Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête présentée pour la S.A X… par Me P. Y…, syndic à la liquidation de ses biens dont l’adresse est Résidence « Le Canada », rue E. Le Guen, BP 1001, 35401, Saint-Malo et enregistrée au greffe de la Cour le 15 février 1991 sous le n° 91NT00093 ;
La société X… demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 862611 du 13 décembre 1990 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge du supplément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 1977, 1978, 1979 et 1980 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 janvier 1993 :
– le rapport de Melle BRIN, conseiller,
– et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande de la S.A X… dans son intégralité alors qu’il a, dans ces motifs, retenu que les conclusions de la demande étaient devenues sans objet dans la mesure du dégrèvement de 18 239 F accordé par la décision, en date du 30 mai 1988, du directeur régional des impôts de Rennes ; qu’il y a lieu pour la Cour d’annuler sur ce point le jugement attaqué, d’évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu’il n’y a pas lieu d’y statuer ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
Considérant que l’administration a réintégré aux bénéfices imposables de la S.A X… une somme de 45 000 F pour les exercices clos les 30 septembre 1977 et 1978, de 66 750 F pour l’exercice clos le 30 septembre 1979 et de 82 500 F pour celui clos le 30 septembre 1980 ; que ces sommes correspondent à la différence entre, d’une part, les loyers, s’élevant à 60 000 F pour les exercices des années 1977 et 1978, 84 000 F pour l’exercice 1979 et 102 000 F pour l’exercice 1980, payés par ladite société à M. et Mme X… et passés en charge dans ses écritures et, d’autre part, la valeur locative du fonds de commerce d’entreprise de bâtiment exploité en location-gérance par cette société, telle qu’elle a été estimée par le service qui a regardé cet excédent comme procédant d’un acte de gestion anormal consenti par la société preneuse aux propriétaires ;
Considérant que si l’appréciation du caractère anormal d’un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l’administration d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et règlementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant que la détermination du fardeau de la preuve découle, à titre principal, dans le cas des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes de gestion dont l’administration conteste le caractère ; que, si l’acte contesté par l’administration s’est traduit, en comptabilité, par une écriture portant, comme c’est le cas en l’espèce, sur des charges de la nature de celles qui sont visées à l’article 39 du même code et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l’article 38 du code, l’administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n’est pas, lui-même, en mesure de justifier, dans son principe comme dans son montant, de l’exactitude de l’écriture dont s’agit, quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n’eût pas été, à ce titre, tenu d’apporter pareille justification ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des pièces fournies par la S.A X… devant la Cour, que le contrat de location-gérance conclu le 30 janvier 1973 fixait la redevance à la somme de 60 000 F ; que cette somme a été ramenée à 43 000 F à compter du 1er octobre 1974 par un avenant du 5 décembre de la même année lequel était en vigueur lors des exercices clos les 30 septembre 1977 et 1978 ; qu’elle a été portée, par deux avenants ultérieurs, à 84 000 F à compter du 1er octobre 1978 et à 102 000 F à compter du 1er octobre 1979, lesquels étaient en vigueur lors des exercices clos les 30 septembre 1979 et 1980 ; que la S.A X… justifie, dès lors, dans son principe, à hauteur de ces montants, de l’exactitude des écritures dont s’agit ; que, dans ces conditions, elle n’est pas fondée à contester le redressement à concurrence d’une somme de 17 000 F pour les années 1977 et 1978 ; qu’en revanche, il appartient à l’administration, qui s’est abstenue de saisir la commission départementale des impôts de l’appréciation des faits en litige, d’apporter la preuve qu’à concurrence du surplus des rehaussements opérés les loyers excédaient ceux qui étaient normalement dus et qu’ainsi, en les majorant, la société a poursuivi un but étranger à son propre intérêt ; que l’administration s’est fondée exclusivement sur l’évaluation du fonds de commerce telle qu’elle résultait d’un acte notarié du 13 juin 1978 portant partage partiel de la communauté existant entre M. X… et son épouse ; qu’elle ne pouvait opposer à la société, en raison de la personnalité juridique distincte de celle-ci, un acte auquel elle n’a pas participé alors même qu’était concerné son principal actionnaire et président-directeur-général ; qu’ainsi l’administration n’apporte pas la preuve du bien-fondé du surplus des redressements ;
Considérant qu’en ce qui concerne les redressements restant à sa charge pour les années 1977 et 1978, la société requérante ne saurait utilement invoquer qu’à la suite d’une seconde vérification portant sur des exercices postérieurs, l’administration s’est abstenue de remettre en cause la déduction de l’intégralité des redevances de location-gérance qu’elle avait pratiquée dès lors qu’il s’agit d’une appréciation portée sur sa situation fiscale postérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; qu’elle ne saurait davantage utilement se prévaloir du « guide de l’évaluation des biens » publié par la direction générale des impôts lequel ne peut être regardé comme étant au nombre des « instructions ou circulaires publiées » par lesquelles l’administration fait connaître son interprétation des textes fiscaux ;
Considérant que, tout ce qui précède, il résulte que la S.A X… est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté l’intégralité des conclusions de sa demande qui n’étaient pas devenues sans objet ;
Article 1er – Le jugement, en date du 13 décembre 1990, du Tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu’il a omis de prononcer le non lieu à statuer à concurrence d’une somme de dix huit mille deux cent trente neuf francs (18 239 F).
Article 2 – A concurrence de la somme de dix huit mille deux cent trente neuf francs (18 239 F), en ce qui concerne le complément d’impôt sur les sociétés auquel la S.A X… a été assujettie au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la S.A X….
Article 3 – Les bases de l’impôt sur les sociétés assignées à la S.A X… au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 sont réduites d’une somme, respectivement, de vingt huit mille francs (28 000 F), vingt huit mille francs (28 000 F), soixante six mille sept cent cinquante francs (66 750 F) et quatre vingt deux mille cinq cent francs (82 500 F).
Article 4 – Il est accordé à la S.A X… la décharge de la différence entre le complément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 1977, 1978, 1979 et 1980 et celui qui résulte de l’article 3 du présent arrêt.
Article 5 – Le surplus du jugement, en date du 13 décembre 1990 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu’il a de contraire aux articles 3 et 4 ci-dessus.
Article 6 – Le surplus des conclusions de la requête de la S.A X… est rejeté.
Article 7 – Le présent arrêt sera notifié à la S.A X…, à Me Y… syndic liquidateur des biens de ladite société, et au ministre du budget.