Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 01/02/2013, 12NT01583, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 01/02/2013, 12NT01583, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 12 juin 2012, présenté par le ministre de l’intérieur ; le ministre de l’intérieur demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1009134 du 4 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. D… B…, la décision du 14 octobre 2010 du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire rejetant la demande de naturalisation de l’intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A… B… devant le tribunal administratif de Nantes ;

Il soutient que :

– la décision contestée ne repose pas sur des faits inexacts et c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que les  » liens de sympathie  » entretenus par M. A… B… avec la mouvance du Parti de Libération Islamique et salafiste n’étaient pas établis pour annuler la décision contestée du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ; les dénégations de l’intéressé et les témoignages qu’il a produits ne contredisent pas utilement le contenu de la note du 25 août 2010 de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques ;

– le tribunal s’est livré à une appréciation inexacte des pièces du dossier ;

– le défaut de loyalisme de M. A… B…envers la France est avéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2012, présenté pour M. A… B…, par Me Jobert, avocat au barreau de Paris qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

– la décision contestée est entachée d’une erreur de droit, dès lors que les dispositions de l’article 21-25-1 du code civil, relatives au délai de réponse de l’autorité publique, n’ont pas respectées ;

– la décision litigieuse du ministre chargé des naturalisations repose sur une erreur de fait ; il n’est nullement proche des thèses des  » frères C… », du P.L.I. ou salafistes ;

– la décision contestée est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; le ministre n’a pas procédé à un examen de ses qualités personnelles alors qu’il est bien intégré à la société française ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 octobre 2012, présenté par le ministre de l’intérieur qui confirme ses précédentes écritures et demande, en application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression du dernier paragraphe de la page 5 du mémoire de M. A… B… ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2013, présenté pour M. A… B…, qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2013 :

– le rapport de M. Sudron, président-assesseur ;

– et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l’intérieur relève appel du jugement du 4 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A… B…, la décision du 14 octobre 2010 du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire rejetant la demande de naturalisation présentée par l’intéressé ;

Sur la légalité de la décision du 14 octobre 2010 :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 21-15 du code civil : « Hors le cas prévu à l’article 21-14-1, l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger » ; qu’aux termes de l’article 49 du décret susvisé : « Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d ‘accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s’il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. Ces décisions motivées (…) sont notifiées à l’intéressé dans les délais fixés par l’article 21-25-1 du code civil » ; qu’en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l’intérêt d’accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l’étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d’opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que le ministre chargé des naturalisations s’est fondé, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. A… B…,de nationalité syrienne, sur une note du ministre de l’intérieur du 25 août 2010 indiquant que, lors de son entretien le 19 novembre 2009 avec les services spécialisés de sécurité, il avait reconnu avoir été en relation avec le Parti de la Libération Islamique (P.L.I.) au début des années 1990 et que, contrairement à ses allégations selon lesquelles il n’était plus en contact avec les membres de ce parti, il était actionnaire d’une librairie islamique à Paris fréquentée par des salafistes, dont la doctrine est l’idéologie dominante des organisations terroristes, et aussi admis être en relation avec un compatriote membre de la confrérie des Frères C…syriens ;

4. Considérant que si M. A… B… conteste la réalité des éléments contenus dans la note susmentionnée du ministre de l’intérieur, dément être proche des thèses des Frères C…et des salafistes, prétend n’avoir jamais eu de relations avec le P.L.I. et indique que la librairie, dont il est actionnaire, diffuse des objets divers en rapport avec la civilisation arabo-musulmane, il se borne à produire des témoignages faisant état de son comportement général dans sa vie professionnelle et familiale et n’apporte, à l’appui de ses dénégations, aucun élément précis de nature à remettre en cause les énonciations circonstanciées de cette note ; que, par suite, c’est à tort, que le tribunal administratif de Nantes, pour annuler la décision contestée, a estimé qu’elle reposait sur des faits qui ne pouvaient être tenus comme établis ;

5. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A… B… devant le tribunal administratif de Nantes ;

6. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le ministre n’aurait pas respecté le délai imparti à l’article 21-25-1 du code civil pour statuer sur la demande de naturalisation présentée par M. A… B… est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

7. Considérant, en second lieu, qu’en se fondant sur le motif sus-rappelé qui est de nature à caractériser un défaut de loyalisme de l’intéressé envers les institutions françaises, pour rejeter la demande de naturalisation de M. A… B…, le ministre, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’accorder la naturalisation, n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 octobre 2010 par laquelle le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a rejeté la demande de naturalisation de l’intéressé ;

Sur les conclusions du ministre tendant à la suppression de passages injurieux :

9. Considérant que les dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l’article L. 741-2 du code de justice administrative, permettent aux juridictions, dans les causes dont elles sont saisies, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que le mémoire de M. A… B… ne comporte pas de passages présentant ces caractères ; que les conclusions présentées, à ce titre, par le ministre de l’intérieur ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande M. A… B… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 avril 2012 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A… B… devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d’appel tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le ministre de l’intérieur sur le fondement de l’article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’intérieur et à M. D… B….

Délibéré après l’audience du 8 janvier 2013, à laquelle siégeaient :

– M. Pérez, président de chambre,

– M. Sudron, président-assesseur,

– Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2013.

Le rapporteur,

A. SUDRONLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

Y. LEWANDOWSKI

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N° 12NT015832

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