Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 22 décembre 1993, 92NT00230, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 22 décembre 1993, 92NT00230, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 avril 1992, sous le n° 92NT00230, présentée pour M. Emmanuel Y…, demeurant …, par la SCP M.H. Prieto – J.Y. Gillet, avocat ;

M. Y… demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 881185 du 6 février 1992 par lequel le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande en décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 et 1983 ;

2°) de prononcer la décharge de l’imposition contestée au titre de l’année 1980 ;

3°) à titre subsidiaire, la diminution substantielle ainsi que la réduction ou l’annulation des pénalités encourues ;

4°) d’ordonner que, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le pourvoi, il soit sursis à l’exécution du jugement et de l’imposition contestée ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 décembre 1993 :

– le rapport de Melle BRIN, conseiller,

– et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que l’instruction de l’affaire, devant le tribunal, a été menée conformément aux dispositions des articles R.138 à R.143 et R.145 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; que la demande, les mémoires et pièces produites par chaque partie leur ont été communiqués ; que ces éléments permettaient aux premiers juges d’apprécier l’affaire en bonne connaissance de cause ; que leur décision a été prise au terme de cette instruction qui a été régulière ; que, dès lors, les moyens tirés de l’absence d’instruction et de la méconnaissance du principe du contradictoire manquent en fait ;

Sur le moyen tiré de la convention européenne des droits de l’homme :

Considérant que, si le requérant invoque les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle », il résulte clairement de ces dispositions qu’elles ne sont pas applicables aux procédures relatives aux taxations fiscales ;

Sur le bien fondé des impositions :

Considérant qu’en vertu de l’article 160 du code général des impôts dans sa rédaction applicable dans le présent litige, lorsqu’un actionnaire cède à un tiers pendant la durée de la société tout ou partie de ses droits sociaux, l’excédent du prix de cession sur le prix d’acquisition de ces droits est taxé exclusivement à l’impôt sur le revenu au taux de 15 % sous réserve que soient remplies certaines conditions qui sont effectivement remplies en l’espèce ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à l’occasion de la cession à M. X… de 1658 actions de la société anonyme Y…, M. Emmanuel Y… a réalisé une plus-value, d’un montant non contesté de 3 334 200 F ; que, pour demander la décharge des impositions supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 1980, sur le fondement des dispositions de l’article 160, M. Y… soutient que la cession des actions a été réalisée en 1977, année qui était couverte par la prescription à la date de la notification de redressement ; que l’administration, qui a la charge de la preuve sur ce point, soutient, au contraire, que cette cession n’a pu intervenir qu’en 1980 ;

Considérant qu’une plus-value de cession de droits sociaux de la nature de celles qui entrent dans le champ d’application de l’article 160 est imposable au titre de l’année au cours de laquelle cette cession a été réalisée ; que la date à laquelle la cession d’actions d’une société anonyme doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s’opère entre les parties le transfert de propriété des titres ; qu’en l’absence de toute disposition législative spéciale définissant les actes ou opérations qui, au regard de la loi fiscale, doivent être réputés opérer le transfert de propriété de valeurs mobilières au porteur, il y a lieu de se référer, d’une part, aux dispositions de l’article 1583 du code civil, selon lesquelles la vente « est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de plein droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’a pas encore été livrée ni le prix payé », d’autre part, à l’article 265 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, alors en vigueur, aux termes duquel « le titre au porteur est transmis par simple tradition » ;

Considérant que l’administration soutient que la convention sous seing privé, conclue le 19 juillet 1977 entre M. et Mme X… et M. Y…, est dépourvue de valeur probante ; qu’il est constant que celle-ci n’a pas de date certaine, ne fait état d’aucune indication sur le prix et la quantité des valeurs mobilières cédées, et opère une distinction entre la cession et la possession des titres en stipulant que bien que la cession soit définitive à compter du 19 juillet 1977, M. Y… ne possédera plus aucune action dans la société après l’exécution de conventions antérieures lesquelles, aux termes dudit contrat, sont la perception par l’intéressé d’un salaire de dirigeant jusqu’au 31 juillet 1980, la fin de sa participation aux distributions de bénéfices, son engagement, le 31 juillet 1980, à donner sa démission de dirigeant social et d’administrateur de la société ; qu’il ressort des stipulations de la convention du 19 juillet 1977 que ni la chose ni le prix n’ont été convenus entre le vendeur et l’acheteur ; que l’administration, pour soutenir que la tradition des titres est intervenue après le 31 juillet 1980, invoque les feuilles de présence tenues aux assemblées de la S.A. Y… de l’année 1980, jusqu’au 31 octobre, dont le contenu n’est pas contesté par le requérant, et desquelles il ressort que M. Y… est expressément désigné comme porteur de 1658 actions, qu’il a vendu ses titres au porteur pour le prix principal de 3 500 000 F à M. X… qui en est devenu propriétaire le 31 octobre 1980 ; que si M. Y…, pour prétendre que la cession a été réalisée en juillet 1977 se prévaut de la remise en dépôt par lui-même des 1658 actions de la société à M. Z…, conseil juridique, et de la mise en dépôt le 20 juillet 1977 dans le coffre de la banque séquestre, il résulte de l’instruction, d’une part, que le reçu établi par M. Z… indique : « dans l’attente d’une convention à intervenir » dont il n’est pas démontré, au demeurant qu’il s’agirait de la constitution le 12 septembre 1979 par M. X… d’une société civile immobilière suivie de l’acquisition par ce dernier des immeubles de la société Y… et, d’autre part, que le séquestre a été effectué à titre de garantie de l’exécution des conventions ; que, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, ni la lettre du 5 août 1977, non signée, qui porte sur l’omission dans le protocole d’accord d’une clause concernant la garantie de passif dont la réalité n’est pas établie, ni la lettre de M. X… à M. Y… du 22 octobre 1980, laquelle, d’ailleurs précise que ce dernier ne devra pas participer à l’assemblée générale prévue le 31 octobre 1980 puisqu’il n’a plus aucune action de la société, ni le paiement d’un acompte sur le prix qui serait intervenu dès septembre 1977, ne sauraient être propres à démontrer que l’accord entre les parties et la tradition des titres sont intervenus en 1977 ; qu’il suit de là que l’administration apporte la preuve que le transfert de propriété des titres au porteur a eu lieu en 1980 ; que c’est donc à bon droit que la plus-value réalisée lors de cette cession a été imposée à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 1980 ;

Sur les conclusions relatives aux pénalités :

Considérant qu’aucune pénalité n’a été appliquée aux droits mis en recouvrement ; que les conclusions de la requête tendant à la décharge ou la réduction de pénalités sont sans objet ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Y… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande ;

Article 1er – La requête de M. Emmanuel Y… est rejetée.

Article 2 – Le présent arrêt sera notifié à M. Y… et au ministre du budget.


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