITEMAR et de la société Sotelmar, les conclusions de la SOCIETE SITEMAR tendant à l’annulation de l’arrêté du 28 mai 2009 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à ce titre à la charge de la commune de Granville et de la société Vikings Hôtellerie qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la SOCIETE SITEMAR demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de la SOCIETE SITEMAR le versement respectivement à la commune de Granville et la société Vikings Hôtellerie de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 09-1721 du tribunal administratif de Caen du 3 juin 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de la SOCIETE SITEMAR est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE SITEMAR versera respectivement à la commune de Granville et à la société Vikings Hôtellerie une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SITEMAR, à la commune de Granville et à la société Vikings Hôtellerie.

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N° 10NT01698 2

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