Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2012, présentée pour Mme C… B… demeurant au…, par Me Maillard, avocat au barreau d’Angers ; Mme B… demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0900824 en date du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2003 pour un montant de 14 187 euros ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
– la notification de redressement n’est pas suffisamment motivée ;
– l’administration n’a pas respecté les droits de la défense dès lors que l’ensemble des documents obtenus par l’administration dans l’exercice de son droit de communication ne lui a pas été transmis ni les moyens d’accès à ces documents et qu’elle n’a pas informé la requérante de l’origine des renseignements recueillis ;
– le principe du contradictoire n’a pas été respecté dès lors que la lettre du 29 août 2005 ne lui a pas précisé qu’un nouveau délai de trente jours lui était accordé ;
– le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de l’applicabilité de l’article 120-3° du code général des impôts et ne s’est pas prononcé sur la nature de l’indemnité en litige ;
– l’imposition de l’indemnité considérée comme un complément de prix réparant une perte de revenus, de même que celle des intérêts considérés comme des intérêts moratoires, n’est pas justifiée ; il en est de même du rattachement de cette imposition à l’année 2003 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
le ministre soutient que :
– les dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été respectées, la proposition de rectification étant suffisamment motivée ;
– l’administration n’avait pas à informer la requérante sur l’origine des renseignements recueillis dès lors que ceux-ci étaient soumis à une obligation légale de publicité et étaient accessibles au public ;
– l’ensemble des documents obtenus dans l’exercice du droit de communication a été transmis à la contribuable et les moyens d’accès aux documents publics n’ont pas été sollicités auprès de l’administration ;
– aucun texte de loi ni aucun règlement ne prescrivent à l’administration d’octroyer un délai supplémentaire de trente jours au contribuable après qu’elle a rempli ses obligations d’information et de communication ;
– la somme perçue par M. et Mme B… à l’occasion du rachat des titres de la BRI constitue un revenu imposable dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, cette somme n’ayant pas pour objet de compenser une perte de patrimoine leur ayant causé un préjudice ;
– les dispositions de l’article 120-3° ont été appliquées à juste titre ;
– l’année d’imposition est 2003 dès lors que c’est cette année que les sommes ont été perçues ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2013, présenté pour Mme B…, par Me Boucheron, avocat au barreau d’Angers qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 août 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut aux mêmes fins que son mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 février 2014 :
– le rapport de M. Giraud, premier conseiller,
– et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme B… a perçu, au cours de l’année 2001, une somme correspondant au rachat obligatoire de vingt-six actions de la banque des règlements internationaux par celle-ci au prix unitaire de 10 399 euros, complétée en 2003 par la somme de 49 923 euros assortie des intérêts moratoires à la suite d’une sentence définitive du tribunal arbitral de la Haye du 19 septembre 2003 à la suite d’un différend sur l’évaluation des titres ; qu’elle demande l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 2012 par lequel celui-ci a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2003 pour un montant de 14 187 euros portant sur la somme perçue à l’issue de la sentence du tribunal arbitral de la Haye ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ;
3. Considérant que la proposition de rectification adressée le 16 juin 2005 à Mme B… précise l’année concernée, la nature, le montant et les motifs des rehaussements envisagés ; qu’elle mentionne également que le complément de prix de 49 923 euros perçu en 2003 par Mme B… dans le cadre du rachat forcé de leurs actions par la Banque des règlements internationaux a été considéré comme une indemnité destinée à réparer une perte de revenus et a par suite été imposé à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l’année 2003 au taux forfaitaire de 16 % en application de l’article 120 du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette proposition de rectification n’est pas été suffisamment motivée, notamment en droit, doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, lorsque le contribuable lui en fait la demande, l’administration est tenue, sauf dans le cas d’informations librement accessibles au public, de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d’en vérifier l’authenticité ou d’en discuter la teneur ou la portée ;
5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme B… a demandé à l’administration par courrier, en date du 7 juillet 2005, de » bien vouloir lui faire parvenir l’ensemble des informations et des documents que celle-ci s’était procurés » en exerçant son droit de communication » ; que dans un courrier du 29 août 2005, l’administration a indiqué que » M. A… D…, inspecteur départemental en poste à la brigade de recherches systématiques de la direction nationale des enquêtes fiscales, a exercé un droit de communication auprès de la Banque de France (service des titres) le 8 novembre 2004, conformément aux dispositions des articles L. 81, L. 83, L. 85 et L. 102B du livre des procédures fiscales (…). Par ailleurs je vous précise que le service s’est appuyé sur la réponse Idrac (AN, 18/06/2001 n° 57656) ainsi que sur les décisions du tribunal arbitral de La Haye (22/11/2002 et 19/09/2003) pour motiver les rectifications opérées par la lettre 2120 » ; qu’ainsi, l’administration a satisfait à la demande de communication qui lui était faite, indiquant au surplus, par cette dernière phrase, l’origine et la teneur des renseignements, non obtenus par l’exercice de son droit de communication, ayant servi à fonder les redressements litigieux ; que la contribuable, à laquelle il appartenait dans ces conditions d’en solliciter ensuite la communication, et s’en est abstenue, ne peut dès lors reprocher à l’administration de ne pas lui avoir spontanément communiqué une copie de cette sentence arbitrale ; qu’il ne résulte par ailleurs pas de l’instruction que d’autres documents en la possession du service, » issus de la comptabilité de la BRI » comme le prétend la contribuable, aurait servi à fonder les impositions contestées ; que, dès lors, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que l’administration aurait méconnu son obligation de communication des renseignements obtenus auprès de tiers ou fondant les rectifications ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 57-1 du même code dans sa rédaction applicable : » La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L’administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition. » ;
7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que dans la proposition de rectification du 16 juin 2005, l’administration a indiqué à la contribuable qu’elle disposait d’un délai de trente jours pour présenter leurs observations ; que, par lettre du 29 août 2009 qui ne constituait pas une nouvelle proposition de rectification mais une réponse de l’administration à la demande de la requérante, celle-ci a communiqué à Mme B…, les informations et les documents qu’elle avait obtenus de tiers ; qu’aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe général du droit n’imposaient alors à l’administration d’indiquer à la contribuable qu’elle disposait d’un nouveau délai de trente jours pour présenter ses observations ; que, dès lors, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la lettre en cause n’aurait pas porté une telle mention ;
En ce qui concerne le bien fondé de l’imposition :
8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) » ; qu’aux termes de l’article 112 du même code : » Ne sont pas considérés comme revenus distribués : / 1° Les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d’apports ou de primes d’émission. Toutefois, une répartition n’est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s’appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres. / (…) 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 A bis est alors applicable (…) » ; qu’aux termes du 3° de l’article 120 dudit code relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France et revenus assimilés dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : « Sont considérés comme revenus au sens du présent article (…) : / Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d’apports ou de primes d’émission. Une répartition n’est réputée présenter le caractère d’un remboursement d’apport ou de prime que si tous les bénéfices ou réserves ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s’appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres (…) » ; qu’aux termes de l’article 74 SC de l’annexe II à ce code : » I. – L’indemnité d’expropriation à retenir pour le calcul de la plus-value imposable est constituée par l’ensemble des indemnités allouées en espèces ou en nature à un même bénéficiaire, à l’exception de celles qui ne sont pas représentatives de la valeur de cession des biens expropriés » ; qu’il résulte de ces dispositions que le rachat par une société ou un établissement bancaire au cours de son existence, à des personnes physiques qui en sont actionnaires, des droits sociaux qu’ils détiennent notamment sous forme d’actions, correspond, sous réserve des dispositions précitées de l’article 112 du code général des impôts à une mise à disposition au sens du 2° de l’article 109 du même code ; que, dans les cas prévus par le 3° de l’article 120 précité, les sommes perçues par l’actionnaire et correspondant à la différence entre le coût d’acquisition des titres et les sommes reçues au titre du rachat sont regardées comme des revenus distribués ;
9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme B…, qui avait la qualité d’actionnaire au moment du fait générateur, ont perçu une somme de 49 923 euros en 2003, en complément d’une première somme versée en 2001, à l’occasion du rachat forcé par la banque des règlements internationaux, établissement bancaire ayant le statut de société anonyme par actions et dont le siège se situe à Bâle de ses actions auprès de ses actionnaires particuliers ; qu’en application des dispositions précitées du code général des impôts, ces sommes, qui n’avaient pas le caractère de dommages-intérêts, devaient être regardées comme des revenus distribuées à hauteur de la différence entre le coût d’acquisition des actions détenues et la somme reçue au titre de leur rachat dont il est constant qu’elle excédait le montant de son apport ; que, dès lors, la somme en litige constituait un revenu imposable entre ses mains ; que, par suite, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration a soumis cette somme à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 12 du code général des impôts : » L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. » ; qu’aux termes de l’article 158 du même code : » (…) 3.1° Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, à l’exception des revenus expressément affranchis de l’impôt en vertu de l’article 157 et des revenus ayant supporté les prélèvements visés aux articles 117 quater et 125 A. / Lorsqu’ils sont payables en espèces les revenus visés au premier alinéa sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d’un compte. (…) » ; que, pour l’application des dispositions précitées de l’article 109 du code général des impôts, les sommes mises à disposition des associés, actionnaires ou porteurs de part, sont présumées distribuées à la date de clôture de l’exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si la société, l’associé, l’actionnaire ou le porteur de parts, ou l’administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, opérée à une autre date ;
11. Considérant que, par lettre du 18 janvier 2005, Mme B… a indiqué avoir reçu une indemnité d’un montant de 149 769,37 euros le 12 novembre 2003 à la suite du rachat forcé de ses actions et que la sentence arbitrale du tribunal de La Haye en date du 19 septembre 2003 précise que les » montants (…) doivent être payés dans un délai de 90 jours » ; qu’ainsi, la somme litigieuse, qui avait le caractère de revenu imposable, n’a pu être mise à disposition de l’intéressée qu’au cours de l’année 2003 ; que, par suite, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration aurait rattaché ladite somme à l’année 2003 ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B… demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C… B…et au ministre de l’économie et des finances.
Délibéré après l’audience du 20 février 2014, à laquelle siégeaient :
– M. Lenoir, président de chambre,
– M. Francfort, président-assesseur,
– M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mars 2014.
Le rapporteur,
T. GIRAUD Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
»
»
»
»
N° 12NT03384 2
1