Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 16 mars 1994, 93NT00017, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 16 mars 1994, 93NT00017, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 8 janvier 1993, sous le n° 93NT00017, présenté par le MINISTRE DU BUDGET qui demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement, en date du 28 juillet 1992, par lequel le Tribunal administratif d’Orléans a accordé à la société Jardins et Loisirs la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés et de l’amende fiscale dont elle a été assortie qui lui a été assignée au titre de l’exercice clos le 31 août 1987 ;

2°) de rétablir la S.A. Jardins et Loisirs au rôle de l’impôt sur les sociétés à raison d’une base d’imposition de 289 740 F ;

3°) subsidiairement, de rétablir la société au rôle à raison d’une base d’imposition de 79 490 F ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 février 1994 :

– le rapport de M. GRANGÉ, conseiller,

– et les conclusions de M. ISAIA, commissaire du gouvernement,

Sur la recevabilité du recours :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Jardins et Loisirs, la Cour n’a pas été saisie d’une proposition de recours émanant des services de l’administration, mais d’un recours signé par le MINISTRE DU BUDGET tendant à la réformation du jugement du Tribunal administratif d’Orléans du 28 juillet 1992 ; que la circonstance que le signataire de ce recours, par délégation du ministre, et dont le nom était indiqué, ait signé celui-ci par ses initiales est sans incidence sur la recevabilité de ce recours ;

Sur le bien-fondé du recours :

Considérant que la S.A. Jardins et Loisirs, qui avait pour objet la location d’immeubles, a réalisé, au cours de l’exercice clos le 31 août 1986, une plus-value d’un montant non contesté de 773 398 F résultant de la vente d’un terrain dont elle était propriétaire depuis plus de deux ans ; qu’elle a déclaré à ce titre une plus-value à long terme taxable en 1986 au taux réduit de 25 % d’un montant de 191 082 F, représentant le solde de la plus-value réalisée après compensation par les résultats déficitaires de l’exercice et de l’exercice antérieur reportables ; qu’elle n’a toutefois pas acquitté l’imposition correspondante ; que l’administration, à la suite d’une vérification de comptabilité a, d’une part, redressé les résultats déficitaires des exercices en cause et, de ce fait, porté à 664 140 F le montant de la plus-value taxable en 1986 au taux réduit par imputation de la plus-value réalisée sur les résultats déficitaires ainsi redressés et, d’autre part, rapporté aux résultats de l’exercice clos en 1987 le montant net d’impôt de la plus-value taxée au cours de l’exercice précédent, considéré comme distribué faute d’avoir été inscrit à une réserve spéciale ; que le service a, en outre, appliqué à la société les pénalités prévues à l’article 1733.1 du code général des impôts, en cas de taxation d’office, ainsi que, en ce qui concerne la somme regardée comme distribuée taxée en 1987, l’amende de 100 % prévue par l’article 1763 A du code général des impôts ; que le contribuable ayant contesté l’imposition mise à sa charge au titre de l’année 1987, le MINISTRE DU BUDGET, qui fait appel du jugement du Tribunal administratif d’Orléans qui a accordé la décharge de ladite imposition ainsi que de l’amende de 100 % dont elle était assortie, demande à la Cour que la société Jardins et Loisirs soit rétablie au rôle de l’impôt sur les sociétés à raison d’une assiette de 289 740 F ;

Considérant que, pour accorder la décharge, le tribunal s’est fondé sur la seule circonstance que la société se serait abstenue dans sa déclaration de résultats afférente à l’exercice clos en 1986 de réalisation de la plus-value, d’opter pour le régime de taxation atténuée de celle-ci, mais aurait, au contraire, inclus cette dernière dans les recettes dudit exercice, prenant ainsi une décision de gestion que l’administration n’était pas en droit de remettre en cause ; que, toutefois, il résulte de l’instruction, et notamment des déclarations fiscales souscrites par la société au titre de l’exercice clos en 1986, que celle-ci a fait figurer une somme de 191 082 F représentative d’une plus-value à long terme imposable au taux de 25 % résultant elle-même, ainsi qu’il a été dit plus haut, de l’imputation sur la plus-value réalisée des résultats déficitaires enregistrés ; qu’ainsi, le tribunal s’est fondé sur un motif erroné pour accorder la décharge litigieuse ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société Jardins et Loisirs tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant qu’aux termes de l’article 219 du code général des impôts : « I. … Le montant net des plus-values à long terme visées au II de l’article 39 quindecies fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 25 % dans les conditions prévues par ce texte et par l’article 209 quater … » ; qu’aux termes de l’article 209 quater du même code : « 1. Les plus-values soumises à l’impôt au taux réduit de … 25 % prévu au troisième alinéa du I de l’article 219 diminuées du montant de cet impôt, sont portées à une réserve spéciale. 2. Les sommes prélevées sur cette réserve sont rapportées aux résultats de l’exercice en cours lors de ce prélèvement, sous déduction de l’impôt perçu lors de la réalisation des plus-values correspondantes … » ; que les bénéfices qui, en vertu des dispositions précitées du I de l’article 219 du code doivent être imposés au taux de 25 %, font partie des bénéfices sociaux de l’exercice au cours duquel ils ont été réalisés ; que les sociétés sont en droit de choisir entre les différents emplois possibles des bénéfices d’un exercice, ces emplois comprenant, notamment, l’inscription à des comptes de réserve, mais ne peuvent faire ce choix qu’après la clôture de l’exercice, lorsque les comptes de celui-ci ont été arrêtés ; que, par suite, l’obligation impartie aux sociétés, par les dispositions précitées de l’article 209 quater-1 ne peut être respectée, et, par conséquent, ne peut être regardée comme ayant été méconnue, qu’au cours de l’exercice suivant celui au cours duquel ont été réalisés les bénéfices relevant du régime des plus-values à long terme ; que si, au cours de ce second exercice, la société s’abstient de porter le montant de ses bénéfices, diminués de l’impôt y afférent, à la réserve spéciale prévue à l’article 209 quater, elle doit être regardée comme ayant pris, au sujet de l’emploi de cette somme, une décision de gestion qui lui est opposable, consistant à ranger délibérément ladite somme parmi les réserves ordinaires libres de toutes sujétions touchant à leur distribution éventuelle aux actionnaires ; qu’une telle décision, équivalant à doter un compte de réserve libre par le débit de la réserve spéciale, doit être assimilée à un prélèvement sur cette dernière, au sens et pour l’application de l’article 209 quater-2 ; qu’elle entraîne, par suite, en vertu de ce texte, l’assujettissement des sommes correspondantes, celles-ci fussent-elles le résultat d’un redressement intervenu après la fin de ce second exercice, à l’impôt sur les sociétés à un taux d’imposition égal à la différence entre le taux de droit commun et le taux de 25 % :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la plus-value nette imposable en 1986 réalisée par la société Jardins et Loisirs s’est élevée après redressement au montant non contesté de 664 140 F, correspondant à une imposition de 166 035 F au taux réduit de 25 % en faveur duquel la société avait opté ; qu’il est constant que la société n’a inscrit aucune somme, au cours de l’exercice clos en 1987, au crédit de la réserve spéciale prévue par les dispositions précitées de l’article 209 quater-1 du code ; que le prélèvement opéré sur cette réserve doit être regardé comme distribué et assujetti à l’impôt sur les sociétés dû au titre de 1987, et non de 1986 comme le soutient à tort la société ; que le moyen tiré de ce qu’il n’y aurait eu en fait aucun prélèvement sur une réserve qui n’était pas dotée est inopérant ; qu’il suit de là que le ministre est fondé à demander le rétablissement de l’imposition litigieuse ; que, toutefois, il limite sa demande au rétablissement à raison d’une assiette de 289 740 F ; qu’il y a lieu de faire droit à ces conclusions ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d’Orléans a accordé à la société Jardins et Loisirs la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de 1987 ;

Article 1er – Le jugement en date du 28 juillet 1992 du Tribunal administratif d’Orléans est annulé en tant qu’il décharge la société Jardins et Loisirs de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 1987.

Article 2 – La cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés assignée à la société Jardins et Loisirs au titre de 1987 est remise à sa charge à raison d’une base d’imposition de deux cent quatre vingt neuf mille sept cent quarante francs (289 740 F).

Article 3 – Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET et à la société Jardins et Loisirs.


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