Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 27 février 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 06-2277 du 18 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de la société Gourmaud Sélection tendant à l’annulation de la décision en date du 13 mars 2006 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie lui a refusé le bénéfice de l’agrément prévu à l’article 210 C du code général des impôts et lui a enjoint de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Gourmaud Sélection devant le Tribunal administratif de Nantes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 septembre 2009 :
– le rapport de Mlle Wunderlich, rapporteur ;
– les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
– et les observations de Me Garnier, substituant Me Ménétrier, avocat de la société Gourmaud Sélection ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 210 A du code général des impôts, les plus-values nettes et les profits dégagés sur l’ensemble des éléments d’actif apportés du fait d’une fusion ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés ; que ces dispositions s’appliquent, en vertu de l’article 210 B du même code, à l’apport partiel d’actif d’une branche complète d’activité ou d’éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend certains engagements relatifs aux titres remis en contrepartie de l’apport dans l’acte d’apport ; qu’aux termes du 2. de l’article 210 C du code général des impôts : [L]es dispositions [des articles 210 A et 210 B] ne sont applicables aux apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises que si ces apports ont été préalablement agréés dans les conditions prévues au 3 de l’article 210 B. (…) ; qu’aux termes du 3 de l’article 210 B : Lorsque les conditions mentionnées au 1 ne sont pas remplies, les dispositions de l’article 210 A s’appliquent aux apports partiels d’actif et aux scissions sur agrément délivré dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies. L’agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l’objet de l’apport : a. L’opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l’exercice par la société bénéficiaire de l’apport d’une activité autonome ou l’amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ; b. L’opération n’a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales ; c. Les modalités de l’opération permettent d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition. ; et qu’aux termes de l’article 1649 nonies du même code : I. Nonobstant toute disposition contraire, les agréments auxquels est subordonné l’octroi d’avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre de l’économie et des finances. (…) ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société Gourmaud sélection, qui a fait apport à la société de droit chinois Joint venture des palmipèdes Gourmaud Qingyan franco-chinoise d’un lot d’oies d’un jour, de son savoir-faire concernant les techniques d’élevage, d’incubation et de gavage des oies, et de cinq machines à gaver, a sollicité pour cette opération le bénéfice de l’agrément prévu au 2. de l’article 210 C précité du code général des impôts auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, qui a rejeté sa demande par décision en date du 13 mars 2006 au motif que les modalités de [cette] opération ne permettent pas d’assurer l’imposition ultérieure des plus-values placées en sursis d’imposition dès lors que les éléments apportés (…) ne seront pas placés sous souveraineté fiscale française après l’opération et que la délivrance de l’agrément aurait donc pour effet, contrairement à la volonté du législateur, d’exonérer définitivement les plus-values d’apport au lieu de les placer sous un régime de sursis d’imposition ; que, par jugement en date du 18 décembre 2008, le Tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision motif pris de ce que c’est à tort que le ministre a estimé que la condition d’imposition future des plus-values prévue au c. du 3 de l’article 210 B n’était pas remplie en l’espèce dès lors que les plus-values afférentes aux titres de participation reçus par la société Gourmaud Sélection en contrepartie de l’apport en nature litigieux seront passibles d’une imposition en vertu des dispositions du a quinquies) du I de l’article 219 du code général des impôts ;
Considérant que la délivrance de l’agrément litigieux permet l’application aux apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises du régime défini à l’article 210 A précité du code général des impôts, en vertu duquel la société apporteuse échappe à l’impôt sur les sociétés normalement exigible à raison des plus-values résultant de l’apport et des provisions et réserves jusqu’alors en sursis d’imposition, lesdites impositions devant être supportées par la société bénéficiaire de l’apport ; que la circonstance que les plus-values éventuellement réalisées par la société apporteuse lors de la cession de titres de participation reçus de la société bénéficiaire de l’apport en contrepartie de celui-ci seront imposables en vertu des dispositions du a quinquies) du I de l’article 219 du code général des impôts n’est pas de nature à faire regarder la condition prévue au c. du 3 de l’article 210 B du même code, relative à l’imposition des plus-values d’apport dans les conditions susdécrites, comme remplie ;
Considérant par suite que c’est à tort que le Tribunal administratif de Nantes s’est fondé sur le motif susanalysé pour annuler la décision du ministre en date du 13 mars 2006 refusant à la société Gourmaud Sélection le bénéfice de l’agrément prévu à l’article 210 C du code général des impôts ;
Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société Gourmaud Sélection devant le tribunal et la Cour ;
Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la condition d’imposition future des plus-values d’apport mises en sursis d’imposition prévue au c. du 3 de l’article 210 B précité du code général des impôts vise la société bénéficiaire de l’apport, laquelle doit s’engager, en application du 3. de l’article 210 A, à respecter les prescriptions suivantes : (…) b. (…) se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l’imposition de cette dernière. ; c. (…) calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l’occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d’après la valeur qu’elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée. d. (…) réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l’apport des biens amortissables. (…) ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la société Gourmaud Sélection, l’administration n’a pas ajouté à la loi, dont elle a fait une exacte application, en lui refusant l’agrément sollicité au motif que l’imposition future entre les mains de la société de droit chinois bénéficiaire de l’apport des plus-values litigieuses était, compte tenu des modalités de l’opération, compromise ;
Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que la double imposition économique de la société apporteuse et de la société bénéficiaire [de l’apport] exigée par l’administration fiscale [pour la délivrance de l’agrément litigieux] (…) n’est pas justifiée au regard de la directive européenne du 23 juillet 1990 n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier la portée et le bien-fondé et ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision susanalysée en date du 13 mars 2006 ;
Considérant que le présent arrêt rejette les conclusions à fin d’annulation présentées devant le tribunal administratif par la société Gourmaud Sélection ; que, par voie de conséquence, les conclusions de celle-ci tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre de statuer à nouveau sur sa demande d’agrément dans un délai de trois mois ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société Gourmaud Sélection la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 18 décembre 2008 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Gourmaud Sélection devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Gourmaud Sélection tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L’ETAT et à la société Gourmaud Sélection.
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N° 09NT005112
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