Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 mai 1998 et le mémoire complémentaire, enregistré le 11 mai 1998, présentés pour M. et Mme Y…, demeurant La Motte, au Z… Robert (14380), par Me X…, avocat au barreau de Rennes ;
M. et Mme Y… demandent à la Cour :
1 ) d’annuler le jugement n 97-289 en date du 19 mars 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la réduction du complément de taxe sur la valeur ajouté auquel a été assujettie la SCI LA Y… pour la période du 1er août 1990 au 31 décembre 1992 et qu’ils ont été mis en demeure d’acquitter ;
2 ) de prononcer la décharge de l’imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3 ) de leur accorder le sursis à exécution du jugement attaqué ;
4 ) de condamner l’Etat au paiement des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 novembre 2001 :
– le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
– et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 24 février 1999 postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Manche a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d’une somme de 21 763 F, du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel a été assujettie la SCI LA Y… pour la période du 1er août 1990 au 31 décembre 1992 et que M. et Mme Y… ont été mis en demeure d’acquitter ; que les conclusions de la requête de M. et Mme Y… relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
Considérant que M. et Mme Y… demandent la décharge ou au moins la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel a été assujettie la SCI LA Y… pour la période du 1er août 1990 au 31 décembre 1992, d’une part, sur des immeubles vendus en l’état futur d’achèvement pour lesquels elle a acquitté une partie de cette taxe selon le régime des encaissements et, d’autre part, sur la vente d’autres immeubles situés à Cherbourg et à Sainte-Mère-l’Eglise pour lesquels en application du régime des marchands de biens la taxe sur la valeur ajoutée est calculée sur la marge ;
En ce qui concerne le rappel de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux ventes en l’état futur d’achèvement :
Considérant qu’aux termes de l’article 269 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « 1. Le fait générateur de la taxe se produit … c. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société entrant dans le champ d’application du 7 de l’article 257, par l’acte qui constate l’opération, ou à défaut, par le transfert de propriété … » ; que, toutefois, aux termes de l’article 252 de l’annexe II au même code : « Lorsque le règlement du prix se fait par acomptes, le paiement de la taxe peut se faire au fur et à mesure de leur encaissement dès lors que le redevable a présenté des garanties de recouvrement … » ;
Considérant, d’une part, qu’il est constant que la SCI LA Y… a adopté, spontanément pour les trois ventes immobilières qu’elle a effectuées, le 9 juillet 1992, en état futur d’achèvement, le mode de versement de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions de l’article 252 de l’annexe II au code général des impôts ; qu’elle a ainsi acquitté une partie de la taxe qui était due au titre de ces mutations ; que, cependant elle ne pouvait, en application de l’article 252 susrappelé, se placer sous ce régime sans présenter à l’administration les garanties que celle-ci était en droit de discuter ; qu’il est constant qu’elle n’a pas rempli cette obligation ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration a estimé que pour les opérations dont il s’agit elle relevait du régime de droit commun d’exigibilité de la taxe tel qu’il est défini par l’article 269.1. c précité du code général des impôts et lui a notifié une rappel de taxe sur la valeur ajoutée à compter de la date de mutation, correspondant à la différence entre le montant de la taxe exigible à la date de ladite mutation et celui de la taxe acquittée sur les acomptes versés par les acheteurs ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 272 du code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l’occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l’article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliées ou annulées ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. Toutefois, l’imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. L’imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l’administration, de la rectification préalable de la facture initiale … » ;
Considérant qu’il est constant que les ventes en l’état futur d’achèvement réalisées par la SCI LA Y… le 9 juillet 1992 n’ont été ni résiliées, ni annulées ; que, par ailleurs, les requérants n’établissent pas l’existence de créances correspondant à des ventes ou à des services devenues définitivement irrécouvrables au titre de la période vérifiée ; que, par suite, ils ne sauraient utilement invoquer les dispositions précitées de l’article 272 du code général des impôts pour demander que la taxe sur la valeur ajoutée due sur les ventes en l’état futur d’achèvement soit réduite de 77 751 F ;
Considérant que les requérants, qui supportent la charge de la preuve dès lors que la SCI LA Y… n’a pas répondu à la notification de redressement dans le délai imparti, n’établissent pas que ladite société n’aurait pas encaissé les acomptes versés par les acheteurs ; qu’enfin, la circonstance que les travaux effectivement réalisés en 1994 par la société qui avait garanti leur achèvement aient été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée n’a pas pour effet d’aboutir à une double imposition de l’opération dont il s’agit ;
En ce qui concerne le rappel de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux ventes placées sous le régime des marchands de biens :
Considérant qu’aux termes de l’article 268 du code général des impôts : « En ce qui concerne les opérations visées au 6 de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b. D’autre part, selon les cas : soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués » ;
Considérant que les requérants contestent la base d’imposition de la vente d’immeubles situés à Cherbourg et à Sainte-Mère-l’Eglise au motif que n’aurait pas été imputée sur la taxe due à raison de la marge réalisée à cette occasion la taxe ayant grevé des travaux qui auraient été réalisés après la date de mise en redressement judiciaire, soit le 18 février 1993 ; que, toutefois, la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ne saurait, en tout état de cause, venir s’imputer sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige dès lors que les travaux dont il s’agit ont été effectués postérieurement à la période vérifiée et que par conséquent le droit à déduction qui y était attaché n’a pu prendre naissance qu’après la clôture de cette période ; que, par ailleurs, les requérants, qui, comme il a été dit plus haut, supportent la charge de la preuve, n’apportent aucun élément de nature à établir que le vérificateur n’aurait pas pris suffisamment en compte la taxe sur la valeur ajoutée déductible ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, s’agissant des impositions restant en litige, M. et Mme Y… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;
Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l’essentiel, soit condamné à payer à M. et Mme Y… la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : A concurrence d’une somme de vingt et un mille sept cent soixante trois francs (21 763 F) concernant le complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel a été assujettie la SCI LA Y… pour la période du 1er août 1990 au 31 décembre 1992 et que M. et Mme Y… ont été mis en demeure d’acquitter, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme Y….
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Y… est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y… et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.